C’était il y a quelques jours. Ma maman devait se rendre à une entrevue avec la directrice de l’école primaire du petit dernier de la famille, 6e année.
Elle me demande de l’y accompagner. Je cherche à savoir s’il y a une raison particulière, au-delà des petits soucis que peut rencontrer tout enfant de cet âge. Elle m’explique qu’elle a l’impression, basée sur les précédentes entrevues avec la directrice, que celle-ci lui parle avec condescendance, qu’elle n’est pas à l’écoute et qu’elle fait preuve de paternalisme (ou plutôt, en l’occurrence, de maternalisme).
Interpellé et, à dire vrai, incrédule, je l’accompagne à cette fameuse entrevue, résolu et décidé à en avoir le cœur net, concevant difficilement une telle chose. C’est que ma maman, sans exagération, c’est la maman la plus formidable du monde, passé, présent et futur. En tout cas, c’est une femme impliquée, concernée, attentionnée, ouverte au dialogue, dépourvue de mauvaise intention, travailleuse, soucieuse d’éduquer et d’accompagner au mieux ses enfants.
Nous voilà donc dans le bureau de la directrice, comme prévu.
Dans un premier temps, je me contente de laisser ma maman parler, tout en observant les réactions de la directrice. Et je suis stupéfait de constater que le malaise de ma maman est tout à fait fondé. Mais je reste calme. Ou plutôt j’essaie, parce que j’ai presque l’impression que c’est ma maman l’enfant, le rapport établi par la directrice n’étant pas celui d’égale à égale.
Cela devient insupportable, je finis donc par m’interposer, non pas pour venir à la rescousse de ma maman, mais pour dire, avec un volume de voix élevé et bien décidé à ne pas être interrompu, que nous sommes des parents concernés, soucieux d’offrir une éducation de qualité au petit, et que nous souhaitons être écoutés comme il se doit, avec la considération qui sied.
Et là, tout change. La directrice est transformée. Elle écoute. Elle est attentive. Elle entend notre propos. Elle se montre plus humble. Son volume de voix a nettement diminué. C’est une autre personne. Le dialogue, le véritable dialogue, s’installe.
Pourquoi je ressens le besoin de dévoiler cette anecdote ? Quel est le rapport avec le titre de ce billet ?
Nous sommes musulmans pratiquants et ma maman porte le foulard par conviction. Ajoutez à cela le fait qu’elle privilégie toujours une approche douce des choses et qu’elle exècre le ton polémique, et vous obtenez la situation décrite : une directrice qui, sans même être nécessairement et foncièrement malintentionnée, la prend de haut.
Il s’agit d’un exemple parfait de la violence psychologique que vivent quotidiennement de nombreuses femmes musulmanes, victimes de préjugés paternalistes qui les relèguent au rang d’éternelles petites choses fragiles, que l’on plaint, pour qui l’on réclame égalité et émancipation, mais à qui l’on dénie paradoxalement toute aptitude à s’exprimer, à participer, à s’affirmer.
Un soupçon d’empathie, il ne faut rien de plus pour entrevoir les effets potentiellement dévastateurs que comporte cette violence psychologique, ce racisme ordinaire qui s’opère bien souvent dans l’indifférence générale.
Mehmet Alparslan Saygin
UETD Brussels / Secretary-General
Blog Anachorete