Entretien avec Younès Belhanda
Imanol Corcostegui, à Istanbul, Bursa et Antalya
Vendredi 6 octobre le magasine l’Equipe à consacrée 15 pages sur le championnat turc. Turquie-news a décidé de vous présenter quelques extrait.
GRAND ARTISAN DE L’EXCELLENTE SAISON DE NICE L’AN DERNIER, YOUNÈS BELHANDA EST UN DES NOMBREUX EXILÉS QUI ONT SIGNÉ EN TURQUIE CET ÉTÉ. LE NOUVEAU MENEUR DE JEU DE GALATASARAY, LEADER DU CHAMPIONNAT, NE REGRETTE PAS SON CHOIX.
Il a découvert tout jeune les lointaines aventures. En 2013, un an après un sensationnel titre de champion de France remporté avec Montpellier, Younès Belhanda, 23ans à l’époque, étonne en rejoignant le lucratif Championnat ukrainien. « Cette expérience m’a beaucoup plu. S’il avait fallu, j’y serais retourné sans broncher », assure-t-il, assis au bord d’un terrain d’entraînement de son nouveau club de Galatasaray. Après un prêt réussi à Nice l’an passé (3e de L1), l’international marocain de 27 ans (40 sélections) a de nouveau opté pour l’expatriation, chez un géant d’Istanbul. Il y brille, leader du Championnat, aux côtés de Bafé Gomis. Sans jamais arrêter de sourire, le meneur de jeu raconte les charmes de sa nouvelle vie.
Pourquoi avoir choisi de partir en Turquie cet été ?
C’est l’offre la plus sérieuse que j’ai reçue. Je n’ai pas signé dans n’importe quel club turc. J’ai choisi Galatasaray, une énorme écurie, la plus titrée du pays, qui a fait un super recrutement et vise la Ligue des champions. Après Montpellier et Nice, des clubs à taille humaine, là, je bascule dans une autre dimension. Attention, je n’ai pas pris cette décision à la légère : j’ai appelé beaucoup, beaucoup de joueurs passés par la Turquie avant de signer ici. Je les ai saoulés avec mes questions !
Ils vous ont dit quoi ?
Ils ne m’ont dit que du bien du pays, de la ville d’Istanbul, de la passion autour du foot. J’étais surtout en quête d’engouement parce que j’adore ça et que, à part à Schalke 04 pendant six mois (un prêt en 2016), je ne l’ai jamais vraiment vécu. Ils ont insisté : « Ne t’inquiète pas, tu vas être servi. »
Et alors ?
Dès que je suis arrivé à l’aéroport, je me suis dit que je ne m’étais pas trompé. L’ambiance à domicile, avec 50 000 spectateurs tellement chauds, c’est un truc de fou. Quand tu mènes 2-0, tu sais que c’est impossible de perdre. À la maison, le public ne te laisse pas le choix : il ne peut pas y avoir de temps faibles, ce qui joue des tours parce qu’on ne peut pas être à 100 % pendant l’intégralité d’un match. Parfois, je suis cramé au bout de trente minutes ! Mais le public te redonne la motivation nécessaire pour te surpasser. Médiatiquement aussi, c’est hors norme...
C’est-à-dire ?
Cela fait cinq ans que ma femme me suit partout où je joue, et elle n’avait jamais été en photo dans le journal. Ici, c’est déjà arrivé (il rit). Tu ne peux pas vraiment avoir de vie privée. L’autre jour, je suis allé nager à la piscine avec mes enfants. Pareil, quelqu’un m’a photographié... Cette passion pour le foot a du positif et du négatif, mais il faut l’accepter tout entière parce que c’est magnifique à vivre. Ici, le football est une religion.
« TOUS LES JOUEURS SONT À FOND PARCE QUE LE PUBLIC TE FORCE À ÇA. À L’EXTÉRIEUR, LES MATCHES SONT TOUJOURS COMPLIQUÉS » L’argent a dû compter dans votre choix...
Évidemment, il y a beaucoup d’argent dans le Championnat turc. Mais de l’argent, j’en ai gagné, je ne suis pas en manque. Et les gens qui me connaissent disent souvent : « Si Younès n’est pas bien au foot, tout l’argent qu’il a ne lui sert à rien. » J’ai signé à Nice pour la moitié de ce que je gagnais au Dynamo Kiev (club auquel il appartenait depuis 2013). Mais j’y suis allé parce que je savais qu’on allait pratiquer un jeu séduisant et que j’allais être heureux sur le terrain. Ici, c’est pareil, c’est le projet sportif qui m’a séduit.
Vous qui jouiez en Ukraine pendant la crise politique, vous n’avez pas eu peur des tensions et des risques d’attentats en Turquie ?
Non, ça n’a pas affecté ma décision. Parce que je me dis que, dans n’importe quel pays, il peut y avoir des attentats. L’actualité le prouve presque tous les jours. On n’est en sécurité nulle part.
Vous ne vous êtes pas dit que vous étiez un peu jeune pour signer dans ce qu’on qualifie souvent de Championnat de préretraités ?
(Il sourit.) Je suis parti à Kiev à 23 ans... On en parlait avec Sofiane (Feghouli, son coéquipier algérien qui vient aussi de rejoindre Galatasaray) : j’ai commencé jeune à Montpellier, et après le titre de champion de France en 2012, quand j’ai changé de contrat, les gens ont changé leur regard sur moi. Alors que je n’avais que 22 ans, je n’étais plus considéré comme un jeune. Moi aussi, du coup, j’ai été obligé de dépasser ces considérations.
Comment jugez-vous le niveau du Championnat turc ?
Comme je le disais, tous les joueurs sont à fond parce que le public te force à ça. À l’extérieur, les matches sont toujours compliqués. On l’a vu à Antalya (le 10 septembre) : on mène très difficilement 1-0 et on se fait rejoindre 1-1 après un but de Samuel Eto’o, poussé par l’ambiance. On était à la rue parce que le public était bouillant. J’ai aussi été impressionné par le niveau technique de pas mal de joueurs : il y a beaucoup de Brésiliens, des ex de Ligue 1, des Africains. Les Turcs aussi sont techniques. C’est un bon Championnat.
Les footballeurs musulmans qui viennent jouer ici parlent souvent d’un contexte épanouissant pour vivre leur religion...
Ici, je me sens libre. Personne ne juge qui est musulman, qui ne l’est pas, qui est chrétien... C’est vraiment agréable. Chacun vit sa religion comme il l’entend.
Vous ne ressentiez pas cela en France ?
Il y a plus de stigmatisation. Depuis les attentats, chez certains, il y a moins de retenue. J’ai l’impression que des tabous ont été levés et que des gens mélangent tout. Tout le monde n’est pas comme ça, je ne veux pas faire de généralités. J’adore la France : j’y suis né, j’y ai grandi, elle me manque déjà. Mais, pour un musulman, la Turquie est un pays passionnant. C’est l’ancien Empire ottoman, il y a tant de richesses à découvrir.
Avec votre notoriété, ça va être compliqué de visiter la Mosquée bleue...
Oui, on va devoir la faire privatiser ! Le pays tout entier a l’air magnifique : sur la côte, il y a des villes comme Antalya ou Bodrum. Mais rien qu’Istanbul ! Comme on me l’a dit en arrivant, tout ce qui existe dans le monde, on peut le trouver à Istanbul. Et puis la nourriture, je n’en parle même pas, je n’ai jamais connu ça. Leur viande est un délice. Et les böreks (des beignets fourrés), vraiment, je vous les recommande (il rigole). Ce n’est pas très diététique, mais ça va, je suis trè maigre en ce moment.
Vous continuez à suivre les matches de Nice ?
(Du tac au tac.) Oui, toujours. Je regarde tous leurs matches. Ils reviennent bien après un passage à vide logique en début de saison puisqu’il y a eu beaucoup de changements cet été. Seri revient, c’est la plaque tournante : quand il n’est pas là, ça change tout. Sur les derniers matches, ils ont eu énormément d’occasions. Je pense que leur jeu est même encore plus fluide que l’année dernière.
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