Suite à la rencontre entre le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan, le président grec Karolos Papoulias et le Premier ministre George Papandreou, une vingtaine d’accords concernant l’immigration et la coopération entre les deux pays ont été signés. Un Conseil supérieur gréco-turc a également été créé pour s’occuper du développement économique. Les deux pays rivaux de longue date, dont les dépenses militaires représentent une forte part du PIB, veulent avancer vers un approfondissement de leurs relations. C’est à ce sujet que s’est exprimé le Premier ministre Papandreou lors de l’entretien exclusif avec Zaman. Le Premier ministre a également déclaré que la Grèce et la Turquie ne pourraient jamais normaliser leurs relations tant que subsisteront des menaces en mer Egée et tant qu’il y aura une occupation à Chypre. "Nous devons laisser ces choses derrière nous une bonne fois pour toutes" a-t-il confié au journal.

Si l’on compare les investissements turcs en Grèce aux investissements grecs en Turquie, on constate une énorme différence. Pourquoi la Turquie n’investit-elle pas en Grèce ?

C’est exact. Il faudrait que cela change. Mais cela n’a pas de signification politique. Ce genre de décisions doit être pris selon des critères économiques. Mon gouvernement a reçu un mandat pour mener à bien les réformes radicales. La crise économique n’a fait qu’augmenter le caractère urgent du programme. Lorsque la Grèce se sera sortie de cette crise - et elle s’en sortira bientôt - elle n’en aura que des fondements plus solides. La Grèce est donc un pays où il faut investir.

Quels seraient les opportunités et les défis pour les investisseurs turcs en Grèce ? Comment votre gouvernement compte t-il faire face à ces questions et assouplir les restrictions de visa ? Il a été question à un moment d’exemption de visa concernant les voyages d’un jour. Mais il n’y a aucune évolution à ce sujet, y en aura-t-il bientôt ?

Il a longtemps été difficile de créer son entreprise en Grèce ou d’obtenir une autorisation. Tout cela change. Et comme je l’ai dit la crise économique accélère ces changements. Pour les visas je vais assouplir le régime les concernant. Mais la convention de Schengen pose certaines limites. Nous essayons toutefois de pallier ce problème afin de faciliter les échanges.

Quelles seront vos dépenses en armements les cinq prochaines années ? Egemen Bagis, le ministre d’Etat a suggéré que la Turquie et la Grèce devaient réduire leurs dépenses militaires en même temps. Cela est-il possible avant même d’avoir trouvé une solution aux problèmes de longue date ?

Vous devez vous souvenir de la période à laquelle j’ai évoqué la question de la réduction d’armement entre les deux pays, entre 1999 et 2004. Cette réduction aurait permis aux deux pays d’investir dans l’éducation, la santé et la culture plutôt que dans l’armement. Nous devons, en tant que leaders de nos pays, parler franchement entre nous et à nos citoyens. Nous devons oublier les zones d’ombre de nos relations et nous consacrer à notre futur commun qui nous attend au sein de la famille européenne.

La Grèce insiste en prétendant qu’il n’existe qu’un seul problème : la mer Egée. La Turquie pense autrement. Où en est la situation ? Est-il vrai que lorsque Costas Simitis était premier ministre les deux pays étaient sur le point de résoudre ce problème ?

Nous avons entrepris le processus de délimitation du plateau continental et des frontières entre les deux pays. Il s’agit d’un problème qui depuis toujours joue un rôle primordial dans les relations gréco-turques. Celui-ci peut être résolu. J’ai travaillé sur ce problème avec Ismail Cem entre 1999 et 2004 lorsque j’étais ministre des affaires étrangères. Nous avons bien progressé. Je suis convaincu qu’aujourd’hui nous pouvons trouver une solution. Nous ne partons après tout pas de zéro. Si nous n’arrivons pas à une solution dans un délai convenable, nous porterons la question au tribunal de La Haye.

Que pensez-vous du Premier ministre turc ? Pensez-vous qu’il est le genre d’homme avec qui vous pouvez faire facilement affaire ?

Il est un dirigeant qui a marqué l’Etat turc ainsi que la société turque. Je pense qu’il a des objectifs très clairs, qu’il est ambitieux. Il a fait le bon choix en luttant pour l’adhésion de son pays à l’UE. Il est resté, en dépit des difficultés objectives, attaché à cet objectif. Il doit savoir que je serai à ses côtés dans cette entreprise. Chaque décision qui renforce la démocratie en Turquie est un pas vers le bon voisinage, vers le respect des minorités et du patriarcat œcuménique, vers la réunification de Chypre. Nous irons ensemble vers l’adhésion de la Turquie dans la famille européenne.

Qu’attendez-vous du Conseil supérieur gréco-turc ?

Il représente le fondement de notre confiance, le point de départ d’un changement de l’attitude qui existe au sein des administrations publiques de nos deux pays. Cet effort est important et prometteur, nous avons besoin de carburant pour aller de l’avant.

Athènes va avoir une mosquée après tant d’années, et ce malgré le fait que cela ne fasse pas l’unanimité au sein de la société. Que signifie cette mosquée pour les Grecs ?

Il s’agit d’une obligation de l’Etat grec pour les musulmans qui vivent dans la capitale. C’est aussi un engagement personnel de ma part pour répondre au besoin d’expression religieuse. Il y a eu peu de réactions concernant la création d’une mosquée. La majorité des Grecs pense que c’est la bonne solution et la soutient. Les gens veulent juste être sûrs qu’il n’y aura pas de confusion entre religion et politique.

Soutenez-vous l’initiative de la Turquie dans les Balkans ? En quoi la Grèce pourrait-elle contribuer à ces initiatives ?

Comme vous le savez, la Grèce est le pays européen le plus actif dans les Balkans politiquement et économiquement. En 2003, la diplomatie grecque avait présenté la perspective européenne des Balkans dans l’Agenda de Thessalonique. Nous avons joué un rôle important dans la mise en place de ce projet. Notre priorité est la création d’un espace de paix, de sécurité et de développement dans notre voisinage. La Turquie peut jouer un rôle très utile dans cette optique.

Source Zaman