Muhtesem Yüzyıl, Gümüs, Leyla ile Mecnun... Ces séries télé ne vous disent rien, mais dans les Balkans, en Russie ou encore dans les pays arabes, les téléspectateurs en sont fans. En dix ans, la Turquie c’est hissée au deuxième rang des pays producteurs de séries, derrière les Etats-Unis.
Habillez des acteurs dans des costumes ottomans, attribuez-leur les rôles de Sultan, favorites, reine mère et esclaves, reconstituez un harem dans Istanbul et saupoudrez le tout d’intrigues et de romances. C’est la nouvelle recette des producteurs de séries télé turques pour trouver le succès.
En deux ans, Le Siècle Magnifique (Muhteşem Yüzyıl), une série qui retrace la vie quotidienne du Sultan Süleyman le Magnifique et de son Harem, a conquis non seulement les téléspectateurs turcs mais aussi ceux de 45 pays.
Au total, plus de 204 millions de téléspectateurs de l’Estonie à la Bosnie-Herzégovine en passant par la Lettonie, ont été séduits en 2013 selon le site d’information Habertürk. La série s’est d’ailleurs hissée au premier rang des feuilletons les plus regardés dans ses pays. En Europe, après la Grèce, l’Italie s’est laissée tenter, mais les producteurs ne comptent pas en rester là et s’apprêtent à vendre la série en France.
Intrigues, histoires d’amour et familles
Si la Turquie surfe désormais sur la vague des soap-opéras historiques, sa spécialité reste les histoires d’amour et familiales liées à des intrigues sur fond de vie quotidienne. Elles s’adressent à un public essentiellement féminin voire familiale et sont presque "réalistes’".
De Leyla ile Mecnun, une comédie romantique à Ezel, une série dans laquelle se mélangent histoires de mafia, d’amour et de revanche, chaque téléspectateur se retrouve plus ou moins dans les personnages. De nombreuses scènes font penser aux célèbres "Dallas" et autres "Feux de l’Amour".
Les producteurs turcs exploitent aussi un autre filon. Décliner certaines séries américaines, dont les sujets sont parfois trop éloignés de la culture orientale, aux couleurs locales. Ainsi, Grey’s Anatomy est devenue Doktorlar (les médecins) et Desparate Housewifes "Umutsuz Evkadinlari".
« Dans ma version de ’Desperate’, les femmes sont musulmanes, elles lisent le Coran et quand quelqu’un meurt, elles se couvrent la tête » a expliqué le producteur turc Fatih Aksoy a l’AFP.
Ces "remakes" ont de fait remporté un franc succès dans les pays arabes et ceux de l’Est.
La Turquie deuxième producteur de séries au monde
L’ascension a été fulgurante puisqu’avant 2005, et le lancement de Gümüs (’Argent’ en français), le pays ne produisait presque pas de séries. Deux ans plus tard, 84 millions de téléspectateurs dans le monde regardaient la diffusion du dernier épisode.
Depuis, toute une industrie s’est développée. Le pays propose chaque année près de 100 nouvelles séries et en a vendu plus de 70 dans 50 pays l’an dernier. Selon les dernières évaluations, l’exportation de séries turques à l’étranger a généré quelques 150 millions de dollars de revenus.
Les pays du Moyen-Orient ont été les premiers séduits, rejoins par les Balkans et l’an dernier par la Russie, la Chine et le Pakistan. La Grèce a même succombé à la tentation.
La raison première à cet engouement est économique. Les séries turques – dont une saison peut compter jusqu’à 42 épisodes – sont produites à un coût relativement peu élevé. On ne fait appel qu’à deux ou trois scénaristes, les scènes sont tournées majoritairement à Istanbul ou en studio et à la manière des séries B françaises, les tournages s’enchainent très vite.