Le 24 février 2024, à Istanbul, s’est tenue une conférence internationale intitulée "Décolonisation : le réveil de la renaissance", organisée par le Groupe Initiative Bakou.
Plus de 50 représentants de 13 pays et 4 organisations internationales ont participé à cet événement d’envergure mondiale.
Parmi les participants figuraient Abbas Abbasov, directeur exécutif de BIG, Carlyle G. Corbin, expert indépendant auprès du Comité spécial de l’ONU sur la décolonisation, Cindy Adela Pollux, membre du bureau politique du Mouvement pour la liberté sociale et la décolonisation de la Guyane française, Jean Guy Talamoni, ancien président de l’assemblée de Corse et militant indépendantiste, Tunç Demirtas, chercheur à la SETA, Ella Tokoragi, membre du parti indépendantiste Tāvini huiraʻatira Tahitien, et Samantha Françoise Cyriaque, Vice-Présidente de l’assemblée de Guyane.
La conférence a réuni des représentants de 13 pays différents et de quatre organismes internationaux, y compris des délégués des territoires français tels que la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française, la Guyane française, la Martinique et la Guadeloupe.
Dans son discours inaugural, Carlyle G. Corbin, expert indépendant du Comité spécial de l’ONU sur la décolonisation, a mis en évidence deux événements majeurs survenus au début des années 1990 qui ont entravé le processus de décolonisation débuté en 1945. Il a souligné la fin de la guerre froide et l’indépendance de la Namibie, tout en notant que depuis les années 1990, seul le Timor-Leste a été décolonisé, en 2002.
Corbin a plaidé en faveur d’un "réveil de la renaissance de la décolonisation", exhortant l’ONU à reconnaître son rôle dans ses obligations internationales pour faire progresser le processus de décolonisation. Il a également signalé une renaissance de l’attention internationale sur la décolonisation, mettant en avant les efforts continus du Groupe Initiative de Bakou comme l’une des initiatives les plus soutenues pour promouvoir la décolonisation mondiale.
Lors de la première session de la conférence, les participants ont engagé une discussion approfondie sur les répercussions de la colonisation sur l’identité nationale, mettant en lumière des enjeux tels que la discrimination ethnique et culturelle, l’instabilité politique, ainsi que les conflits régionaux.
Tunç Demirtas, chercheur à la fondation basée à Ankara SETA, a souligné l’importance de la tenue de cette réunion en Turquie en raison de l’absence de passé colonial, faisant de ce pays une exception notable. Il a affirmé que la Turquie s’oppose fermement au colonialisme, qu’il soit ancien ou sous des formes contemporaines. Il a également mis en avant les politiques africaines menées par la Turquie et l’Azerbaïdjan comme des exemples où les activités régionales peuvent être menées avec un consentement mutuel, créant ainsi une dynamique de "gagnant-gagnant".
Ibrahima Diagne, intervenant lors de la conférence, a souligné que l’ordre mondial unipolaire établi pendant la guerre froide a été fortement contesté au cours des dernières années, avec l’émergence de puissances telles que la Chine, la Russie, le Brésil et la Turquie. Il a exprimé l’espoir que cette évolution pourrait conduire à une décolonisation complète de l’Afrique.
Cindy Adela Pollux, membre du Mouvement pour la liberté sociale et la décolonisation de la Guyane, a déclaré que leur participation aux événements internationaux visait à dénoncer les méfaits de la France dans leurs territoires. Elle a exprimé le désir que la Guyane soit réinscrite sur la liste des pays non autonomes de l’ONU afin de pouvoir discuter de son autodétermination.
Ella Tokoragi, membre du parti indépendantiste Tāvini huiraʻatira Tahitien, a souligné l’importance de l’éradication de la colonisation dans le monde et a appelé à ce que la France rende leur pays, exprimant le besoin d’exercer pleinement leur souveraineté.
Jean Jacob Bicep, secrétaire général de l’Union Libérale pour la Libération de la Guadeloupe (UPLG), a souligné l’importance de la solidarité internationale dans leur lutte pour la libération de leurs territoires colonisés.
Jean Guy Talamoni a salué l’invitation du Groupe Initiative Baku et a souligné la nécessité d’une collaboration renforcée entre les peuples colonisés pour contraindre Paris à des négociations sérieuses et mettre fin à la colonisation.
Cindy Adela Pollux et Ella Tokoragi
Cindy Adela Pollux ; « MDES », qui est un mouvement de décolonisation et d’émancipation de la Guyane, participe aux événements internationaux pour dénoncer les méfaits de la France dans nos territoires. Nous étions dans la liste des pays non autonomes, nous avons été retirés, maintenant nous demandons notre réinscription sur cette liste de l’ONU pour enfin pouvoir discuter de notre autodétermination.
Ella Tokoragi ; Je viens de Tahiti, je suis membre du parti indépendantiste... Nous sommes invités depuis l’année dernière à participer à des conférences, comme celle que nous avons vécue aujourd’hui à Istanbul. Nous avons sympathisé depuis juillet de l’année dernière sur les thèmes qui nous concernent tous, puisqu’il s’agit dans un premier temps de l’éradication de la colonisation dans le monde. La nouvelle conférence d’aujourd’hui aborde un thème assez important également, le plus crucial pour nous n’est pas ce que nous demandons ou attendons de la France, nous avons une seule demande : qu’elle nous rende notre pays. Nous n’attendons rien de spécifique de ce pays, seulement le plein exercice de notre souveraineté, un droit noble pour une population."
Jean Guy Talamoni
Jean Guy Talamoni ; Nous sommes ici à l’invitation du Groupe Initiative Baku, auquel nous avons adhéré il y a plusieurs mois. En fait, nous rencontrons ici des peuples et des représentants que nous connaissons bien, tels que les Kanaks, les Polynésiens, les Martiniquais, les Guadeloupéens, et d’autres, avec lesquels nous travaillons régulièrement depuis des dizaines d’années. Nous les invitons également régulièrement à Cortet pour la journée internationale au mois d’août. Nous sommes un peu en famille ici aujourd’hui. Nous pensons qu’il faut effectivement passer à une vitesse supérieure dans nos relations, dans notre collaboration, pour essayer d’avancer et de contraindre Paris à des véritables négociations, nous permettant de mettre fin véritablement à la colonisation qui continue de sévir dans nos pays respectifs.
S’agissant de la Corse, la situation est assez tendue en raison d’une volonté répressive de Paris, renouvelée encore ces derniers jours. Nous avons eu des arrestations extrêmement brutales et violentes. Plus que jamais, nous avons besoin de parler et d’agir avec les représentants des peuples qui sont dans la même situation que nous, une situation clairement coloniale. Je pense que ces deux jours de travail ont été extrêmement productifs. Nous allons pouvoir maintenant agir, penser, réfléchir et agir de manière continue, non plus seulement de manière certes régulière, mais épisodique comme nous l’avons fait depuis des dizaines d’années. Il faut effectivement passer à la vitesse supérieure.
C’était tout à fait productif, et nous remercions les promoteurs de ce groupe BIG qui ont permis à tous ces peuples de se rencontrer à nouveau dans un cadre qui leur permet également de porter une parole plus forte avec un rayonnement plus important. Ces deux jours ont été parfaitement organisés.
Jean Jacob Bicep
Jean Jacob Bicep, Secrétaire général de l’Union Libérale pour la Libération de la Guadeloupe (UPLG), ; Nous sommes aujourd’hui en Turquie à Istanbul pour participer à cette conférence sur la renaissance de la décolonisation dans les territoires occupés par la France. Pour nous, cela nous paraît important de répondre à cette initiative du groupe INITIATIVE DE BAKU, car nos territoires, qui sont effectivement sous administration politique, militaire et administrative, se trouvent dans un face-à-face pratiquement mortifère avec la France depuis de nombreuses années. La tâche est très compliquée, nous n’avons pas, nous ne bénéficions pas de solidarité internationale. Il est vrai que nous menons la lutte chez nous pour libérer notre pays de la puissance coloniale, et nous avons besoin de cette solidarité internationale. L’aide fort opportunément apportée par l’Azerbaïdjan lorsqu’elle assurait la présidence des pays non alignés nous a paru comme étant une opportunité à saisir, et nous avons saisi, ce qui fait que nous avons participé à la création de cette INITIATIVE DE GROUPE DE BAKU. Nous poursuivons effectivement la démarche avec ce groupe. Nous avons déjà été à l’ONU pour réclamer notre retour sur la liste des pays à décoloniser. Là, nous continuons encore à populariser à travers le mouvement des non-alignés, mais aussi à travers d’autres pays, pour que notre voix puisse porter sur la scène internationale. Pour que la version de la France ne soit pas la seule version qui soit entendue, pour que la version de ceux qui sont colonisés, qui souffrent de cette présence française sur le territoire, puisse être entendue. Pour que notre combat pour la liberté puisse être entendu, pour que nous puissions avoir une large solidarité entre peuples colonisés, mais aussi une solidarité de l’ensemble des peuples de notre planète qui militent pour la liberté et le fait que chaque peuple puisse, par l’autodétermination, choisir son destin."