100e anniverssaire de la république de Turquie

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Le gouvernorat de Cemal Bey (futur Cemal Paşa) à Adana (1909-1911)

Publié le | par SibiryaKurdu | Nombre de visite 88

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Auguste Sarrou, La Jeune-Turquie et la Révolution, Paris, Berger-Levrault, 1912 :

"On a reproché aux Jeunes Turcs de n’avoir pas arrêté immédiatement les massacres d’Adana. Si l’on veut être juste, il faut reconnaitre que deux dangers menaçaient la situation de la Jeune-Turquie : d’abord la réaction dans Constantinople , d’où elle pouvait d’un moment à l’autre se propager et gagner tout le reste de la Turquie d’Asie ; ensuite la réaction locale d’Adana, dont le foyer se trouvait dans la capitale. Le meilleur moyen de dominer l’une et l’autre était tout d’abord d’étouffer la réaction à son foyer même, pour sauver tout l’Empire menacé ; puis de se porter au secours de la région d’Adana. C’est ce qui fut fait." (p. 133)

"Nous avons expliqué que, dès le lendemain de la proclamation de la Constitution en Macédoine, l’un des premiers soins du Comité « Union et Progrès » fut de remplacer en Anatolie les valis, mutessarifs et kaïmakams (gouverneurs généraux, gouverneurs et sous-gouverneurs), par des fonctionnaires honnêtes ; c’est l’œuvre la plus habile et la plus utile que ce parti ait accomplie. Sans cette précaution essentielle, le mouvement de réaction de Constantinople se serait rapidement étendu dans toutes les provinces de l’intérieur. En effet, il était facile aux beys et aux pachas des différentes régions anatoliennes, qui se voyaient dépouillés par le nouveau régime de leur toute-puissance, de tromper le peuple ignorant et de le soulever contre le parti « Union et Progrès ». Ils auraient trouvé parmi les anciens fonctionnaires, si ceux-ci avaient été conservés, les plus précieux auxiliaires, car ces derniers préféraient vivre sous le régime des anciens abus , plus rémunérateurs que les appointements régulièrement payés par le nouveau régime.

A Césarée, où les populations musulmanes et chrétiennes sont très fanatiques, les massacres en 1909 auraient été plus terribles encore que ceux d’Adana, sans l’énergie du gouverneur de cette ville, Djemal bey , qui, bien longtemps avant la réaction de Constantinople, se trouva en lutte ouverte avec les puissants réactionnaires de la région. A deux reprises il fut assailli dans son conak par la population musulmane soulevée, qui brisa les vitres de la préfecture et tenta d’enlever de force le gouverneur qu’elle traitait de fonctionnaire infidèle, « gihaour ». Ce dernier, grâce à ses instances énergiques, obtint l’envoi d’un bataillon d’infanterie à Césarée et, quand le mouvement réactionnaire de la capitale éclata, l’ordre et la tranquillité purent être maintenus dans cette région difficile, malgré les efforts des émissaires de la réaction, grâce à la présence de cette force commandée par un excellent officier supérieur.

Les nouveaux gouverneurs avaient à remplir une tâche très difficile. Car tout était pourri autour d’eux ; les employés, les gendarmes, les agents de police, rien n’avait résisté à l’action démoralisatrice et néfaste de l’ancien régime. Ils se trouvaient comme des moteurs neufs et perfectionnés placés dans de vieilles machines dont tous les rouages sont démolis." (p. 190-191)

Henry Nivet, La Croisade balkanique. La Jeune Turquie devant l’opinion française et devant le socialisme international, Paris, 1913 :

"Les massacres d’Adana se produisirent avant que les Jeunes-Turcs eussent le temps d’intervenir utilement — quoi qu’en disent les notables et les comités arméniens agissant inconsciemment à l’instigation de la Russie.

Depuis, des mesures de police extraordinaires ont été prises, des instructions sévères et formelles ont été données aux fonctionnaires de l’Arménie pour éviter de nouveaux massacres. Le gouvernement sait que la population chrétienne est travaillée par les agents de la Russie pour l’exciter au besoin à la révolte. Il sait, d’autre part, que les mêmes agents sont capables de distribuer en secret de l’argent à des Kurdes mécontents pour provoquer de nouveaux meurtres." (p. 90-91)

"Nouvelles de l’étranger", Le Temps, 13 août 1909 :

"Les massacres d’Adana

Le Standard publie une interview du nouveau gouverneur d’Adana, Djemal bey, sur les massacres d’Adana :

Les massacres, dit-il, ont été provoqués tout d’abord par la mauvaise administration du régime hamidien. L’absence d’un gouvernement local réellement constitué et la faiblesse des fonctionnaires chargés de l’administration du pays, qui n’ont pas pu ou n’ont pas voulu arrêter les troubles dès leur commencement, ont certainement aussi contribué au désastre.

Je considère comme mon devoir d’étouffer par tous les moyens possibles les vieilles habitudes introduites par l’ancien régime. J’ai l’intention d’établir un gouvernement local fort et énergique, s’appuyant sur la réorganisation de la police et de la gendarmerie.

Quand les Arméniens verront la tranquillité rétablie et la justice la même pour tous, ils ne continueront pas à abandonner leur ville et leur pays, et ceux qui se sont enfuis reviendront, et tous, j’en suis sûr, deviendront de loyaux enfants de notre Turquie. "

"A Adana", La Croix, 27 mai 1910 :

"Un missionnaire français, récemment décoré pour son dévouement pendant les massacres de l’année dernière, nous écrit :

Adana, 8 mai 1910.

Y a-t-il encore des nuages au ciel de la Cilicie ? Entend-on des grondements souterrains ? Il suffit de tendre l’oreille et d’ouvrir les yeux pour s’apercevoir que le pays n’est pas avec la Jeune-Turquie, et qu’à Adana en particulier, on cherche à désarçonner le vali. On voudrait faire mordre la poussière à ce Garabed-Agha, à ce ghiaour comme ils l’appellent assez irrévérencieusement. Deux fois il a dû s’absenter pour visiter sa province, deux fois il a été rappelé subitement. La première fois l’incendie dévorait le Palais de Justice, simple accident, — a-t-on dit. C’est possible, mais d’aucuns y ont vu autre chose. Il est parti pour Selefke, il y a trois jours, or, hier soir, des bruits sinistres couraient à Adana et dans les environs. A Bagdad, la population se révolte contre la Constitution ; à Deurt-Yol (à huit heures d’Adana), les massacres recommencent ; à Constantinople, les affaires se gâtent, etc...

Tout cela est probablement faux, mais raisonnez une population affolée. Des centaines d’ouvriers et de fermiers ont subitement abandonné champs, bestiaux, instruments agricoles à la rapacité des maraudeurs et sont venus se réfugier en ville. C’est peut-être ce qu’avaient voulu les inventeurs et les colporteurs de ces fausses nouvelles mais très probablement aussi ils visaient plus haut. Leur but était de démontrer que le vali est incapable de rétablir la sécurité.

Ces événements sont d’autant plus graves que le seul reproche qu’on puisse faire au vali Djémal bey, c’est qu’il veut maintenir l’ordre. Malgré le surnom arménien de Garabed donné en dérision, on ne peut pas dire qu’il soit favorable aux chrétiens, mais il essaye d’être impartial, et c’est trop pour les musulmans ; il essaye d’être juste, et c’est intolérable pour tous ces richards de l’Islam dont la rapine était la vie, et sur qui pèse une bonne partie de la responsabilité des massacres de l’an dernier.

Tméi." (p. 4)

"Le nouveau gouverneur d’Adana", Le Figaro, 17 janvier 1911 :

"On nous écrit d’Adana :

L’admirable discours que M. Frédéric Masson a prononcé l’autre jour, à l’occasion de la distribution des prix de vertu, a causé ici une grande émotion, en nous faisant revivre, avec une poignante intensité, les terribles événements d’avril 1909.

C’est là de la belle histoire, comme a coutume d’écrire l’éminent académicien et malheureusement de l’histoire vraie.

Seulement il y a une chose que M. Frédéric Masson n’a pas dite, parce que cela ne rentrait pas dans le cadre de son discours, et qu’il est cependant intéressant de savoir, c’est que ces forfaits abominables, dus surtout à l’extrême faiblesse de l’ancien gouverneur général, ne risquent pas de se reproduire avec le gouverneur général actuel, Djemal-bey, qui fut nommé à Adana pour en empêcher le retour. Grande et noble mission à coup sûr, mais mission terriblement délicate et que seul pouvait accomplir un homme comme Djemal, membre des plus éminents du parti jeune-turc , en même temps que soldat d’une bravoure et d’une énergie peu communes , ainsi que l’on en peut juger par l’épisode suivant auquel j’ai assisté, et que je me rappelle comme si c’était d’hier.

Un jour que l’on venait d’annoncer, pour le lendemain, l’exécution de quatorze Turcs [les musulmans d’Adana n’étaient pas seulement d’ethnie turque mais aussi kurde et arabe ] condamnés à mort par la Cour martiale, pour la part effroyable qu’ils avaient prise aux derniers massacres, le gouverneur général reçut la visite d’un certain nombre d’habitants d’Adana, venus de la part, disaient-ils, de leurs concitoyens, pour le prévenir que si l’exécution avait lieu, les massacres allaient recommencer.

Djemal, sans témoigner la moindre émotion de cette sorte de mise en demeure et de la menace qui l’accompagnait, se contenta de déclarer à ces prétendus délégués de la population, qu’il n’avait pas plus le devoir de leur fournir d’explications, qu ils n’avaient le droit de lui en demander  ; qu’au surplus ils auraient sa réponse le lendemain et que l’audience était terminée.

En effet, le lendemain matin, il descendit dans la cour du Konak, congédia l’escadron qui devait l’escorter, alluma une cigarette et se rendit seul, à pied, au lieu de l’exécution, déjà envahi par la foule.

Il donna l’ordre d’amener les condamnés, leur fit lire la sentence de la Cour martiale, puis, s’adressant aux bourreaux qui attendaient au pied des potences : « Faites votre devoir ! » dit-il avec le plus grand calme  ; après quoi il reprit, toujours à pied et toujours seul, le chemin du Konak, à travers la foule faisant la haie sur son passage et s’inclinant respectueusement devant lui, montrant ainsi que, sauf quelques énergumènes, tous connaissent maintenant l’homme et savent que, s’il se montre inexorable quand il s’agit d’assurer le cours de la justice et de défendre l’ordre social, il n’y a cependant pas d’esprit plus libéral, de nature plus généreuse et de plus noble cœur !

N’est-ce pas lui, en effet, qui a décidé que désormais on enverrait chaque année dans les écoles professionnelles d’Europe des jeunes gens choisis parmi les plus méritants et les plus habiles de chaque corporation pour se perfectionner dans leur art ou dans leur métier, préparant ainsi une génération intelligente, laborieuse et sage ?

N’est-ce pas lui aussi qui, pendant de longs mois, trouva le moyen de loger, de nourrir et de vêtir les milliers de veuves, d’orphelins [dont une partie étaient issus de familles musulmanes, étant donné que des musulmans ont été simultanément massacrés par des Arméniens radicalisés] et d’infirmes qu’avaient faits les désastres travaillant jour et nuit avec M. Grobowsky, directeur de la Banque ottomane, à l’équitable répartition des trois millions de secours que cet établissement avait généreusement mis à la disposition du gouvernement ?

N’est-ce pas lui enfin que l’on voit, à la fois, partout où il y a une misère à soulager, un abus à réprimer, un progrès à accomplir ; visitant les écoles, les hôpitaux, les ateliers, les innombrables chantiers ouverts par ses soins  ; voulant tout voir par lui-même et se préoccupant sans relâche non seulement de l’exécution des travaux qu’il ordonne mais de l’amélioration du sort des travailleurs qu’il emploie ?

C’est pour Djemal-bey que semble avoir été inventé le vieux dicton anglais « The right man, in right place ».

Avant qu’il arrivât ici, nous nous demandions tous avec anxiété si l’on pourrait jamais réparer le désastre. Nous sommes aujourd’hui tranquilles dans le présent et rassurés sur l’avenir.

Avec des hommes comme celui-là, on fait de grandes choses et, grâce à lui, notre Adana va renaître de ses cendres.

Us." (p. 2-3)

T. Steeg (Théodore Steeg), "Questions extérieures : Le Voyage de Djemal Pacha : Les échanges gréco-turcs" , Le Phare de la Loire, 17 juillet 1914 :

"Commandant d’état-major lors de la révolution de 1908, Djemal fut un des éléments les plus actifs et les plus utiles du Comité Union et Progrès. Ce militaire s’attacha à jouer un rôle pacificateur. Il y réussit le plus souvent grâce à son intelligente fermeté. Appelé au gouvernement général de la province d’Adana où le coup d’Etat réactionnaire d’avril 1909 avait suscité d’abominables massacres arméniens, Djemal bey réussit en quelques semaines à rétablir l’ordre et la confiance dans le pays : il sut rapprocher des éléments hostiles les uns aux autres, réparer les ruines, recueillir et nourrir les orphelins , grouper toutes les bonnes volontés. On m’assure que les religieux et religieuses d’Adana , qui furent ses collaborateurs dans cette œuvre de relèvement, ne prononcent le nom de ce musulman qu’avec gratitude et respect."

Voir également : Le prétendu "massacre jeune-turc" d’Adana en avril 1909

Contre-révolution de 1909 : le rôle des "libéraux" anti-unionistes dans les violences anti-arméniennes

Le vrai visage de l’"alternative libérale" au Comité Union et Progrès et au kémalisme

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