28 mars 2024

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100e anniverssaire de la république de Turquie

(Crédit photo Reuters)

Une diplomatie Sud-Sud se dessine sur le dossier nucléaire iranien. L’entrée en lice d’un duo de pays "émergents", le Brésil et la Turquie, sur cette question de prolifération, traitée depuis des années par le groupe dit "5+1" (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Russie, Chine, Allemagne), est un fait nouveau et marquant. L’initiative conjointe turco-brésilienne contrarie les projets des Occidentaux, qui cherchent à faire adopter des sanctions contre Téhéran au Conseil de sécurité de l’ONU avant que celui-ci ne soit présidé, en mai, par le Liban. Le calendrier pour des sanctions glisse désormais vers le mois de juin, disent des diplomates occidentaux.


International

La Turquie et le Brésil s’unissent sur le dossier iranien

Publié le | par Hakan | Nombre de visite 108
La Turquie et le Brésil s'unissent sur le dossier iranien

La Turquie et le Brésil siègent au Conseil de sécurité comme membres non permanents. Ces deux pays s’opposent à de nouvelles mesures coercitives, et cherchent à s’affirmer sur la scène internationale en endossant un rôle de médiation auprès de l’Iran.

L’initiative "turco-brésilienne" consiste à relancer le projet d’échange d’uranium enrichi soumis à l’Iran en octobre 2009 par les grandes puissances, sous l’égide de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Cette offre, point d’orgue d’un effort américain pour abaisser les tensions au Moyen-Orient, avait été rejetée par Téhéran, qui cherche à en modifier les termes.

Il s’agissait de déposséder l’Iran, pendant une période d’un an, de la majeure partie de son uranium enrichi (1 200 kg, sur un total, à l’époque, d’environ 1 600). Cette matière devait en effet être évacuée vers l’étranger (Russie, puis France) pour être transformée en combustible destiné à un réacteur de recherches situé à Téhéran. Le ministre turc des affaires étrangères, Ahmet Davutoglu, s’est rendu, lundi 19 avril, à Téhéran, où il dit avoir décelé un "changement d’approche" à propos de l’échange d’uranium. Le président brésilien Lula da Silva est attendu en Iran à la mi-mai. En novembre 2009, il avait noué, selon des diplomates, un lien personnel avec le président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, en le recevant à Brasilia. Il l’avait auparavant soutenu publiquement alors que la répression policière faisant rage en Iran contre des manifestants qui contestaient la réelection du président iranien.

L’offre sur l’uranium peut-elle être ressuscitée ? L’Iran continue de poser des conditions incompatibles avec le scénario tel qu’il était présenté en octobre 2009 par l’AIEA. Côté français, on souligne que les termes de l’équation ne pourraient plus être les mêmes, puisque l’Iran a commencé, en février, à produire de l’uranium enrichi à 20 %, se rapprochant d’un niveau militaire, et qu’il détient aujourd’hui un stock d’uranium de plus de 2 000 kg. Autrement dit, les conditions ne sont plus réunies pour priver ce pays, pendant un an, de la faculté de fabriquer suffisamment de matière fissile pour un engin nucléaire.

Pour Paris, il ne s’agit donc que d’une nouvelle manoeuvre dilatoire iranienne à l’orée de nouvelles sanctions - une tactique à laquelle les Turcs et les Brésiliens se prêteraient avec une certaine naïveté, estime-t-on.

La position américaine apparaît plus nuancée. Les Etats-Unis sont "toujours intéressés par cette offre, si l’Iran s’y intéresse", a déclaré lundi le porte-parole du Département d’Etat, Philip Crowley, précisant toutefois qu’elle "nécessite une mise à jour". Le lendemain, le même porte-parole saluait les efforts de médiation de la Turquie, tout en relativisant leur portée. "Il faut que l’Iran soit véritablement désireux de dialoguer sérieusement, et c’est ce qui manque depuis des mois", commentait-il.

L’administration Obama a beaucoup misé depuis 2009 sur une volonté de rapprochement avec la Turquie, comme interlocuteur privilégié dans le monde musulman et au Proche-Orient. La France a, pour sa part, noué un "partenariat stratégique" avec le Brésil. L’activisme diplomatique de la Turquie et du Brésil sur le dossier iranien met ainsi à l’épreuve la capacité des Occidentaux à faire prévaloir leurs vues auprès des "émergents".

Le Brésil et la Turquie se sont coordonnés depuis le sommet nucléaire organisé par Barack Obama à Washington les 12 et 13 avril. D’autres consultations ont suivi en marge de la réunion du groupe BRIC (Brésil, Russie, Inde, Chine) tenue à Brasilia les jours suivants. Le Brésil et la Turquie ont en commun de ne pas conférer à la menace nucléaire iranienne le même degré de gravité que les Occidentaux. Le premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan, qualifie de "rumeurs" les accusations selon lesquelles l’Iran cherche à se doter de l’arme atomique. Le président brésilien répète que l’Iran ne doit pas être mis "le dos au mur" et qu’il a le droit de développer une industrie nucléaire civile. Ces deux pays ne croient pas, en outre, en l’efficacité d’une politique de sanctions. Les considérations économiques jouent dans le positionnement turc. L’Iran est le deuxième fournisseur de gaz naturel de la Turquie, après la Russie.

Le Brésil est animé de multiples motifs. Briguant un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU, le président Lula da Silva, qui arrive cette année en fin de mandat, veut asseoir le rang de son pays comme un défenseur du "Sud" face au pays développés du Nord. Le Brésil a aussi des ambitions nucléaires. Doté depuis 2009 d’une capacité d’enrichissement d’uranium, ce pays entend donner de la voix au côté du groupe des "non alignés", lors de la conférence d’examen du Traité de non-prolifération (TNP) qui s’ouvre le 3 mai à New York.

de Natalie Nougayrède pour LeMonde


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