La Turquie, bouffée d’oxygène pour l’élevage bovin français

La Turquie, bouffée d’oxygène pour l’élevage bovin français
Par Karine ALBERTAZZI, publié le 9 octobre
avec : Orange
La Turquie, très présente au Sommet de l’élevage qui s’achève vendredi, est devenue l’un des marchés les plus prometteurs pour l’export de bovins maigres destinés à être engraissés à l’étranger, offrant une bouffée d’air frais aux éleveurs français enlisés dans la crise.
Malgré l’épizootie de fièvre catarrhale ovine (FCO), ou maladie de la langue bleue, qui a stoppé net les exportations de broutards vers l’étranger, une centaine d’éleveurs et d’engraisseurs turcs avaient fait le voyage jusqu’à Cournon-d’Auvergne (Puy-de-Dôme).
"C’est un marché auquel on croit très fort. Les Turcs apprécient l’excellence de l’élevage français, la qualité de nos races et notre système sanitaire", assure Emmanuel Bernard, président de la commission export de l’interprofession bétail et viande Interbev.
Depuis fin 2014, la Turquie est devenue le troisième marché de l’Hexagone, après les importateurs historiques que sont l’Italie et l’Espagne. "De janvier à septembre dernier, on y a expédié 70.000 animaux. En quelques mois, la France a pris la moité du marché qui était jusqu’alors aux mains des Sud-Américains", se félicite Benoît Albinet, directeur commercial de Deltragro Export, poids lourd du secteur.
Pour les éleveurs, le débouché turc représente un potentiel de 200.000 bovins (vifs) pouvant être exportés annuellement dans ce pays au carrefour de l’Orient et de l’Occident. Soit plus de 20% du marché italien, qui pèse à lui seul 90% de l’export français mais tend à s’éroder depuis quelques années.
Difficile d’accès pendant de longues années, le marché turc s’était même fermé après la reconnaissance par la France du génocide arménien en décembre 2011. Mais en 2015, changement d’atmosphère. le gouvernement de Recep Tayyip Erdogan doit en effet répondre à une double exigence : satisfaire la forte demande de la population en viande de bœuf et maintenir son tissu agricole (22% de la population), en l’absence de pâturages conséquents dans le pays.
Un eldorado fragile -
"La demande turque concerne spécifiquement des animaux destinés à être engraissés, âgés de 6 à 10 mois et pesant moins de 300 kilos, qui seront ensuite abattus sur place selon le rituel halal", précise Benoît Albinet. Pour saisir ce nouveau débouché, la filière bovine, habituée à livrer des animaux pesant habituellement plus de 400 kilos, a dû rapidement s’adapter.
"Ils ont mis le prix, ce qui a du coup créé un appel d’air pour les éleveurs français", ajoute Emmanuel Bernard, également éleveur dans la Nièvre. "Les broutards sont achetés par la Turquie à un prix qu’aucun importateur européen ne peut proposer", abonde Benoît Albinet.
Pour Baris Askin, agriculteur près de Canakkale, dans l’ouest du pays, le prix supérieur des races françaises se justifie. "J’ai acheté il y a quelques années cinq vaches limousines à une foire, originaires de Hongrie, et j’en suis depuis pleinement satisfait", témoigne-t-il entre deux visites d’exploitations proposées par le Sommet dans les Monts du Massif Central.
"Ce sont des bêtes spectaculairement belles, qui s’adaptent facilement à notre climat. Comme les Charolaises, elles offrent un rendement beaucoup plus important que d’autre races comme l’Angus et avec beaucoup moins de gras. C’est économiquement intéressant", ajoute l’éleveur qui souhaite désormais acheter des génisses et de la nouvelle lignée pour agrandir son exploitation familiale d’une centaine de vaches allaitantes et laitières.
Mais l’eldorado turc reste fragile : aux contraintes sanitaires (quarantaine) imposées aux animaux importés s’ajoutent les dangers d’une nouvelle dévaluation de la livre turque et les aléas géopolitiques. Sans compter les "conséquences catastrophiques" de la FCO.
"C’est un marché à risques. Si l’on ne peut pas exporter les broutards d’ici peu, ils vont devenir trop gros et seront donc impossibles à exporter dans ce pays. Cette situation pourrait coûter des millions d’euros aux opérateurs qui se sont lancés sur le marché", prévient le directeur commercial de Deltagro Export.