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Economie

La bataille des gazoducs fait rage à Ankara

Publié le | par TN-pige | Nombre de visite 313

Arielle Thedrel

(Le premier ministre russe Vladimir Poutine signe jeudi avec son homologue turc Recep Tayyip Erdogan un protocole d’accord pour lancer dans les eaux territoriales turques les travaux du gazoduc South Stream. Crédits photo : AP)

Un mois à peine après la signature d’un accord sur le projet européen Nabucco, la Turquie s’engage à soutenir son concurrent russe South Stream.

C’est un nouvel avatar du « Grand Jeu » qui opposa au XIXe siècle les empires russe et britannique de la Caspienne au bassin de la mer Noire. Une nouvelle « route de la soie » qui sent fortement le gaz. Vladimir Poutine a signé jeudi à Ankara un protocole d’accord avec la Turquie pour lancer dans les eaux territoriales turques les travaux du gazoduc South Stream. Un tuyau qui devrait relier en 2013 la Russie à la Bulgarie via la mer Noire. South Stream étant la créature commune de Gazprom et du groupe italien ENI, Silvio Berlusconi était symboliquement au rendez-vous. Moins d’un mois après la signature, toujours à Ankara, d’un accord sur le projet concurrent Nabucco, soutenu par l’Union européenne et les États-Unis, la Russie lance une contre-offensive.

Au-delà de la simple logique commerciale, l’enjeu de la bataille est politique. South Stream (et son double baltique North Stream, projet germano-russe) permettra à Moscou de marginaliser à plus ou moins long terme l’Ukraine par où transite plus de 80 % du gaz russe exporté vers l’UE, et de sécuriser ses approvisionnements. En privé, les pays de la vieil­le Europe, pris au piège du différend gazier russo-ukrainien de l’hiver dernier, y sont plutôt favorables.

Importantes recettes fiscales

Dans le même temps, ils appuient Nabucco qui vise, lui, à réduire la dépendance de l’Europe à l’égard du gaz russe (plus de 30 % de la consommation européenne). Lancé en 2002, le projet, qui semblait s’enliser, vient de rebondir. La Turquie en est un acteur clé puisque ce gazoduc, long de 3 300 km, transitera par son territoire sur 2 000 km. Ankara marchandait durement sa participation, devenue un moyen de pression dans les négociations d’adhésion à l’UE. Un accord a permis de lever l’un des principaux écueils. La Turquie a obtenu la garantie de bénéficier d’importantes recettes fiscales : en­tre 50 et 60 % des revenus des taxes, soit près de 450 millions d’euros par an.

Mais la Turquie est aussi le troisième importateur de gaz russe après l’Allemagne et l’Italie. Elle ne peut se permettre d’ostraciser la Russie, son principal partenaire commercial.

Du gaz turkmène

Au double jeu d’Ankara s’ajoutent les incertitudes pesant sur l’approvisionnement de Nabucco. Car si l’on est sûr d’alimenter South Stream avec du gaz russe et kazakh, le tube européen, lui, reste pour le moment désespérément vide. L’Azerbaïdjan a promis de fournir du gaz. Mais cet engagement est compromis par un accord que Bakou vient de signer avec la Russie pour l’achat de gaz azerbaïdjanais. Compte tenu des volumes limités dont dispose l’Azerbaïdjan, cet accord risque de faire de l’ombre à Nabucco.

D’abord hostile aux Européens, le Turkménistan, qui possède d’énormes gisements de gaz, s’est déclaré prêt le mois dernier à s’associer au projet à la suite d’un différend avec Moscou sur le prix et le volume de gaz que Moscou lui achète.

Mais l’Asie centrale demeure une chasse gardée de la Russie. Les moyens de pression dont celle-ci dispose pourraient inspirer au régime turkmène un de ces revirements diplomatiques dont les satrapes de la région ont le secret. L’instabilité politique en Géorgie, point de connexion probable du pipeline, constitue un autre obstacle que Moscou s’em­ploie militairement à rendre infranchissable.

Enfin, nombre d’experts s’at­tendent à ce que la crise mondiale compromette ce projet très coûteux (8 milliards d’euros). Partenaire de Nabucco comme de South Stream, la Bulgarie vient ainsi d’annoncer qu’elle réexa­minerait ses grands projets énergétiques.

Source : Le Figaro


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