FOOTBALL ; LA TURQUIE A L’EURO 2024.
Que dire sur l’équipe nationale de football turque ? L’échéance d’un grand événement sportif continental arrive dans l’immédiat et c’est parfois dans la vitesse, la pression et la précipitation que le football turc s’est révélé impressionnant. Alors que parmi les observateurs, personne n’attend vraiment les hommes dirigés par Vincenzo Montella.
Les Turcs en Allemagne. C’est la répétition d’une vieille histoire initiée dès les années 50 avec le premier flux de travailleurs immigrés venus s’installer en terre germanique. Cette fois-ci, le sujet concerne la venue de la "Milli Takim" quant à la participation d’un tournoi d’envergure. Elle est placée dans un groupe comprenant le Portugal, la Géorgie et la République Tchèque.
LE PRÉSENT
Cette équipe possède une ossature évidente, alliée à un schéma tactique rigoureux sans être forcément contraignant. Elle a bénéficié de l’expérience d’un coach compétent, habitué du haut niveau, en poste depuis un peu moins d’un an.
L’effectif est composé de garçons un peu plus grands qu’à l’accoutumée. Une génération présentant des gabarits plus élevés qu’il y a quelques années. Renforçant ainsi l’impact physique au moyen d’une meilleure présence dans le jeu aérien. Complétant la faculté d’opposition athlétique déjà bien réelle au niveau du jeu au sol. Cette contribution est à attendre principalement de la part des défenseurs Samet Akaydin (1,90 mètre),Kaan Ayhan(1,85), Merih Demiral (1,90) Cenk Ozkacar (1,90).
Un aspect des choses contrebalancé par ce qui reste de "turcité" à travers la participation de profils comme Arda Guler (1,74 m) à condition qu’il gagne en régularité, Cengiz Under (1,73)Orkun Kokcu (1,75),Kerem Akturkoglu (1,73) entourant le grand (1,87) pensionnaire de la Juventus Kennan Yildiz. C’est-à-dire des demis ou des avants. Hakan Calhanoglu, lui, culmine symboliquement à 1m78, comme une garantie d’équilibre avec sa taille moyenne "normale", aussi bien standard dans la vie civile que sur un terrain. Le représentant de l’Inter de Milan est indispensable. Il peut officier aussi bien en milieu défensif relanceur qu’en meneur décroché à la Pirlo ou à la Pogba. Sans compter ses aptitudes à jouer en pur numéro 10, en relayeur ou en créateur excentré sur le côté façon Candreva avec qui il cumule certaines similitudes notamment dans la distribution de centres tendus. Avec un régulateur comme lui, V. Montella dispose d’un précieux porte-parole, faisant le lien entre des joueurs de grande taille et des gabarit plus petits pouvant poser problème aux adversaires dans les changements de rythme ou le pressing.
En fait la Turquie demeure indéfinissable quant à son état de forme, avec des résultats irréguliers ces derniers mois.La défense semble mois statique mais encore en voie de consolidation. L’attaque, elle, fait preuve de faculté à fournir de la percussion. Le reste des compartiments de jeu nécessite une harmonisation, concrétisable à une disposition adaptée de Hakan Calhanoglu dans l’entre-jeu, plus précisément en ce qui concerne la construction plus que l’interception. Le jeu général turc est rapide dans l’axe, mais plus lent sur les côtés non sur la conservation de balle mais sur les permutations ou simples transmissions parfois.
DES PROSPECTIONS COMPLIQUÉES
Cette constatation s’est vérifiée dernièrement à l’occasion de l’opposition avec l’équipe d’Italie en match amical à Empoli. La prestation dans le stade toscan a livré une impression positive concernant la gestion du temps lors des phases de jeu sans ballon, avec quelques idées intéressantes de transmission, hélas pas toujours concluantes. Les joueurs turcs se sont montrés volontaires, attentifs à ne pas prendre de buts avec ce score final de 0-0.
Néanmoins, le rassemblement des membres de la "Milli" débouche sur quelques interrogations suite à un aspect général déséquilibré, un peu convalescent. Figurant dans une poule F en compagnie du Portugal, de la Tchéquie et de la Géorgie, elle sera confrontée à un match piège car inaugural pour des Caucasiens néophytes. Quant à la Tchéquie elle paraît à la portée des Turcs. Le gros morceau ce sera le Portugal, à partir du deuxième match, à Dortmund. Cette opposition promet du spectacle et pourrait devenir la plus belle affiche de l’Euro avec un festival d’actions et de buts.
Si jamais les hommes dirigés par le sélectionneur italien franchissent la barre du premier tour, ils ont les capacités de résister contre des équipes comme la sérieuse Suisse ou l’entreprenante Croatie. Ils ont en outre le potentiel pour battre la France ou l’Allemagne, en se basant sur une vision plus tactique que physique des choses. Ou en exploitant les coups de pieds arrêtés (les corners contre la France ; les coups-francs contre l’Allemagne). Des équipes comme l’Angleterre ou l’Espagne, ou bien encore la Serbie risqueraient de poser beaucoup plus de problèmes.
Un ultime aspect serait à développer concernant les prévisions. Un facteur qui pourrait se révéler déterminant en cas de qualification aux matches à élimination directe. C’est la présence d’une très nombreuse communauté turque et de ses supporters déchaînés installés sur le sol allemand. Une très importante colonie qui saura jouer le rôle de douzième homme pour motiver ses idoles. Pour un mental en acier trempé.
L’HOMME-CLEF : HAKAN CALHANOGLU LE LEADER
Il sait tout faire.Attaquer. Créer. S’opposer, Se replacer. Défendre. Relancer. Organiser. Dribbler ou jouer simple. Il sait faire faire preuve de correction, de fair-play. Il a du talent. Il a une valeur marchande loin d’être négligeable. En un mot, il est indispensable.
Vous l’avez reconnu ? Bien sûr, lui c’est Hakan Calhanoglu. C’est un joueur très complet, très technique.Il sait aussi être physique et se conduire en stratège grâce à une intelligence de jeu exemplaire. Sa vision servira à éclairer les pas de ses coéquipiers.
Ce Hakan-ci porte un prénom identique à un autre grand joueur du passé, Hakan Sükür. A la différence de ce Hakan-là, l’actuel milieu de terrain interiste se pose en champion dont le leadership ne verse pas dans la polémique. La star devra, et assumera certainement son rôle et sa fonction, Son rôle de capitaine fédérateur prenant ses responsabilités pour guider l’équipe. Sa fonction de joueur qui sait tout faire : défendre, attaquer, mener, animer, créer. Pour l’assister dans sa mission, les partenaires devront suivre, se mettre à son service comme lui se met au service du collectif. Un précieux auxiliaire pourrait se dégager de cette vue d’ensemble : c’est Kahveci. Le salarié du Fenerbahçe peut aussi bien servir de plaque tournante que de point de fixation, et qui a le potentiel pour se révéler finisseur.
La Turquie a ses chances pour l’Euro 2024, Comme chaque nation participante.
Naturellement , les « ressources humaines » paraissent moins prestigieuses que celles des épopées de 2000, 2002 et 2008. La première des sagesses sera d’accepter cette équipe telle qu’elle est. Ce sera la meilleure façon de l’encourager, en vue de la faire progresser. Par la bienveillance. La Turquie du football peut jouer sur ses faiblesses pour les transformer en points forts. Des particularismes basés sur un déséquilibre pouvant perturber, surprendre l’adversité. Elle détient le don de transmettre ses déséquilibres. Une contagion qui peut déboucher sur des matchs fous.
Gianguglielmo /Jean-Guillaume LOZATO, professeur d’italien à L’ENSG et à International Paris School of Business,chargé de cours à l’Université Paris-Est. Auteur de recherches universitaires sur le football italien en tant que phénomène de société.