28 mars 2024

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Empire ottoman : les Arméniens et la question cruciale des chemins de fer

Publié le | par SibiryaKurdu | Nombre de visite 69

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Georges Rémond, "Sept mois de campagne avec les Turcs", in Georges Scott (dir.), Dans les Balkans, 1912-1913. Récits et visions de guerre, Paris, Chapelot, 1913 :

"Ajoutez à ceci les haines politiques, l’influence de certaines sottises humanitaires, qui prévalaient dans la tête des grands chefs et dont on retrouve l’écho jusque dans les ordres du jour de Nazim pacha , l’abaissement de la foi religieuse chez les soldats, laquelle est le grand ressort de l’âme musulmane, la présence, parmi eux, d’éléments chrétiens qui, s’ils ne furent pas une cause directe de trouble, ajoutèrent à la faiblesse et à la désunion morale de cette armée ; d’autre part, intendance, services de ravitaillements, services techniques, hôpitaux de campagne, tout manquait ; point de routes, de mauvais chemins de fer entre les mains d’employés grecs ou arméniens de fidélité douteuse , nulle liaison entre les états-majors : c’est dans ces conditions, et avant toute concentration sérieuse, que le haut commandement donna l’ordre de prendre l’offensive. La panique de Kirk-Kilissé s’ensuivit mathématiquement, qui décida de tout le reste.

Il peut sembler incroyable qu’après une telle déroute et au milieu de semblable confusion cette armée, vaincue presque sans combat, ait pu se reformer en quelques jours et faire une si honorable résistance à Lulé-Bourgas et à Viza. Tout l’honneur en doit être rapporté à la valeur du soldat turc et au mérite personnel d’officiers tels que Mahmoud pacha, Tchourouk Soulou, tels que Hassan Izzet pacha et Djemal bey qui, le 29 et le 30 octobre, à l’aile droite, battirent l’ennemi, lui enlevant les positions de Tchongara et de Doghanja, que Mahmoud Mouktar pacha, dont le courage et la ténacité retinrent durant cinq jours les Bulgares devant Viza.

Le gouvernement [de l’Entente libérale] avait tout perdu, mais quelques braves avaient au moins sauvé l’honneur." (p. 21)

Michel Pavlovitch, "La lutte pour l’Asie Mineure. Le chemin de fer de Bagdad", Le Mouvement socialiste, n° 261-262, mars-avril 1914 :

"L’Allemagne ne s’est pas bornée à ces adroites opérations de bourse qui constituent l’un des principaux moyens de lutte des Etats modernes pour l’influence en Orient. Elle n’a pas oublié un seul instant son œuvre essentielle en Turquie, le chemin de fer de Bagdad. Il faut remarquer que les succès autrichiens dans les Balkans — succès économiques, territoriaux ou simplement diplomatiques servent les intérêts de l’Allemagne en Asie Mineure. La diplomatie allemande voit dans l’Autriche son avant-garde dans l’invasion de l’Asie Mineure. L’Allemagne est intéressée à ce que l’Autriche conserve son influence sur les voies ferrées balkaniques et n’y tolère aucun tarif défavorable pour le transit des marchandises allemandes. De son côté l’Autriche est encore plus intéressée à l’achèvement heureux et rapide du chemin de Bagdad, qui ouvrira toute l’Asie Mineure à ses produits et lui sera profitable plus qu’à aucune autre nation.

Malgré les importants événements de ces dernières années (guerre italo-turque et guerre des Balkans, désordres en Turquie, révolutions et contre-révolutions, changement du régime politique ottoman, perte par la Turquie de ses territoires européens, perspective d’un effondrement définitif de la puissance turque, etc...), les ingénieurs allemands poursuivent inlassablement leurs travaux de construction du chemin de Bagdad. Pour se rendre compte des résultats atteints ici par les Allemands, il faut considérer avant tout que le chemin de Bagdad, par suite même des conditions géographiques et topographiques des pays qu’il traverse, est naturellement divisé en quatre sections : la première va de Khaïdar-pacha (en face de Constantinople) jusqu’au massif du Taurus ; la deuxième va du Taurus à la chaine de l’Amanus ou Alma-Dagh ; la troisième va de l’Amanus à l’Euphrate ; la quatrième, enfin, de l’Euphrate à Bagdad. Les travaux ou recherches préparatoires sont poursuivies en même temps sur les quatre sections.

Dans la première, de Khaïdar-Pacha au Taurus, les rails allemands traversent obliquement l’Asie Mineure sur une longueur de 1020 kilomètres juqu’à Konia. De Konia à Eregli, le travail s’est poursuivi rapidement. A Eregli on a rencontré les grosses difficultés de la traversée du Taurus : on y prévoit 30 kilomètres de tunnels et 50 ponts. C’est la partie la plus pénible, et dont l’achèvement sera le plus tardif.

La seconde section (du Taurus à l’Amanus) traverse la Cilicie. Cette région a une très grande importance politique, étant donné le caractère d’acuité de la question arménienne. Elle touche, au Nord, à l’Arménie ; de plus elle est habitée par de nombreux milliers d’Arméniens établis à Adana. Actuellement, commence une lutte entre la Russie et l’Allemagne pour l’influence sur les Arméniens de Turquie. Cette section du chemin de Bagdad est donc, entre les mains de la diplomatie allemande, un précieux instrument de propagation de l’influence allemande chez les Arméniens et de renforcement des positions allemandes dans ces régions d’Asie-Mineure, au cas où la question arménienne prendrait une forme plus aiguë. L’administration des chemins de fer prend volontiers des Arméniens à son service. Les missionnaires allemands créent des écoles primaires dans les villes arméniennes et font leur propagande impérialiste — Deutschland über alles — en démontrant que la puissante Allemagne peut seule améliorer la situation du peuple arménien et lui assurer sinon la pleine indépendance, du moins la très large autonomie que l’alliée de l’Allemagne, l’Autriche, se prépare à donner aux Albanais.

Le 17 avril 1913, l’ambassadeur allemand Wangenheim s’est rendu chez le ministre turc des affaires étrangères et a attiré son attention sur la situation des Arméniens de Turquie. Il a déclaré au ministre que si le gouvernement n’était pas en état de résoudre la question arménienne et de calmer la population arménienne de Cilicie et d’Arménie, il pourrait s’ensuivre de très graves complications capables de menacer l’indépendance des possessions ariatiques [asiatiques] de la Turquie. Pour éviter que la Triple-Entente se mêle aux affaires de la Turquie en Asie-Mineure, l’ambassadeur allemand conseillait toutes les mesures nécessaires pour tranquilliser les populations et mettre fin aux désordres en Syrie, Mésopotanie [Mésopotamie] et Arménie, mais sans recourir le moins du monde à la répression de la population chrétienne de ces provinces.

Il n’est pas douteux que la diplomatie allemande va se servir de la question arménienne comme d’un instrument de pression sur le gouvernement turc. Celui-ci devra accorder chaque fois à l’Allemagne quelle bonne concession de chemin de fer ou d’entreprise d’un autre genre, afin d’obtenir sa bienveillance et d’adoucir ses exigences concernant l’autonomie arménienne et l’amélioration du sort des Arméniens. Du reste, la diplomatie allemande ne peut pas ne pas s’intéresser au problème arménien. La presse allemande souligne la nécessité pour l’Allemagne de conquérir la sympathie du peuple arménien. Comme l’écrivait récemment le correspondant de la Vossiche Zeitung

[Vossische Zeitung] à Constantinople, les Arméniens sont en Turquie l’unique élément politique sur lequel l’Allemagne peut s’appuyer pour développer ses intérêts économiques en Anatolie. A Berlin s’est déjà constitué un comité de défense des Arméniens de Turquie. A sa tête est le Dr Iohann Lepsius , qui a fait dans certaines villes d’Allemagne une série de conférences sur la question arménienne. L’officier d’état-major comte Westarf écrit daas la Taeglische Rundschau des articles où il exprime ses sympathies pour les Arméniens de Turquie. Autres temps, autres airs ! L’indifférence d’autrefois du gouvernement allemand pour le sort des Arméniens n’est plus de mise. Comme le déclare la Kælnische Zeitung, le gouvernement allemand a décidé de débarquer des troupes en Asie Mineure dès les premiers troubles anti-arméniens, et, en mai 1913, trois vaisseaux de guerre allemands étaient à l’ancre devant Mersina, à 67 kilomètres d’Adana." (p. 172-175)

Erich Ludendorff , Souvenirs de guerre, tome I, Paris, Payot, 1921 :

"On voit, par cet exposé, toute l’importance des détroits , et par suite de la Turquie, pour le front oriental et pour notre situation d’ensemble.

Sur le territoire de la Turquie d’Asie, la guerre était difficile. La Turquie n’avait d’autres moyens de communication que les routes. Or, une guerre moderne a besoin de chemins de fer et de navires. La voie ferrée vers la frontière du Caucase n’était encore qu’en construction, entre Angora et Siwas. La voie de Bagdad, interrompue encore par les chaînes montagneuses du Taurus et de l’Amanus, était loin d’atteindre le Tigre. Des tunnels étaient en construction. La jonction du chemin de fer de Syrie avec la voie de Bagdad se faisait à Alep, donc, au-delà de la coupure des montagnes. Il aboutissait au sud de Damas à la voie étroite du Hedjaz et à un tortillard qui conduisait en Palestine et avait son terminus à Berzeba, au sud de Jérusalem.

La situation ferroviaire, déjà peu favorable en elle-même, était encore aggravée par les conditions d’exploitation : personnel et matériel étaient aussi mauvais que possible. Les chemins de fer n’avaient qu’un rendement très faible, hors de proportion avec les besoins.

Des essais en vue d’utiliser l’Euphrate et le Tigre eurent un certain succès. Mais la situation d’ensemble n’en fut pas modifiée.

Des convois de camions allemands aidèrent à atténuer les difficultés.

A raison des communications de l’arrière, la guerre en Asie-Mineure, en Syrie et en Mésopotamie était vouée à l’insuccès, tant que nous n’avions pas résolu le problème des transports." (p. 194-195)

Paul von Hindenburg, Aus meinem Leben (Ma vie), Paris, Charles-Lavauzelle, 1921 :

"Au début de septembre 1916, quand Enver-Pacha se trouvait à notre grand quartier général , nous avions cru pouvoir juger comme suit la situation en Asie :

En Arménie, les Russes avaient arrêté leur offensive après avoir atteint la ligne Trébizonde-Erzinghan. L’offensive turque qui, au cours de l’été suivant, avait été prononcée en direction du nord et en partant de la région de Diarbékir contre le flanc gauche du mouvement offensif russe, ne progressait pas par suite de difficultés de terrain extraordinaires et de l’insuffisance notoire des possibilités de ravitaillement.

Néanmoins, étant donné que l’hiver survient de bonne heure sur le plateau arménien, il fallait s’attendre à voir, cette année, les Russes cesser bientôt et définitivement leurs attaques.

La force combative des deux armées turques du Caucase avait considérablement diminué ; quelques divisions ne l’étaient plus que de nom. Les privations, les pertes sanglantes , la désertion avaient eu une influence destructrice sur les unités.

Enver-Pacha voyait venir l’hiver avec une grande anxiété. Ses troupes manquaient des effets d’habillement les plus nécessaires ; en outre, le service du ravitaillement se heurtait à des difficultés extraordinaires dans ces territoires le plus souvent dévastés et en grande partie dépeuplés. Dans ce pays montagneux, désertique et dépourvu de chemins, par suite du manque d’animaux de trait et de bât, le matériel, les vivres et les moyens de combat devaient être apportés aux soldats turcs par des colonnes de porteurs qui étaient obligées de marcher pendant de nombreuses étapes. Des femmes et des enfants gagnaient un maigre salaire en faisant ce métier, mais ils y trouvaient aussi la mort. (...)

Malheureusement, les conditions de la lutte n’étaient guère plus favorables au grand quartier général turc en Syrie qu’en Mésopotamie. Ici comme là, les Turcs souffraient tellement de la difficulté des communications — situation qui était en opposition frappante avec celle de leur adversaire — que, s’ils avaient renforcé d’une façon notable les effectifs qu’ils avaient dans ces régions, ils auraient amené toutes leurs troupes à souffrir de la faim et même de la soif. Les conditions du ravitaillement étaient aussi, par moments, extrêmement précaires en Syrie. " (p. 183-185)

Edouard Brémond , La Cilicie en 1919-1920, Paris, Imprimerie nationale, 1921 :

"Au moment où la Turquie attaqua la France et ses alliés , le chemin de fer de Bagdad était encore inachevé dans les tunnels du Taurus et de l’Amanus, qui ne furent utilisables que peu avant l’armistice. Les Allemands avaient établi des routes excellentes, et exécutaient les transports par camions automobiles. Il aurait donc suffi d’un faible effort, ce pays étant alors sans défense, pour couper en deux la Turquie et conquérir d’un coup la Syrie et la Mésopotamie. Mais on laissa à l’ennemi le temps de s’organiser et de venir attaquer l’Egypte de front, lui permettant de déployer son maximum de résistance.

Pendant la guerre, les Turco-Allemands enlevèrent les rails de la voie ferrée entre Mersine et Karajelas (12 kilom.) et entre Alexandrette et Erzine (40 kilom.). Une batterie de quatre 105 fut établie à Ayas. Des retranchements furent creusés sur tous les premiers contreforts du Taurus et de l’Amanus, avec plans de défense établis par les Allemands.

Le gouvernement turc à partir de 1915 fit déporter et périr les populations chrétiennes , surtout les Arméniens." (p. 304)

Les armées françaises dans la Grande Guerre (ministère de la Guerre), tome IX, volume 1, volume d’annexes, Paris, Imprimerie nationale, 1935 :

"Annexe n° 8.

MINISTERE DE LA GUERRE.

ETAT-MAJOR DE L’ARMEE.

SECTION D’AFRIQUE.

N° 250 9/11.

Paris, le 20 janvier 1915.

PROJET

DE DEBARQUEMENT D’UN CORPS EXPEDITIONNAIRE EN ORIENT.

L’opportunité d’une expédition en Syrie doit être envisagée aux deux points de vue politique et militaire.

Au point de vue politique, nous avons, dans ce pays, des droits très anciens, nous y sommes reconnus comme protecteurs des lieux saints ; de nombreuses œuvres, dirigées par des Français, telles qu’établissements d’instruction, hôpitaux, etc., de grandes entreprises de chemins de fer, un commerce important, y entretiennent notre influence. (...)

Projet d’expédition.

Tant que l’armée turque d’Asie mineure ne sera pas battue par l’un de nos alliés, ou ne se sera pas désagrégée d’elle-même, il n’est pas possible de songer à l’attaque avec des forces aussi importantes.

Mais notre intervention peut devenir utile ou même indispensable dans l’une des éventualités suivantes :

1° Echec de l’armée turque contre l’armée d’Egypte, provoquant un soulèvement sur les derrières de l’ennemi, soulèvement que les Anglais paraissent songer à appuyer.

2° Armée de Djemal Pacha arrêtée sur le canal de Suez, et action d’un corps de débarquement anglais sur la ligne de communication (Adana, Alep, Reyak ou Deraa).

3° Succès des armées russes du Caucase, détournant contre elles toutes les forces turques d’Asie-mineure.

Dans les deux premières éventualités, il est nécessaire que nous opérions un débarquement dans notre zone, le corps expéditionnaire dût-il se contenter d’occuper une base de débarquement, centre de notre action ultérieure.

Dans la seconde, et si les circonstances et l’état des forces ennemies le permettent, une colonne mobile s’appuyant sur la base de débarquement peut être chargée d’intercepter la ligne de communication de l’armée turque, c’est-à-dire la seule voie ferrée dont elle dispose.

Dans la troisième, une occupation d’une partie de la Syrie, du Liban par exemple, appuyera les mouvements insurrectionnels à prévoir en Syrie, en Mésopotamie et en Arabie, et encouragera la Perse dans son attitude hostile vis-à-vis de la Turquie.

Choix du port de débarquement.

Ce port doit être choisi dans notre zone d’influence traditionnelle, et dans une région où les populations sont les plus préparées à faire cause commune avec nous.

Il doit être susceptible d’une défense efficace, avec des forces réduites, dans le cas où nous ne pourrions en déboucher.

Il doit être également propre à devenir une base d’opérations pour une action ultérieure dans l’intérieur, et pour cela être l’une des têtes de voies ferrées qui réunissent la côte à la ligne de rocade : Soutari, Alep, Damas, Médine.

Enfin, il faut que le débarquement y soit facile et que le concours des forces navales puisse nous y assurer une complète sécurité.

Les bases de débarquement répondant au moins partiellement à ces conditions sont : Alexandrette, Tripoli, Beyrouth et Haïffa.

Le port d’Alexandrette présente toutes facilités pour débarquer : une voie ferrée de 70 à 80 kms longeant le massif d’Elaa, le réunit à Toprak Kalé (près de Kalekeui) sur la ligne d’Adana à Alep (chemin de fer de Bagdad) en voie d’achèvement, qui est en même temps un tronçon de la ligne de rocade précitée.

Par contre, Alexandrette est très excentrique par rapport aux régions syriennes, siège de nos intérêts." (p. 15-17)

"Annexe n° 22.

Du Caire, le 22 septembre 1915.

Télégramme

reçu au cabinet du ministre le 22 septembre 1915.

Lieutenant de Saint-Quentin à Guerre, Paris.

Ai visité hier avec ministre de France campement arménien Port-Saïd ; il contient 500 hommes vigoureux, généralement bons tireurs. Au témoignage de leurs chefs, ces gens hésiteront à s’engager sans conditions dans formations régulières, mais seraient très impatients de reprendre guerre de partisans dans leurs montagnes. Ils demandent des armes et des officiers.

Les autorités anglaises paraissent convaincues de la nécessité de leur en donner, pour constituer un corps franc qui combinerait ses incursions sur la côte turque avec les mouvements de l’escadre. Le colonel Elgood, représentant l’état-major à Port-Saïd, pense que 6 officiers anglais ou français (anglais de préférence, m’a dit son adjoint « pour gagner certaines sympathies musulmanes »), quelques dizaines d’Arméniens d’Egypte, et un mois d’entraînement, seraient suffisants. Il attend toutefois d’en conférer avec amiral Darrieus, qui sera de retour le 28 septembre, pour soumettre son plan au général Maxwell. Ce dernier, à en croire Dimkelian, aurait, de son côté, des projets analogues mais plus vastes, qui prévoiraient une participation plus large de l’élément arménien local. Le chef des insurgés, qui est en relation avec les comités de l’étranger, s’offre, en outre, à recruter 1.000 volontaires dans les Balkans et le double au moins en Amérique.

Quant aux opérations à effectuer, l’Intelligence Office envisage, avant tout, un coup de main contre le chemin de fer de Bagdad, pour isoler la Syrie de l’Anatolie ; il songe à faire détruire, soit la jonction de Toprak Kalé, où se détache l’embranchement d’Alexandrette, soit plutôt le tunnel de Bagtché et la station électrique voisine.

Signé : DE SAINT QUENTIN." (p. 47)

"Annexe n° 25.

ETAT-MAJOR DE L’ARMEE.

BUREAU D’ORIENT.

SECTION D’AFRIQUE.

N° 6317 9/11.

Paris, le 22 octobre 1915.

Note sur un projet d’opérations dans la région d’Alexandrette.

I. — Avantages de l’opération.

Les considérations qui pourraient conduire à envisager une expédition française dans le golfe d’Alexandrette sont les suivantes :

L’opération ne présenterait actuellement aucune difficulté sérieuse d’exécution ; elle peut être entreprise avec des moyens peu importants : deux divisions d’infanterie seraient suffisantes pour mener à bonne fin l’occupation de la région Alexandrette, Mersina et deux autres divisions permettraient d’assurer celle d’Alep. Les Turcs n’ont en effet pas plus de 3 divisions de nouvelle formation dans ces régions et il leur serait impossible de s’y renforcer à court délai.

L’occupation du chemin de fer ottoman vers Adana et Toprak Kalé et des défilés du Taurus et de l’Amanus isolerait l’Anatolie d’une part de la Mésopotamie, et d’autre part de la Syrie ; elle serait ainsi doublement profitable aux Anglais qu’elle débarrasserait notamment de tout souci sur leur frontière d’Egypte.

L’opération aurait encore pour effet de donner un point d’appui aux populations prêtes à se soulever contre le gouvernement ottoman, les Arméniens de la petite Arménie, les Bédouins de Syrie et peut-être les Kurdes de Karpouth.

L’installation des Français dans la région d’Alexandrette leur fournirait un excellent point de départ pour l’occupation ultérieure de la Syrie. Elle remettrait en tout cas dans leurs mains un gage qui ne serait pas sans intérêt." (p. 49-50)

"Annexe n° 39.

Du G. Q. G. russe, le 22 février 1916.

Télégramme.

Général Pau à ministre Guerre, Paris.

Le général Alexeieff vient d’adresser au ministre un mémoire en vue d’appeler attention du gouvernement anglais sur intérêt puissant que présente également pour Angleterre et Russie, l’occupation en Asie-Mineure de la région Alexandrette, Adana, Alep, centre des voies de communication reliant entre elles les principales provinces de la Turquie d’Asie.

Cette occupation, et particulièrement interruption chemin de fer Bagdad dans sa partie longeant golfe d’Alexandrette, créeraient à la Turquie les plus sérieuses difficultés pour transports de troupes et approvisionnements à destination, soit du front russe dans le Caucase, soit du front anglais en Perse et en Mésopotamie.

En outre, toute action éventuelle armée turque dans direction canal de Suez serait paralysée et la défense de cette voie mondiale portée en avant distance environ 800 kilomètres. Enfin opération engagée dans région Alexandrette attirerait de ce côté troupes turques retirées du théâtre d’opérations européen et contrecarrerait projet offensive ennemie contre Salonique." (p. 87-88)

"Annexe n° 58.

MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES.

DIRECTION DES AFFAIRES POLITIQUES ET COMMERCIALES.

N° 2892.

Arméniens réfugiés.

Paris, le 19 juillet 1916.

Le président du Conseil, ministre des Affaires étrangères, à Monsieur le Ministre de la Guerre (état-major général).

Par un télégramme en date du à de ce mois, dont la copie est ci-jointe, l’ambassadeur de la République à Londres me fait part d’une suggestion anglaise au sujet de l’utilisation éventuelle des Arméniens réfugiés en Egypte et de ceux qui se trouvent aux Indes. Le général Clayton estime qu’il y aurait lieu de grouper à Chypre ceux qui seraient capables de faire des soldats, et d’en former un corps de troupe dont la seule présence dans ces parages inquiéterait les Turcs et les obligerait à ne pas dégarnir la Syrie septentrionale ; au moment où la révolte arabe menace la domination turque, non seulement dans la péninsule, mais aussi en Palestine et en Syrie, il est certain que la formation et l’entraînement, à proximité d’Adana et d’Alexandrette, d’un corps de partisans empêcherait les Turcs de porter toutes leurs forces au sud pour écraser le chérif de la Mecque.

Les Anglais nous proposent loyalement de confier à des officiers français le soin d’armer et d’instruire ces Arméniens.

J’estime que, réduite à ces proportions, la proposition anglaise est à retenir. Pour le moment, il ne peut en effet être question pour nous d’ouvrir un nouveau champ d’opérations en Syrie, mais nous aurions avantage à faire sentir notre présence à proximité de territoires sur lesquels nous entendons faire valoir nos droits. En outre, si le succès de la rébellion arabe s’affirmait, il nous serait utile de pouvoir joindre aux rebelles, avant qu’ils aient conscience de leurs forces, et que, par suite, ils veuillent créer des principautés indépendantes qui perpétueraient le désordre et l’anarchie, un corps discipliné et encadré par des officiers français pour prendre en mains l’organisation de la Syrie du Nord.

Je vous serai obligé de me faire connaître d’urgence si vous êtes en mesure de fournir les cadres français et les armes qui seraient nécessaires pour un corps de 5.000 Arméniens au maximum.

Je crois, en terminant, pour répondre à une observation faite le 3 juillet par le général commandant en chef, devoir vous rappeler que les Arméniens d’Egypte, s’ils sont prêts à s’enrôler pour porter les armes, se sont constamment refusés à tout embauchage comme ouvriers.

Pour le ministre et par autorisation :

Le chef du cabinet et du personnel,

(Illisible.)

Ministère de la Guerre. Cabinet du ministre. 20 juillet 1916.

E. M. A. section d’Afrique. 21 juillet 1916. n° du répertoire 4293, remise à Orient." (p. 114-115)

Edward J. Erickson, "The Armenian Relocations and Ottoman National Security : Military Necessity or Excuse for Genocide ?", Middle East Critique, volume 20, n° 3, automne 2011 :

"L’emplacement de la population et de l’insurrection arméniennes est essentiel pour comprendre pourquoi l’Etat ottoman a perçu la situation comme une menace existentielle pour sa sécurité nationale. Les Ottomans combattaient les Russes à la frontière du Caucase et les Britanniques en Mésopotamie et en Palestine. Les lignes d’approvisionnement soutenant ces fronts ottomans traversaient directement les régions de l’est de l’Anatolie qui étaient fortement peuplées par les communautés arméniennes et, par extension, par les comités révolutionnaires arméniens lourdement armés. Il est important de noter qu’aucune des armées ottomanes sur les fronts du Caucase, de Mésopotamie ou de Palestine n’était autosuffisante en nourriture, en pâture, en munitions ou en fournitures médicales, et toutes dépendaient des routes et des voies ferrées menant à l’ouest à Istanbul et en Thrace pour ces approvisionnements. De plus, aucune de ces forces n’avait beaucoup de fournitures prépositionnées disponibles et toutes nécessitaient le flux continu de matériel de guerre. Les comités révolutionnaires arméniens ont commencé à attaquer et à couper ces voies de communication au printemps 1915. Les messages de l’armée ottomane concernant l’interception des routes et des voies de communication au printemps 1915 démontrent clairement à la fois l’alarme et l’inquiétude face au danger aigu présenté par les insurgés arméniens. La coupure des réseaux routiers pendant plus qu’une période de plusieurs jours a eu un impact sévère sur la quantité de matériel passant aux armées sur les fronts actifs, les privant ainsi des moyens de combattre. Ainsi, l’insurrection arménienne était perçue comme un véritable impératif de sécurité nécessitant une solution immédiate, et elle constituait une menace existentielle pour la survie des armées de l’empire." (p. 295-296)

Edward J. Erickson, "The Armenians and Ottoman Military Policy, 1915", War in History, volume 15, n° 2, 2008 :

"L’acheminement de vivres, de munitions et de fournitures a mis au défi l’organisation du colonel Fuat [Fuat Ziya] en raison des vastes distances qui les séparaient du front. Contrairement aux grandes puissances européennes, qui construisaient des réseaux ferroviaires pour s’adapter à la mobilisation et à l’approvisionnement des armées, les voies ferrées de l’Empire ottoman ont été construites par des étrangers pour des profits économiques. Par conséquent, aucune n’allait en direction du théâtre d’opérations de l’Anatolie orientale et les unités ottomanes de première ligne se sont retrouvées à plus de 900 km des terminaux. Cette situation a été aggravée par un blocus naval allié rigoureux qui a acculé tout le trafic logistique sur les deux routes macadamisées toutes saisons (Bellibaşlı karayolları) qui menaient à l’est de l’Anatolie. Ainsi, la 3 LoCI [IIIe armée] a soutenu une force approchant un quart de million d’hommes et d’animaux à 900 km des terminaux en utilisant des transports à traction animale sur deux pistes (Sivas-Erzincan-Erzurum au Nord et Diyarbakır-Bitlis-Van au Sud). (...)

Contrairement à la 3e armée, la 4e armée était responsable de la sécurité et de l’entretien de la ligne de chemin de fer qui conduisait de la brèche de Pozantı à l’Euphrate et au Sud à travers la Palestine jusqu’à Médine. Le chemin de fer posait des problèmes particuliers car il avait été construit par des entrepreneurs européens plutôt que par des planificateurs militaires. Il y avait deux brèches inachevées dans les montagnes escarpées à Pozantı (54 km) et à Osmaniye (36 km), des voies à écartement différent (par exemple : 1 m de large de Remleh à Jérusalem mais 105 cm de large de là à Damas), et toute la ligne était dans un très mauvais état de réparation. En plus des difficultés, toutes les fournitures pour le théâtre mésopotamien ont été expédiées à travers la zone de la 4 LoCI [IVe armée] et ont concouru à l’insuffisance des moyens de transport." (p. 145-146)

Edward J. Erickson, Ottomans and Armenians : A Study in Counterinsurgency, New York, Palgrave Macmillan, 2013 :

"La zone au nord de Dörtyol était particulièrement sensible pour les autorités ottomanes car le chemin de fer d’Adana à Osmaniye arrivait à moins de dix kilomètres de la mer près de Ceyhan. Une descente dans une maison arménienne à côté du pont ferroviaire de Ceyhan, le 17 avril [1915], a rapporté aux autorités 50 kilogrammes de dynamite. Simultanément, des attaques armées par des guérilleros arméniens utilisant des fusils et des bombes ont commencé dans les zones arrière de la quatrième armée. Il existe une lettre intéressante de l’Armenian National Defense Committee of America à Sir Edward Gray décrivant un plan pour envoyer des volontaires arméniens américains pour combattre et soulever l’insurrection dans le Caucase et exhorter les Britanniques à envahir la Cilicie, où les Arméniens locaux étaient prêts à se révolter.

La sensibilité des Ottomans aux menaces pesant sur leurs voies de communication ferroviaires, à l’arrivée du dangereux printemps de 1915, est illustrée par une autre circulaire en provenance de Constantinople. Dans un message chiffré adressé à la quatrième armée, qui avait le contrôle opérationnel sur les zones d’Alexandrette et de Dörtyol, Talat Pacha a spécifiquement demandé que les Arméniens déplacés des villes et villages des districts d’Alexandrette et de Bilan, dans lesquels se trouvait Dörtyol, soient gérés d’une manière particulière. Talat a proposé des lignes directrices pour la réinstallation des Arméniens déplacés dans des villages temporaires, mais a ordonné que les Arméniens réinstallés de ces zones "soient définitivement réinstallés à au moins vingt-cinq kilomètres des lignes du chemin de fer de Bagdad menant à la frontière ainsi que des autres lignes de chemin de fer". Le message ne contenait aucune justification pour la distance spécifiée, mais l’auteur estime qu’une distance de sécurité de 25 kilomètres d’une ligne de chemin de fer rendait presque impossible pour un terroriste (à l’époque d’avant la motorisation) de voyager vers et depuis une cible en toute sécurité à la faveur de la nuit. Dans tous les cas, cette stipulation indique la priorité élevée que les Ottomans accordaient à leurs chemins de fer." (p. 171)

"En septembre 1915, la quatrième armée a commencé à déplacer les Arméniens de Mersin et de Tarse où "des accusations d’espionnage et d’insurrection étaient de nouveau lancées". Plus de 8.000 personnes ont été mises sur la route dans des convois jusqu’à la fin octobre, mais plus d’un millier d’ouvriers arméniens qualifiés et leurs familles ont été exemptés de la réinstallation. Vers la fin de ces déplacements, une résistance a éclaté et un deuxième bataillon de la 23e division d’infanterie a été déployé le 28 octobre pour combattre les guérilleros autour de la ville de Tarse. Kévorkian a affirmé qu’un pourcentage moindre d’Arméniens avait été déporté de la région d’Adana parce que Cemal leur était favorable. Cependant, à cet égard, il faut également tenir compte de l’instruction de Talat du 17 août exemptant les cheminots cruciaux, qui maintenaient les liaisons ferroviaires continues à travers les monts Taurus, en particulier autour du difficile point de départ de Pozantı, et les monts Amanus." (p. 208-209)

"Le succès des opérations de contre-insurrection de l’armée à l’automne 1915 a permis au ministère de l’Intérieur d’envisager de ralentir le rythme des réinstallations, date à laquelle les rapports du ministère ont montré que plus de 100.000 Arméniens avaient été réinstallés ou étaient en cours de réinstallation. En conséquence, le ministère de l’Intérieur a délibérément commencé à ralentir le flux de réinstallation en provenance d’endroits choisis. Talat a ordonné au gouverneur de Kastamonu le 23 octobre 1915 de cesser de renvoyer des Arméniens supplémentaires, à l’exception de ceux qui avaient été trouvés avec des armes. Quatre jours plus tard, Talat a ordonné l’arrêt complet des évacuations des provinces de Bursa, Ankara, Alep et Adana, ainsi que des sandjaks de Maras, Afyon, Eskişehir, Kütahya, Izmit et Nigde. Le gouvernat de Konya a reçu l’ordre d’arrêter les réinstallations le 12 novembre 1915. En janvier 1916, le ministère de l’Intérieur a réaffirmé sa directive de maintenir le statut de protection des cheminots arméniens en dehors du champ d’application des réinstallations. Les réinstallations ralentirent à peu près et, le 15 mars 1916, le ministère de l’Intérieur a envoyé des instructions explicites à tous les gouverneurs de province et de sandjak selon lesquelles "plus aucun Arménien ne sera réinstallé pour quelque raison que ce soit et pour quelque motif que ce soit". Bien qu’il y ait eu des déplacements résiduels d’Arméniens toujours piégés dans le cours de la réinstallation, cela peut être considéré comme une date de fin décisive pour la campagne de contre-insurrection contre les comités révolutionnaires arméniens en Anatolie orientale." (p. 210-211)

Sean McMeekin , The Berlin-Baghdad Express : The Ottoman Empire and Germany’s Bid for World Power, Cambridge, Belknap Press of Harvard University Press, 2010 :

"Les employés arméniens de la Compagnie du chemin de fer de Bagdad ne se sont pas vu accorder, au début, d’exemptions spéciales quant aux décrets de déportation de mai, et nombre d’entre eux ont été emportés par la vague générale d’expulsions. Le 29 août 1915, le même jour où Talaat a publié un décret qui a (théoriquement) mis fin à la campagne de réinstallation, un ordre a été transmis à tous les commandants militaires ottomans leur demandant de "protéger les employés [des chemins de fer] arméniens et leurs familles’’. Tout comme l’ordre de cesser et de s’abstenir de Talaat a été respecté principalement avec des infractions, de même la nouvelle exemption pour les cheminots ne semble inviter qu’à la persécution. (...)

A Adana, la situation était encore plus désastreuse. Les problèmes ont commencé au début d’août 1915, lorsque toute la population arménienne du port voisin de Mersin, comprenant quelque 1.800 personnes, a été expulsée vers Adana à la suite de rumeurs selon lesquelles des bandes de guérilleros opéraient dans la région, apparemment en préparation d’un débarquement allié. Parce qu’Adana était située à l’intérieur des terres de la côte méditerranéenne, elle semblait "plus sûre" que Mersin : pour cette raison, Adana avait été exemptée dans un premier temps des décrets d’expulsion. Adana était également, cependant, le siège régional du chemin de fer de Bagdad et l’une des principales gares routières pour les déportés venant d’ailleurs en Anatolie. En mai, plusieurs centaines d’Arméniens ont été brièvement expulsés d’Adana, avant d’être autorisés à rentrer, bien que sous haute surveillance. Après l’arrivée des déportés de Mersin, la gare phare du chemin de fer de Bagdad à Adana a commencé à ressembler à un camp de réfugiés géant. Les tensions étaient vives lorsque, le 29 août 1915, le décret de cesser et de s’abstenir de Talaat vint via les fils. Ici, comme ailleurs, l’ordre du ministre de l’intérieur de mettre un terme à la campagne de délocalisation a produit exactement le contraire de l’effet recherché. Entre le 30 août et le 11 septembre 1915 (lorsque l’insubordination provinciale à son décret du 29 août a incité Talaat à émettre un nouvel ordre de cesser et de s’abstenir), selon le consul américain, plus de 6.000 Arméniens ont été sommairement expulsés d’Adana, "sans aucun respect pour l’exemption accordée aux catholiques et aux protestants". Le vali d’Adana, rapporta le consul allemand le 2 septembre, "déclara que les ordres du ministère ne signifiaient rien pour lui ; lui seul allait décider quoi faire des Arméniens locaux".

La menace du vali n’était pas rassurante pour les Allemands. Comme l’écrivait Winkler [Johann Lorenz Winkler, ingénieur en chef du Bagdadbahn] à Berlin le 16 septembre 1915, "le mépris des ordres émanant des autorités centrales s’accroît de plus en plus". Plutôt que d’apaiser les tensions à Adana, la tentative de Talaat d’annuler les déportations d’Arméniens a fait office de provocation pour les responsables turcs. A la mi-septembre, Winkler a rapporté qu’"Adana et Tarse [à proximité] ont été complètement vidées des Arméniens, et donc de la moitié de leur population ". Ce n’était pas seulement la voie ferrée qui était pénalisée par un exode de travailleurs qualifiés : privée de sa population artisanale de "constructeurs, charpentiers, plombiers, cordonniers", Adana était désormais "complètement déserte, sans vie, sans [réverbère]". Les conditions étaient si mauvaises que ces derniers jours, les Turcs avaient également commencé à fuir Adana, vidant littéralement la ville de ses habitants. Dans un cas classique et tout à fait mérité de châtiment, le vali d’Adana, qui avait expulsé ses sujets arméniens, demanda aux responsables allemands du CFB de loger sa propre famille, qui étaient désormais des réfugiés comme tout le monde." (p. 254-255)

Sean McMeekin, The Ottoman Endgame : War, Revolution, and the Making of the Modern Middle East, 1908-1923, New York, Penguin Books, 2015 :

"Sur le papier, les déportations d’Arméniens n’ont jamais été universellement applicables ni appliquées. Les civils arméniens d’Ankara , de Smyrne (Izmir) et de Constantinople étaient censés être épargnés, même si nous savons que des milliers de personnes (pas seulement les 180 notables arrêtés en avril ) ont été arrêtées. Il y avait des exemptions catégorielles , en théorie, pour les catholiques et les protestants arméniens, les femmes, les enfants, les personnes âgées, les soldats en service actif et leurs familles, et les artisans irremplaçables (tels que ceux travaillant sur le chemin de fer de Bagdad comme forgerons, serruriers, mécaniciens, et les conducteurs). Antalya a été formellement exemptée parce qu’elle comptait moins d’Arméniens que Mersin et Adana. En théorie également, les déportés devaient recevoir une compensation pour les maisons et les biens qu’ils avaient laissés derrière eux (s’ils n’étaient pas en mesure de les encaisser avant de quitter les musulmans à prix de vente au rabais) : des comptes devaient être ouverts à leur nom auprès de la Banque Ziraat pour "recevoir tous les dépôts provenant des loyers ou des ventes".

Comme on pouvait s’y attendre, ces dispositions ont été respectées en grande partie avec des infractions. Dans la pratique, la plupart des déportés arméniens, voyageant à pied, ne pouvaient emporter que ce qu’ils pouvaient porter sur le dos. Même s’ils ont survécu au voyage, ils n’ont jamais reçu de compensation pour les biens qu’ils avaient laissés derrière eux, dont la plupart ont été saisis par des voisins opportunistes ou plus tard nationalisés.

Les directives et les "exemptions" de Talât ont souvent été volontairement ignorées par les responsables locaux et les officiers de l’armée qui cherchaient une excuse pour persécuter les Arméniens "déloyaux" depuis des années. C’était un indicateur de la nature confuse des ordres que l’armée ottomane ait convoqué plus d’un millier de cours martiales pendant la guerre contre ceux qui étaient "coupables d’avoir organisé ou de ne pas avoir empêché des attaques" contre des civils arméniens, et un certain nombre de fonctionnaires auraient été exécutés pour violations flagrantes des droits de l’homme. A Adana, le vali ottoman a ouvertement défié l’ordre de Talât de mettre un terme aux déportations en cours, déclarant "que les ordres du ministère [de l’Intérieur] ne signifiaient rien pour lui ; lui seul allait décider quoi faire des Arméniens locaux". Le nettoyage d’Adana était si complet (six mille Arméniens expulsés, y compris ceux qui maintenaient le fonctionnement des réverbères) que toute la ville se vidait, y compris, dans un retournement bien mérité, le vali vengeur et sa propre famille." (p. 237-238)

Edward J. Erickson, Ordered to Die : A History of the Ottoman Army in the First World War, Westport (CT)-Londres, Greenwood Press, 2001 :

"Au milieu de l’année 1916, la majeure partie de la population arménienne avait été expulsée de force des vilayets de l’Anatolie orientale et des villes clés le long du chemin de fer Est-Ouest. A ce stade, les Arméniens ont cessé d’être une préoccupation militaire pour les états-majors turcs. De nombreux hommes arméniens sont restés en vie puisque l’armée turque a continué à utiliser la main-d’œuvre arménienne dans ses bataillons de travail jusqu’à la fin de la guerre." (p. 104)

Elizabeth S. Webb (missionnaire américaine), déclaration écrite au sujet de la déportation des Arméniens d’Adana, 1er juin 1918, NA/RG256/Special Reports and Studies/ Inquiry Document 819 :

"Environ 20.000 Arméniens ont été déportés depuis Adana, seules les familles des soldats et de ceux qui travaillaient dans les usines et les ateliers du gouvernement et, dans certains cas, les veuves avec de jeunes enfants étant exemptées. (...)

Les Arméniens exilés de la région d’Adana s’en sont beaucoup mieux sortis que la plupart des autres en Turquie. Beaucoup d’entre eux, sur la demande personnelle adressée à Jamal Pacha , ont été envoyés dans la région de Damas , ont atteint leur destination en toute sécurité, et n’ont pas été massacrés depuis."

Source : https://web.archive.org/web/20061014162741/http://www.gomidas.org/gida/index_and_%20documents/RG256.htm/docs/RG256%20819.pdf

Ara Sarafian , " Study the Armenian Genocide with confidence, Ara Sarafian suggests", Reporter.am, 18 décembre 2008 :

"Le génocide arménien n’est pas la même chose que l’Holocauste. Les Jeunes-Turcs n’avaient pas l’appareil pour commettre un génocide du même niveau que l’Holocauste. C’est également un fait que de nombreux responsables ottomans, y compris des gouverneurs , des sous-gouverneurs , des militaires , des chefs de la police et des gendarmes ont sauvé des milliers d’Arméniens pendant le génocide. La plupart des Arméniens de la province d’Adana, par exemple, n’ont pas été tués. Ce fait essentiel est ignoré dans les travaux d’éminents historiens arméniens. Il existe également d’autres exemples. Le "modèle de l’Holocauste" du génocide arménien est fondamentalement erroné."

Source : https://web.archive.org/web/20110113204802/https://www.reporter.am/go/article/2008-12-18-study-the-armenian-genocide-with-confidence-ara-sarafian-suggests

Voir également : Le gouvernorat de Cemal Bey (futur Cemal Paşa) à Adana (1909-1911)

Les Arméniens et la pénétration allemande en Orient (époque wilhelmienne)

Le grand-vizir Sait Halim Paşa et les Arméniens

Rôle de l’Allemagne : les désaccords profonds de Hilmar Kaiser avec Vahakn Dadrian et Taner Akçam

Epidémies et carence de moyens de transport dans l’Empire ottoman en 1914-1918

1914-1915 : la volonté de collaboration de la FRA-Dachnak avec l’Entente et contre l’Empire ottoman

La déportation des Arméniens de 1915 : une réponse contre-insurrectionnelle

Les témoignages américains sur la tragédie arménienne de 1915

https://armenologie.blogspot.com/20...

Première Guerre mondiale : les efforts pour ravitailler et aider les déportés arméniens

L’installation des déportés arméniens à Deir ez-Zor (1915)

"Génocide arménien" : les télégrammes secrets (authentiques) de Talat Paşa (Talat Pacha)

Le contenu des "carnets" de Talat Paşa (Talat Pacha)

Cemal Paşa (Djemal Pacha), figure majeure de l’arménophilie turque

Les témoignages arméniens sur le "génocidaire" Cemal Paşa (Djemal Pacha)

Ali Fuat Erden et Hüseyin Hüsnü Erkilet : d’une guerre mondiale à l’autre

La gouvernance de Cemal Paşa (Djemal Pacha) en Syrie (1914-1917)

"Génocide arménien" : les élites arméniennes d’Istanbul (après la descente de police du 24 avril) et les Arméniens d’Anatolie exemptés de déportation

Les Arméniens de Konya pendant la Première Guerre mondiale et après l’armistice de Moudros

Les Arméniens d’Ankara pendant la Première Guerre mondiale et après l’armistice de Moudros

"Génocide arménien" : la présence persistante de nombreux Arméniens au sein de l’armée ottomane


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