Du football financé au football financier.

Ces dernières semaines ont vu une accalmie après la non-qualification de l’équipe nationale turque pour la coupe du monde de football. Néanmoins,certains enseignements doivent en être tirés, tout comme certains enseignements à venir seront instructifs voire inattendus.

La dernière journée du championnat turc nous présente haut du classement identique à la journée précédente, l’occasion de faire réfléchir le supporter turcophone de base, surtout de le distraire momentanément de l’élimination de la nation au concert mondial du ballon sphérique prévu en juin prochain, pour autant, la vie ne s’est pas arrêtée, la balle continue à rouler, l’économie mondiale poursuit son chemin.

La journée de championnat "Super Lig " de ce début février 2018 voit le leadership confirmé de l’Istanbul BB, poursuivi par les habituels prétendants.

L’étau est prêt à se resserrer à tout instant, Resserrement du classement, resserrement des scores, resserrements du partage du ballon. Tout nécessite une vigilance accrue, Cette journée sonne comme un rappel à la réalité.Les mêmes occupent les quatre premières places. Cependant,quelques vagues de contestation tentent de faire frémir l’horizon.
Le faux-pas à domicile du Fenerbahçe devant le Genclerbirligi (2-2) nous montre la pression entre les deux villes les plus importantes du pays. Les stambouliotes de tous bords ont été secoués ce week-end si on se réfère à la défaite d’un Galatasaray à la physionomie irrégulière lorsqu’il joue à l’extérieur. Et ce malgré une réalisation de Eren Derdiyok (défaite 1-2 sur le terrain de Sivasspor).
Un autre 2-2 faisant sursauter la belle cité du Bosphore, celui du Besiktas chez Bursaspor, tiré d’affaire in extremis par Adriano et Istanbul BB ne réussissant que le 1-1 en déplacement.

Toutefois chez le Konyaspor qui a gouté aux joutes européennes, ce résultat étant l’occasion de constater que l’équipe de la ville des derviches a su tirer profit de son expérience continentale pour pouvoir tenir tête au leader.

Le championnat turc n’est donc plus seulement une première division clivée en deux monoblocs de taille inégale, ceci malgré la persistance d’un noyau dur.

Du coté de la Mer noire,constatation identique:le Trabzonspor a concédé un frileux nul 0-0 devant Goztepe, qui s’accroche.

Dans le meme temps,le Karabük s’est relevé de sa cuisante défaite 0-5 de la joute précédente en gagnant 1-0 à domicile.

Au milieu de ce panorama, nous allons nous intéresser à une victoire à l’extérieur particulière. Celle de Kayseri chez Osmanlispor, autre récent néophyte de la coupe d’Europe.
La localité anatolienne connue pour sa science de l’ameublement nous donnerait-elle une leçon d’opportunisme ?

Voici l’occasion de développer davantage un aspect où la patrie d’Atatürk apparaît comme précurseur, Il s’agit du premier achat de joueur en cryptomonnaie. En effet, Omer Faruk Kiroglu a été acheté en bitcoins par l’Harnurustaspor comme l’ont si bien relaté nos confrères du Figaro et en plus à un niveau sportif encore amateur officiellement.

La Turquie a-t-elle autant d’habileté à négocier en bitcoins qu’elle en avait par le passé en tulipes pour le commerce ou l’immobilier ? L’immobilier turc, en pleine expansion cette dernière décennie, a les moyens de proposer des stades dignes de ce nom pour l’organisation d’un Euro ou d’une coupe du monde. Sous le regard d’un Erdogan fan de ballon rond et expert de l’appareil sécuritaire nécessaire à l’encadrement d’un événement sportif majeur de haut niveau.

La Turquie a un pas d’avance. L’important sera de maintenir une cadence ou au contraire changer de cap, question de rapidité de choix, un aspect spéculatif allié au réflexe du sportif.

Le football turc est peut-être en train d’anticiper une crise, question de timing entre tendances haussières et baissières. Une sorte de bulle footballistique qu’il faudra maîtriser.

Cette bulle pourra servir à attirer joueurs étrangers de renoms et investisseurs étrangers.
Le défi à relever sera de canaliser la croissance afin d’éviter un phénomène de tensions risquant de créer des déséquilibres financiers.

Côté pratique donc purement sportif, le fait que certains joueurs turcs aient évolué à l’étranger ou effectué un aller-retour (Arda Turan) est bénéfique à la culture professionnelle des joueurs.
Tout récemment, le but de Cengiz Under pour L’A. S Roma est de bon augure et fait oublier l’échec de Salih Uçan.

Le football turc peut renaître. L’économie pourra l’aider à parier sur le sponsoring puis la formation. Ce passage du conjoncturel au structurel a déjà pour effet la bonification de la deuxième division.
Les conglomérats turcs ou autres grands groupes ont un rôle à jouer, éventuellement déterminant.
Pensons à la société d’électroménager Ariston qui a sponsorisé la Juventus pendant des années. Et cela nous fait penser automatiquement à Beko et au Besiktas. Des grands groupes industriels représentent un véritable matelas d’actions. Sans compter les incursions à l’étranger :Polisan au Maroc, les accords en voie de concrétisation avec la Cedeao (organisation d’un forum à Istanbul le 22 février). Une diversification des implantations qui rappelle les investisseurs chinois.

Gianguglielmo /Jean-Guillaume LOZATO, professeur d’italien à L’ENSG et à International Paris School of Business,chargé de cours à l’Université Paris-Est. Auteur de recherches universitaires sur le football italien en tant que phénomène de société.