Crise sans précédent dans la filière mondiale de la noisette : Ferrero met la pression sur la Turquie, premier producteur mondial

La filière mondiale de la noisette traverse une crise d’une ampleur inédite. Un marché minuscule en volume — trois grammes par pot, parfois moins — mais colossal en valeur : plus de 3 milliards de dollars et une croissance annuelle attendue entre 6 et 10 % jusqu’en 2030.
Derrière votre pâte à tartiner préférée, c’est aujourd’hui une véritable bataille commerciale qui se joue.

La Turquie, pilier mondial fragilisé

Le rapport de force commence par un chiffre : la Turquie assure environ 70 % de la production mondiale, soit entre 600 000 et 700 000 tonnes par an.
Lorsque la récolte turque est bonne, le marché respire. Lorsqu’elle s’effondre… toute la filière tremble.

C’est précisément ce qui se produit :
• épisodes de gel,
• sécheresse,
• invasion d’une punaise asiatique ravageuse.

Résultat : les rendements chutent lourdement et la récolte 2025 pourrait être presque divisée par deux.
L’Italie et le Chili subissent eux aussi canicules et pluies diluviennes, aggravant encore la tension sur le marché.

Des prix qui flambent

Sur les marchés internationaux, la tonne de noisettes a presque doublé en quelques mois.
Elle est passée d’environ 9 000 $ l’an dernier à 15 000 voire 18 000 $ selon les plateformes agricoles.

Ferrero, acteur central de la filière

Difficile d’ignorer le géant italien : Ferrero est le premier acheteur de noisettes au monde. Ses produits — Nutella, Kinder Bueno, Ferrero Rocher — représentent entre un quart et un tiers de la consommation mondiale.

Cette dépendance vient de l’histoire même du groupe : en 1946, le cacao était rare et cher ; la noisette locale est devenue la base de la fameuse pâte à tartiner.
Aujourd’hui, avec un chiffre d’affaires de plus de 18 milliards en 2024, Ferrero a étendu son approvisionnement bien au-delà du Piémont, jusqu’aux 740 000 hectares de vergers turcs.

Un bras de fer avec les négociants turcs

Face à la flambée des prix, les négociants turcs ont tenté de jouer la carte du rapport de force : retenir les stocks pour pousser les industriels à acheter au prix fort.

Mais Ferrero applique une stratégie bien rodée :
1. Ralentir ses achats en Turquie,
2. Puiser dans ses importants stocks stratégiques, un avantage unique dans la filière,
3. Diversifier ses origines : Italie, Serbie, États-Unis, et surtout Chili, où les plantations ont été multipliées par 10 en dix ans grâce à des contrats avec Ferrero.

Cette stratégie a provoqué des tensions avec les négociants turcs… et avec Ankara.

Pression du gouvernement turc

Le gouvernement a exigé de Ferrero qu’il achète au moins 30 000 tonnes de noisettes en Turquie entre septembre et décembre 2025.
En cas de refus, une amende pourrait être appliquée à l’industriel italien.

Le consommateur va-t-il payer plus cher ?

À court terme, les stocks des industriels permettent d’amortir le choc.
Mais si les prix restent durablement doublés, impossible d’éviter l’impact dans les rayons.

Chocolats aux noisettes, glaces, pralinés, et surtout pâte à tartiner : des hausses de 10 à 20 % sont déjà envisagées par plusieurs analystes.

Un marché ultra-concentré révélé au grand jour

Cette crise n’est pas seulement conjoncturelle. Elle met en lumière un secteur où :
• un seul pays domine l’offre,
• un acteur industriel majeur influence les prix,
• la résilience est limitée.

La noisette, ce petit fruit si discret, se retrouve aujourd’hui au cœur d’un bras de fer mondial