Turquie News vous propose la traduction d’un article (paru dans Zaman) d’Etyen Mahçupyan, rédacteur en chef d’Agos, quotidien bilingue arméno-turc. L’auteur, de sensibilité ultra-gauche libérale nous propose son point de vue sur les relations Turquie - UE.

A noter cependant que l’auteur fait preuve de plusieurs imprécisions et raccourcis pour étayer ses positions. Présenter l’UE comme un ensemble neutre et ouvert alors que la Turquie serait elle travaillée par une psychologie simpliste et duale (Chrétiens contre Musulmans) est plutôt osé ; il suffit pour celà de se pencher sur le cas de la France qui fait bien plus preuve de turcophobie que les Turcs n’ont de préjugés vis à vis de la France.

Nous vous souhaitons bonne lecture.

Traduction Turquie News


par Etyen Mahçupyan

L’Europe a dû faire face à un certain nombre de pays en difficulté au cours de son processus d’élargissement, mais chacun de ces pays a pris les mesures nécessaires pour assurer une intégration harmonieuse dans l’Union européenne.

Il est très peu probable que les pays nouvellement admis causeront des problèmes au processus d’élargissement de l’UE, malgré le fait qu’il y ait beaucoup à faire pour le mener à bien. Il est évident que les problèmes, en l’occurrence, découlent de l’incohérence avec les pays qui sont au cœur de l’UE et que la résolution de ces problèmes est à rechercher dans cette voie. Par conséquent, le processus d’ d’élargissement de l’UE se base sur une naïveté optimiste. Il apparaît que les acteurs majeurs sont à peu près sûrs de l’exemple universel des critères de Copenhague et de l’attraction de l’Europe. Quoi qu’il en soit, la raison de l’augmentation de attraction politique et socio-économique de l’UE est imputable au désespoir des pays candidats à s’y intégrer et s’adapter à l’ère de la mondialisation. Par-dessus tout, ces pays sont en général petits et relativement insignifiants tant sur le plan démographique que géographique. Aucun de ces pays ne souffre d’une distinction qualitative, en termes de leur choix à se considérer comme européens, de leurs positions vis-à-vis du monde et de leur volonté de s’adapter à la mondialisation.

En revanche, la Turquie est très différente. Par-dessus tout, c’est un pays européen en plein débat, avec cette question posée par les Turcs eux-mêmes. Par conséquent, l’offre de l’UE à la Turquie est associée à un désir d’européaniser - mais est inexistante pour les Turcs. L’argument selon lequel l’Europe aura plus d’influence sur la scène politique mondiale après l’adhésion de la Turquie dans le club, attire beaucoup plus l’attention. Tous ces avantages qui offriront le confort à la Turquie, lui permettront d’utiliser le facteur temps pour elle-même.

Mais il a aussi une propriété de la Turquie qui la distingue des autres États membres et des pays candidats : Ce pays, avec son vaste territoire et une importante population, est l’héritier d’un empire. Cela crée deux situations très complexes. Tout d’abord, la société est ambivalente en termes d’auto-identité en raison de la perception chrétienne de l’Europe. En Turquie, la grande majorité de la société est très circonspecte sur ce que les Occidentaux disent ou font. Les Turcs ont tendance à évaluer l’UE comme un monde de symboles psychologiques. Par conséquent, nous parlons d’une immense masse qui pourrait être facilement manipulée.

Le deuxième élément plus important qui fait de la Turquie un cas unique, est l’insistance et les tentatives du mécanisme d’Etat à servir de guide et à définir le régime, l’idéologie officielle et la citoyenneté. Même si on peut faire valoir que l’État est également fort et influent dans les pays d’Europe de l’Est, il convient de noter que ces classes bureaucratiques ont perdu leur influence idéologique lorsque le régime soviétique s’est effondré dans ces pays. La facilité d’adoption des critères de Copenhague par ces pays est due à la faiblesse de l’appareil d’État. Aussi, les hommes d’Etat en Turquie sont tellement résistants que les militaires et le pouvoir judiciaire ont un large soutien des médias et du monde universitaire ce qui leur permet de monter un coup d’État contre un gouvernement élu démocratiquement. Les plans, y compris les ressources financières, sont préparés dans le détail et mis en œuvre par la suite. La présence ambivalente de la laïcité prête à être manipulée est utilisée pour justifier cette pratique illégale et anti-démocratique.

Il est évident que l’objectif premier d’un coup d’État est de saper le processus européen. Fait intéressant, les Européens en sont également conscients. Toujours est-il que l’UE est censée négocier d’une manière compréhensive avec la Turquie plutôt que d’agir avec partialité sur la politique intérieure du pays. De toute évidence, il devient évident que la volonté institutionnelle et la résolution du pays pour une adhésion à part entière à l’UE sont assez faibles lorsque la Turquie est choisie comme juge et partie dans les propositions de négociations. Toutefois, si l’Etat bureaucratique et de leurs rares partisans sont mis de côté, on observera que la grande majorité des civils sont désireux d’adopter les principes de l’UE.

Dans un tel cas, que peut faire l’UE ? Peut-être serait-il mieux de jeter un coup d’oeil à la discussion par le biais de cette hypothèse : Imaginez que le système soviétique existe encore et que l’un des pays dans ce système ait cherché à adhérer à l’UE. Comment aurait réagi un acteur européen face à ce désir ? Aurait-il raisonné par rapport à l’État concerné ou aurait-il pris en compte la volonté populaire ?

ETYEN MAHÇUPYAN - Zaman