Berlin, contrairement à Paris, ne veux pas transformer les Turcs en allemands. La chancelière cherche à faire participer les anciens migrants turcs à la vie publique en Allemagne. Dans ce contexte, cette année, l’Allemagne s’est attachée à créer plusieurs chaires de théologique islamique dans les universités allemandes, afin de former des imams, d’autres personnels religieux dont un clergé féminin et des étudiants en religion.
La pensée aujourd’hui en vogue en Allemagne est qu’un nouvel islam, “critique et démocratique”, pourrait en émerger, qui serait plus adapté à la vie en Europe. En Allemagne, une université-pilote existe à Osnabrück, dans le nord-ouest de l’Allemagne, non loin de la frontière hollandaise où vit également une importante communauté musulmane, sunnite comme les Turcs. Ankara s’y oppose, tentant de garder la haute main sur les 900 mosquées que compte l’Allemagne.
La présidence des Affaires religieuses de Turquie envoie en effet des imams, en poste pour quatre ans, afin de pourvoir aux besoins spirituels des immigrants turcs d’Allemagne et de leurs familles et de s’assurer qu’ils se conforment aux normes culturelles turques. Ces derniers, rétribués par le gouvernement turcs, sont chargés outre la diffusion de l’islam de lutter contre l’influence occidentale autant que contre le radicalisme islamiste. La Turquie est restée un État laïc, même si elle est dirigée par des islamistes.
Mme Merkel et Erdogan se livrent une bataille acharnée, qui dépasse de loin les questions religieuses. Les deux dirigeants sont en concurrence pour obtenir l’allégeance de la diaspora turque d’Allemagne, forte de 3 millions d’individus et qui représente à elle seule les deux tiers des musulmans du pays.
Des deux côtés, les imams sont considérés comme la cheville ouvrière de la communauté turque d’Allemagne. Ils sont la seule autorité respectée chez les Deutschtürken (Turcs d’Allemagne), arrivés en Allemagne comme Gastarbeiter —main-d’œuvre immigrée bon marché — dans les années 1960.
Pour Erdogan, l’intégration est une insulte à la “turquitude” : les Turcs de l’étranger doivent rester des Turcs, quelle que soit leur carte d’identité. Lors de sa dernière visite en Allemagne, le Premier ministre turc a même baptisé l’assimilation de “crime contre l’humanité” et recommandé avec insistance la création de lycées exclusivement turcs en Allemagne.
Ankara, qui a récemment créé un Secrétariat aux turcs de l’étranger, recommande même à sa diaspora d’agir dans l’intérêt de la Turquie, comme des agents diplomatiques bénévoles.
Dans les 900 mosquées en Allemagne, on y vend des drapeaux turcs, des cartes postales turques, des bonbons, des jeux et des t-shirts turcs… Le ministère de la religion d’Ankara écrit, tous les vendredis, des sermons pour les Turcs et pour la diaspora, dont celle qui se réunit dans les mosquées en Allemagne.
Par Djamel Bouatta pour Liberté-Algérie