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Au Haut-Karabakh, les identitaires français jouent à la guerre des civilisations

Publié le | par Engin | Nombre de visite 548
Au Haut-Karabakh, les identitaires français jouent à la guerre des civilisations

Au Haut-Karabakh, les identitaires français jouent à la guerre des civilisations

Source ; Mediapart

Des groupes identitaires français profitent du conflit au Haut-Karabakh pour se fédérer sous une identité religieuse. Leur engagement affiché en faveur de l’Arménie consiste surtout à mettre en scène un affrontement entre l’islam et la chrétienté, rapporte Mediapart vendredi 22 janvier.

Dès la reprise du conflit opposant l’Arménie à l’Azerbaïdjan pour le contrôle de la république autoproclamée du Haut-Karabakh, le 27 septembre dernier, plusieurs groupes identitaires français se sont emparés de la situation du Caucase pour appeler à la défense de l’Arménie en tant que “premier royaume chrétien du monde”, transformant un conflit territorial post-soviétique en affrontement millénaire entre l’islam et la chrétienté.

Le chef du groupuscule violent des Zouaves Paris, Marc de Cacqueray-Valmenier, avait lui-même annoncé son départ pour le front fin octobre en diffusant une photo de lui, fusil d’assaut à la main et vêtu d’un treillis bardé d’un drapeau arménien et d’une Totenkopf, symbole des unités SS. L’Azerbaïdjan a officiellement saisi le Parquet national antiterroriste en France, estimant qu’une vingtaine de Français, dont plusieurs militants d’extrême droite, auraient pris part aux affrontements. Mais pour les Zouaves, “le futur de notre continent et de notre civilisation est en jeu au Haut-Karabakh”.

Cette lecture du conflit traverse désormais l’ensemble du spectre des différentes tendances de l’extrême droite française, jusqu’aux élus. Le sénateur des Bouches-du-Rhône Stéphane Ravier, qui s’est rendu sur place du 25 au 27 octobre pour rencontrer les autorités locales, ne raconte pas autre chose que les Zouaves : “Le combat de l’Arménie aujourd’hui peut devenir celui de la France et de l’Europe demain.”

Les occasions de combattre s’étant effondrées avec l’accord de cessez-le-feu sous parrainage russe du 10 novembre, il reste à l’extrême droite la communication sous couvert d’action humanitaire. L’une des ONG d’extrême droite est SOS Chrétiens d’Orient. Cette association a annoncé le 7 octobre la création d’une “opération d’urgence afin de porter secours aux blessés et aux familles démunies et déplacées”. Une intervention inaugurée par François-Xavier Gicquel, chef des opérations de l’ONG et contraint de démissionner du Front national en 2012 après avoir fait un salut fasciste pour commémorer la mort de Benito Mussolini.

Solidarité Arménie, association co-fondée par le leader du groupuscule national-catholique l’Alvarium Jean-Eudes Gannat, est quant à elle présente en Arménie depuis 2018.

Comme le rappelle l’historien Nicolas Lebourg, spécialiste de l’extrême droite, l’engagement de ce genre de groupes dans des conflits lointains n’est pas nouveau. Mais le choix d’un rassemblement sous la bannière de l’identité chrétienne n’a pas toujours été évident.

L’extrême droite se replie alors sur son propre référentiel religieux.

L’un des porte-parole de Génération Identitaire (GI), Jérémie Piano, avait justement annoncé mi-décembre à son entourage qu’il partait rejoindre SOS Chrétiens d’Orient en Arménie.

“En mettant l’accent sur un conflit entre l’islam et la chrétienté, la logique de ces groupes identitaires renvoie finalement à celle d’Erdogan qui veut de son côté se poser en protecteur des musulmans”, remarque Étienne Peyrat, maître de conférences à Sciences Po Lille et auteur d’une Histoire du Caucase au XXe siècle. “C’est pourtant une erreur de l’interpréter comme un affrontement viscéral et ancestral entre l’islam et la chrétienté. Beaucoup d’acteurs, de chaque côté, y compris en Arménie, ont en réalité tout simplement un intérêt politique à ce que ces interprétations soient diffusées.”

En octobre, c’était Emmanuel Macron qui reprenait un argument des identitaires en accusant Erdogan d’avoir déployé dans le Caucase des “combattants syriens de groupes djihadistes”. Des mercenaires qui n’ont en fait rien de djihadistes, et qui les ont même parfois affrontés.


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