Photo : Galata, la plus belle de toutes les Galata....
Samedi 6 février, la chaîne Arte diffusait une émission sur la situation des animaux dans l’Union européenne. Le reportage faisait ressortir que les Anglais, les Hollandais et les Allemands étaient les Européens (de l’Union) qui possédaient le plus d’animaux de compagnie, soit entre 50 et 60% de la population de ces pays. Dans cette « étude », il ressortait que les Grecs étaient ceux qui en avaient le moins avec seulement 25% de la population avec un animal de compagnie. On peut quand même s’étonner du résultat, car toute personne connaissant un temps soit peu la Grèce, peut témoigner du nombre impressionnant de canaris qui cui-cuitent dans les foyers hellènes. Mais bon, sans remettre en question la « haute qualité » du reportage, il faut dire qu’il était plutôt question de chats et surtout de chiens.
La correspondante grecque d’Arte, essayait de faire comprendre aux téléspectateurs francophones le pourquoi du comment, en interrogeant des Grecs dans la rue et même le maire d’Athènes. Il en ressortait que la plupart étaient soit indifférents, soit qu’ils avaient une profonde antipathie pour nos amis à quatre pattes.
Comme partout en Europe orientale (Bulgarie, Roumanie, Turquie, Serbie, etc.), la Grèce a ses chats et ses chiens de rue, ce qui a toujours un effet de surprise pour l’Européen de l’Ouest, qui est habité à ce que ces petites bêtes vivent à l’intérieur des foyers. L’Européen de l’Est lui, considère normal qu’il y ait des chiens pour surveiller les rues et des chats éliminateurs de vermine, qui n’appartiennent à personne en particulier, mais à toute la communauté. Cela n’empêche d’ailleurs nullement d’en posséder à titre individuel.
Evidemment, cette liberté des chats et des chiens, peut toutefois engendré des problèmes de surpopulation, comme c’est le cas à Bucarest par exemple. Le manque de nourriture devient alors la principale cause du développement de l’agressivité des meutes de chiens qui s’attaquent aux passants. Ces faits sont toutefois exceptionnels et, en règle générale, les rapports entre les habitants et les chats et chiens de rue, se passent bien. La population les nourrit et les municipalités limitent leur nombre par des campagnes de stérilisation et malheureusement parfois, des euthanasies.
En Grèce, tout n’est pas rose pour ces animaux qui ne sont pas suffisamment nourris, par les Hellènes qui ont, comme le faisait ressortir le reportage d’Arte, une totale indifférence pour les animaux de rue. Il en résulte une abondance de chats faméliques et un grand nombre de chiens sous-alimentés, à moitié malades.
Alors que dans la Grèce antique les chats et les chiens semblaient être appréciés, le journaliste français ne s’expliquait pas cette évolution négative de la mentalité grecque en 2000 ans (!). La correspondante grecque, trouvait l’explication par 500 ans d’ « occupation » ottomane et par la répugnance de l’islam pour les chiens (en faisant abstraction des chats). Autrement dit, si les Grecs n’aiment pas les animaux, c’est de la faute aux Turcs !!
Or voila, les animaux de rue en Turquie, sont plutôt bien vus. Ils sont nourris par une population toujours attentive au bien-être des chats et des chiens. D’ailleurs, les étrangers sont toujours surpris de voir des chiens affalés sur les trottoirs, faisant la sieste en attendant le prochain repas, sans ne jamais montrer aucune trace d’agressivité. Et que dire des chats dodus se prélassant au soleil autour des cafés ou dessous (parfois dessus) les étalages des commerçants ? Partout en ville, on peut voir des petits tas de croquettes dans les coins des rues, accompagnés la plupart du temps d’un récipient rempli d’eau. Il faut voir les grands-mères du quartier de Cihangir arpenter les rues avec leurs cabas remplis de victuailles ou les dizaines de chats vautrés dans le jardin de la mosquée du Conquérant, à côté des mangeoires toujours remplies. La population canine d’Istanbul est limitée par la municipalité métropolitaine (Büyük Şehir Belediyesi), qui s’occupe de la stérilisation et de la pose des puces de recensement. Aucun vétérinaire d’Istanbul ne refusera de soigner gratuitement un animal blessé. Il existe même un service d’urgence (Alo 153), comprenant des ambulances pour animaux équipées d’une unité de soins intensifs et d’un appareil respiratoire, au cas où l’on trouverait un animal blessé, et tout ça gratuitement. Pour sûr, les chiens et les chats grecs doivent regretter l’époque ottomane !
L’islam en Turquie est fortement estampé de chamanisme, et donc d’égards pour la nature, mais de là à voir une connotation religieuse au charisme turc envers les animaux, serait s’abaisser aux déductions simplistes, voire simplettes de la correspondante d’Arte en Grèce. D’ailleurs, les minorités ethnico-religieuses de Turquie, ne sont pas en reste pour aimer les chats et les chiens, y compris les Grecs d’Istanbul. Il faut donc voir une mentalité nationale qui, de toute évidence, fait défaut aux voisins grecs.
En cette année 2010 où Istanbul fait office de capitale culturelle de l’Europe, il est grand temps de se souvenir que la bienveillance des Turcs envers les animaux est ancestrale et … culturelle.
par Rinaldo Tomaselli, Istanbul février 2010