A partir de ce jeudi 7 juin, et jusqu’au 19 juin inclus, les Turcs de la diaspora sont appelés aux urnes afin d’élire leur nouveau président ainsi que leurs députés.
En effet, le double scrutin présidentiel et législatif prévu au calendrier de novembre 2019 ont été anticipées de 16 mois et fixées au 24 juin 2018.
Un pacte de campagne commune entre le AKP et le MHP annoncé quelques mois plus tôt, en février dernier, pour des élections devant se tenir en novembre 2019 - M. Devlet Bahçeli, président du MHP ayant déjà informé en janvier que son parti ne présenterait pas de candidat, et qu’il soutiendrait une candidature éventuelle du président sortant - suivie de l’adoption le 16 mars d’une nouvelle loi électorale, les rumeurs d’élections anticipées qui ont succédé avaient été démenties par le président lui-même à la mi-mars.
Et pourtant, juste un mois seulement après ce démenti, voilà que notre président annonce le 18 avril dernier des élections anticipées, fixées au 24 juin.
L’effet de surprise, bien que gâché par les rumeurs qui circulaient déjà, a tout de même opéré puisqu’il s’agit d’anticiper ces élections de près d’un an et demi. Les partis d’opposition ne sont pas prêts. Ils n’ont que 2 mois pour préparer leur campagne et à peine quelques semaines pour préparer leur liste de candidats.
Pour Berk Esen, professeur associé en relations internationales à l’université de Bilkent à Ankara, il s’agit des « élections de la panique ». Il explique : « Erdoğan n’était jamais enthousiaste à l’idée de convoquer des élections anticipées, suggérant que le parti au pouvoir était assez fort pour survivre jusqu’aux dates prévues ».
« Recourir à des élections anticipées n’est jamais un signe de force, c’est plutôt un signe de faiblesse », convient le spécialiste de la Turquie et du Moyen-Orient, Didier Billion, de l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris) à Paris.
Et pour cause, les enjeux des prochaines élections sont multiples et cruciaux, tant pour le pays lui-même et les Turcs que pour le président.
En effet, ce double scrutin présidentiel et législatif va marquer un tournant majeur pour la Turquie avec l’entrée en vigueur des mesures étendant et renforçant les prérogatives du président, en vertu de la réforme constitutionnelle adoptée, de justesse, en avril 2017, par un référendum dont les résultats ont été très fortement critiqués par l’opposition en raison des soupçons de fraudes. Cette nouvelle constitution, rompant avec les fondements de la République telle que conçue par Mustafa Kemal Atatürk, bouleversera le régime qui passera du système parlementaire actuel à un régime présidentiel sans garde-fous.
Ainsi, avec ce régime, où le poste de Premier ministre est supprimé et un Parlement passant de 550 à 600 députés mais avec des pouvoirs réduits, le président aura la possibilité de :
- Briguer un nouveau mandat de 5 ans, renouvelable 1 fois, plus un autre mandat, renouvelable 1 fois s’il dissout le parlement au cours du second ;
- Nommer et révoquer, sans contrôle, les vice-présidents, les ministres (responsables uniquement devant le Président), les hauts fonctionnaires, la moitié des membres de la Cour Constitutionnelle et du Conseil des magistrats et procureurs
- Gouverner par décrets, que seule la Cour constitutionnelle (dont il nomme la majorité des membres) peut contrôler
- Décider du budget
- Jouir d’une immunité renforcée et ne peut être destitué qu’au terme d’une procédure complexe, à condition que l’opposition dispose de plus de 60% des sièges et dont la décision finale revient à la Cour constitutionnelle ; qui lui épargnerait aussi de comparaître devant la justice pour certaines affaires une fois son mandat arrivé à échéance dans le régime en cours.
L’opposition perçoit justement comme un danger la mise en vigueur de cette nouvelle constitution étant donné que celle-ci ne conçoit aucune séparation de pouvoir, aucun contrepoids aux super-pouvoirs du président.
Ces amendements prendront pleinement effet à l’issue de ces élections. Si Recep Tayyip Erdoğan remporte ces élections, la Turquie basculera vers ce régime présidentiel, le Chef d’état pourra alors avoir entre les mains une concentration de pouvoirs afin de prendre toutes décisions urgentes sous couvert de renforcer le pays.
Une impatience justifiée… ?
Et justement, « l’urgence » de ces élections se trouvent dans la situation actuelle du pays. D’ailleurs, l’annonce de l’anticipation du scrutin s’est faite le jour même de la prorogation de « l’état d’urgence » pour la 7è fois consécutive depuis le putsch raté de juillet 2016. A peine l’expression du besoin de « normaliser » ce mode de gouvernance en prenant possession de tous les pouvoirs qui lui sont dévolus depuis l’adoption de la réforme constitutionnelle.
D’autant que Erdogan justifie cette impatience par la situation actuelle de la Turquie sur le plan militaire notamment : « Les développements en Syrie et ailleurs rendent urgent le passage au nouveau système exécutif, afin de prendre des décisions fortes pour l’avenir de notre pays », justifie-t-il.
De plus, et malgré une croissance économique impressionnante, le politologue Soli Özel souligne que « l’économie turque est arrivée à un point critique . Le pouvoir turc n’est pas sûr de pouvoir tenir plus longtemps ».
En effet, le taux de croissance à 7,4% affiché en 2017 ne doit pas occulter les différents signaux d’alarme tels que le déficit des comptes courants, le chômage et une inquiétante inflation (près de 11 % en avril), la perte de valeur de la livre turque : plus de 10% de sa valeur depuis janvier (22% en 2017) : que d’indicateurs rendant les investisseurs frileux.
Tous ces éléments mis dans la même équation représentent le risque de voir la base électorale du pouvoir s’amenuiser comme peau de chagrin.
Didier Billion ne manque d’ailleurs pas de rappeler que « l’AKP a toujours bâti ses succès électoraux sur les succès économiques et préfère donc que les élections se tiennent avant que la situation économique ne se dégrade ».
Les résultats du référendum d’avril 2017 avaient laissé un arrière-goût amer à cause du rejet du projet de réforme constitutionnelle exprimé dans plusieurs grandes villes « acquises » au pouvoir, telles que Istanbul, Ankara ou même Adana (plus acquise au MHP qui soutenait la réforme). Au point qu’il s’en est suivi quelques changements dans certaines mairies. A l’heure actuelle, si les sondages donnent l’alliance du pouvoir en tête des intentions de vote, ils restent néanmoins inférieurs aux attentes et insuffisants à une victoire dés le premier tour.
Battre le fer tant qu’il est chaud…
Fort de son expérience, Recep Tayyip Erdoğan surfe sur la vague nationaliste pour récupérer une partie de ses voix. C’est ainsi qu’en 2015, lorsque l’AKP avait perdu sa majorité absolue au parlement au scrutin de juin 2015 (258 sièges seulement, 276 étant nécessaires), après avoir dissous le parlement, faute de pouvoir former une coalition, de nouvelles élections législatives s’étaient tenues en novembre suivant, juste après qu’une série d’attentats du PKK ait suscité une riposte éclair. Ravivant la flamme nationaliste, l’AKP a pu obtenir 317 sièges, lui permettant d’atteindre la majorité absolue, au détriment du MHP qui n’en obtient que 40 (contre 80 en juin).
Il est donc vital pour le pouvoir de « rebondir » sur un succès, et la reprise de l’enclave syrienne d’Afrin des mains du YPG-PKK le 18 mars dernier, dans le cadre de l’opération militaire « Rameau d’olivier » en cours depuis janvier dernier, tombe à point nommé pour flatter la fibre nationaliste de l’électorat.
Il s’agit donc, selon les experts, de mettre à profit l’accès de fièvre nationaliste turque ainsi obtenu car rien n’indique qu’il puisse perdurer, à tout le moins sur ce plan, les forces armées turques n’ayant pu poursuivre leur offensive sans tenir compte de la réprobation des autres pays en présence, notamment les Etats-Unis et de la Russie et des réserves de la Ligue arabe.
Jeux de pouvoir
Conscient que sa victoire « de justesse » au référendum est le signe d’une baisse de sa popularité, Erdoğan cherche à garantir sa réélection. Récemment allié avec le parti d’action nationaliste (MHP), en quête d’une réserve de voix, il mise ainsi sur celles du MHP qui, dans cette alliance du pouvoir, feront augmenter son score.
Toutefois, ce parti est en perte de vitesse depuis quelques temps, ce qui pourrait nuire aux intérêts du Chef d’état. D’où la nécessité de prendre de court les partis d’opposition, en imposant un délai très court : 70 jours.
Kemal Kılıçdaroğlu, leader du principal parti d’opposition (CHP), fait bonne figure face à l’annonce des élections anticipées mais la liste des candidats n’est pas encore arrêtée puisque l’échéance était fixée à l’automne 2019 et que les primaires du parti n’ont pas encore eu lieu… Il réagit, vite.
Mais ce n’est pas Kemal Kılıçdaroğlu, ni le CHP qui sont la principale préoccupation du président Erdoğan ; pour lui, le risque vient de celle qui est surnommée « la louve », Meral Akşener et son Bon Parti (IYI), formation dissidente du MHP.
Ancienne ministre de l’Intérieur, Meral Akşener, candidate aux présidentielles, est considérée comme une sérieuse adversaire pour Recep Tayyip Erdoğan. Pour beaucoup, la crainte de la montée en puissance du Bon Parti fait aussi partie des raisons d’anticiper les élections au 24 juin 2018. En effet, fondé en octobre 2017, le Bon parti aurait probablement atteint la maturité exigée par la loi pour des élections à échéance normale mais est trop « jeune » pour participer au scrutin du 24 juin.
Qu’à cela ne tienne ! Contre toute attente, lors d’une conférence de presse le 22 avril dernier, Engin Altay, président par intérim du groupe parlementaire du républicain du peuple (CHP) annonce la démission de 15 députés du CHP pour aller rejoindre les rangs du Bon Parti (IYI), court-circuitant ainsi la tentative du gouvernement de mettre le Bon parti dans les cordes avec des élections anticipées de 16 mois. Les sièges du Bon parti au Parlement passant ainsi de 5 à 20, il atteint le nombre minimum requis pour se présenter.
Saluant le geste « démocratique » du parti CHP, le Bon parti a pu présenter sa liste de candidats, et rejoindre « l’alliance de la nation » formée avec 3 autres partis.
Les alliances se forment
Le 24 juin verra donc s’opposer d’une part 6 candidats aux présidentielles et d’autre part, pour les législatives, 2 blocs principaux et quelques autres partis, hors des alliances mais leur rôle n’en sera pas moins important.
En effet, la nouvelle loi électorale, adoptée le 16 mars dernier, autorise les partis à former de telles alliances avant le début du scrutin. Ainsi, les partis ne parvenant pas à dépasser le barrage de 10% au niveau national, dés lors qu’ils appartiennent à une alliance qui elle-même dépasse ce seuil national peuvent obtenir des sièges au parlement. Ce qui n’est pas le cas des partis se présentant hors alliance. Pour ceux-là, dans l’hypothèse où ils ne dépassent pas le barrage des 10%, leurs sièges sont distribués aux partis qui pourront siéger, principalement à celui qui obtient le plus grand score.
Ainsi, la première coalition, « l’alliance du peuple » est celle formée par Parti de la justice et du développement (AKP) -de droite, islamo-conservateur - et le Parti d’action nationaliste (MHP) – extrême droite ultranationaliste- rejoint par la suite par le Parti de la Grande Union (BBP) - extrême droite nationalisme, islamisme.
Face à elle, « l’alliance de la nation » (Millet Ittifaki) composée de :
- Le parti républicain du peuple (CHP)
- Le Bon parti (IYI)
- Le parti de la félicité (Saadet Partisi)
- Le parti Démocratique (DP)
Née de la volonté absolue d’empêcher l’AKP d’atteindre une majorité parlementaire, cette alliance très hétéroclite regroupe donc les sociaux-démocrates Kémalistes et laïcs du centre gauche (CHP), et toute la droite qui va du centre, aux conservateurs musulmans de deux partis de faible influence mais qui n’ont pas souhaité rejoindre la coalition première.
Le Parti de la Patrie (Vatan Partisi), le Parti démocratique des peuples (HDP) et le Parti de la cause libre présentent leurs candidats hors le cadre de toute coalition. Dans l’hypothèse où ils parviennent à dépasser le seuil national des 10%, ils pourront obtenir des sièges au parlement. Dans le cas contraire, les sièges seront redistribués aux partis ayant pu franchir ce seuil.
Si pour les législatives une partie de l’opposition a décidé de former une alliance électorale « l’alliance de la nation », pour l’élection présidentielle chaque parti défendra son propre candidat. Toutefois, les partis de cette coalition ont convenu de soutenir, en cas de second tour, le candidat qui reste dans la course face à Erdoğan. C’est une première dans l’histoire, certes, mais c’est également la première fois que la République est menacée aussi gravement, par ses propres moyens qu’elle met à disposition de son gouvernement. La perspective d’un échec de l’opposition est ici inenvisageable car il mettrait en péril la démocratie libérale en Turquie.
Les candidats à la présidence sont donc :
- Recep Tayyip Erdoğan, actuel président, élu en 2014 dominant la scène politique depuis plus de 15 ans par ses fonctions de Premier ministre de 2003 à 2014 puis en tant que Président. Dirigeant du Parti de la Justice et du Développement (AKP) et soutenu par le Parti d’action nationaliste (MHP) ;
- Muharrem Ince est le candidat du Parti Républicain du Peuple (CHP) parti fondé par le fondateur de la République, Mustafa Kemal et principal parti d’opposition. Député de Yalova depuis 2002, Muharrem Ince est connu et apprécié pour ses qualités de grand orateur.
- Meral Akşener, ancienne ministre de l’intérieur, fondatrice du Bon Parti (IYI), issu d’une scission du parti de la droite nationaliste radicale MHP. M. Akşener, qui par ailleurs a une bonne presse hors des frontières, est présentée depuis comme étant une sérieuse adversaire contre Recep Tayyip Erdoğan pour la Présidence.
- Temel Karamollaoğlu pour le Parti de la félicité (Saadet Partisi), islamiste-démocrate.
- Doğu Perinçek pour le Parti de la patrie (Vatan Partisi), « kémalo-nationaliste »
- Et enfin, du fond de sa cellule de prison, Selahattin Demirtaş pour le parti démocratique des peuples (HDP) pro kurde.
L’emprisonnement de S. Demirtaş n’empêche pas le Haut Conseil électoral de valider sa candidature, cependant cela pose un sérieux problème pour mener sa campagne depuis sa cellule et sa demande de libération a été rejetée le mois dernier.
Quand bien même ils ne sont pas en prison, les autres candidats n’ont pas une campagne exempte d’embuches, bien au contraire, elle se déroule dans des conditions particulièrement complexes.
Une campagne inéquitable
A toutes fins utiles, rappelons une fois de plus que l’état d’urgence a été prorogé pour la 7ème fois consécutive depuis le coup d’état raté. Ce qui autorise l’exécutif à prendre des mesures par décret et suspend certains droits et libertés. Dans le cadre de la lutte contre la confrérie Gülen, de nombreuses arrestations ont eu lieu dans le milieu des médias. Pour mémoire, ce sont plus de 150 journalistes emprisonnés et de nombreux autres sous le coup de procédures judiciaires, c’est aussi 150 médias fermés depuis juillet 2016. Ne laissant ainsi la place libre qu’aux médias d’appartenance gouvernementale. La Turquie est, rappelons-le, classée 157è (sur 180) en matière de liberté de la presse au classement mondial de Reporters sans frontières. L’état d’urgence décrété en juillet 2016 et prorogé systématiquement depuis a permis aux autorités de museler ces médias, et de réduire le pluralisme à une poignée de journaux, harcelés, faisant de la Turquie « la plus grande prison du monde pour les professionnels des médias ».
A titre d’exemple récent, en mars, ce sont les médias de Doğan Holding (Hürriyet, Milliyet, agence de presse Doğan, Kanal D et CNN Türk – TV + radio), qui constituaient un des derniers bastions des médias d’opposition indépendants, qui ont été rachetés par Demirören Holding, une entité proche d’Erdoğan, renforçant le contrôle des médias par le gouvernement.
Ce qui a pour principale conséquence une campagne totalement inéquitable : les temps de parole étant très injustement répartis. Sur les deux dernières semaines de mai 2018, la télévision nationale aurait consacré au total près de 68 heures de parole au candidat Erdoğan, contre près de 7 heures pour celui du Parti républicain du peuple, 12 minutes pour celle du Bon parti, 8 minutes pour parti de la félicité, 23 minutes pour le parti de l’action libre et 2 minutes pour le parti de la Patrie.
Force est de constater que seul un candidat reste visible et atteint les foyers grâce aux chaines publiques : le président sortant.
Aussi, dans un contexte de post-putsch-raté, de purges et de délation, les citoyens peuvent se retrouver subitement accusés d’appartenance à la confrérie Gülen ou de complicité avec des organisations terroristes telles que le PKK, attisant la haine et la diabolisation de tout opposant ou adversaire, donnant lieu à des injures et des menaces…
Sur le terrain, c’est encore un autre combat pour les candidats ou leurs partisans : entre les agressions physiques des militants du parti de la félicité (SD) à Ankara, par des sympathisants du parti d’action nationaliste (MHP) ou les routes barrées par la municipalité, à Gaziantep le 2 juin dernier, par des camions poubelles, au motif d’une procédure de sécurisation des boulevards principaux, empêchant ainsi la candidate Meral Akşener de se rendre à son meeting à Osmaniye, ou encore, des militants du Bon parti (IYI) qui assistent au démontage forcé de leur stand, pourtant régulièrement autorisé, par des employés municipaux dans la région de Manisa, au motif d’une « construction architecturale illégale » et ce, en violation de la règlementation en vigueur… Pendant que le président Erdoğan lutte contre des prompteurs non coopératifs lors de ses meetings, les candidats de l’opposition mènent une campagne bien agitée, parfois violente, et semée d’embuches à chacune de leurs étapes.
Le climat actuel laisse en effet craindre que les conditions ne soient pas réunies pour assurer un scrutin libre et impartial. Le Conseil de l’Europe a d’ailleurs condamné par avance les conditions dans lesquelles vont avoir lieu les deux élections : d’une part, les mesures disproportionnées prises sous couvert de l’état d’urgence, notamment les « restrictions inacceptables des libertés fondamentales, et en particulier des libertés d’expression, des médias et de réunion » ; d’autre part l’adoption d’une nouvelle loi électorale à 3 mois du scrutin, mais aussi « l’effet dissuasif sur les électeurs » qu’introduit la nouvelle loi avec la présence des forces de police dans les bureaux de vote, ou la validation des bulletins de vote non scellés…
Jugeant ces scrutins « non démocratiques » du fait d’un contexte défavorable, la Commission chargée de veiller au respect des procédures démocratiques et des droits de l’homme par les Etats membres (APCE) confirme que les résultats ne pourront pas être considérés comme légitimes.
Depuis la tentative de coup d’état en juillet 2016, l’état d’urgence n’a pas été levé. Cette mesure permet de gouverner par décrets gouvernementaux ayant force de loi. Tout comme le prévoit la réforme constitutionnelle qui doit prendre effet dés l’issue de ce scrutin. Autrement dit, la nouvelle constitution est déjà mise en application depuis juillet 2016, soit avant même les élections qui devaient l’entériner et avant même le référendum qui l’approuve ou bien la rejette.
Les bulletins de vote non scellés avaient été comptabilisés pendant le dépouillement même des votes du référendum en violation de la loi et ce, par le Président du Haut Conseil électoral lui-même, devant des millions de témoins [1].
Les plaintes alors déposées ont simplement été rejetées, illustrant ainsi parfaitement le problème d’indépendance des structures judiciaires et du Haut-conseil électoral.
La légalisation de ce qui était légalement qualifié de fraude n’est intervenue qu’un an plus tard, avec la nouvelle loi électorale du 16 mars 2018.
Il s’agit donc bien de changer de régime à travers ce scrutin : actuellement la Turquie penche déjà dangereusement, soit Recep Tayyip Erdoğan remporte ces élections et la Turquie bascule définitivement vers ce régime présidentiel et le Chef d’état pourra alors avoir entre les mains une concentration de pouvoirs afin de prendre toutes décisions sous couvert de renforcer le pays dans un « état d’urgence » permanent, soit on vote pour un possible rétablissement du régime parlementaire et la Turquie revient à ses fondamentaux tels que Mustafa Kemal Atatürk les avait posés : un Etat de droit.
Déroulement
Afin de permettre à tous les citoyens turcs d’y participer, les bureaux de votes auprès des consulats sont ouverts dès ce matin dans 60 pays, et dans les aéroports internationaux et postes de douane sur tout le territoire turc du 7 au 24 juin.
Les Turcs vivant à l’étranger devront donc se rendre au consulat dont ils dépendent [2], ceux en vacances en Turquie pourront se rendre au poste de douane le plus proche [3].
En revanche, si la nouvelle loi électorale permet, en Turquie, de voter dans un autre bureau de vote que celui où le citoyen est inscrit, cela n’est pas possible à l’étranger. Ainsi, un Turc en déplacement hors du pays où il est inscrit sur la liste d’électeurs ne pourra pas voter dans les bureaux de vote consulaires du pays où il se trouve et devra donc rentrer chez lui pour accomplir son devoir civique.
Les résultats du 1er tour ne seront publiés définitivement que le 29 juin. Le président sera élu au suffrage universel direct. Le candidat obtenant un score de 50% +1 voix, remporte la présidentielle au premier tour.
Si à l’issue de ce premier tour aucun des candidats à la présidence n’est élu, un second tour sera organisé à l’étranger, du 30 juin au 04 juillet 2018, dans les mêmes conditions. Le second scrutin étant fixé au 8 juillet en Turquie, le résultat définitif sera communiqué par le Haut conseil électoral le 12 juillet.
Il n’y aura pas de second tour pour l’élection législative qui se tient en même temps que la présidentielle. Les députés seront élus au premier tour, sur une liste par circonscription.