Réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU après la mort de soldats turcs en Syrie

Réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU après la mort de soldats turcs en Syrie
Les diplomaties occidentales s’inquiètent des conséquences de l’escalade militaire entre la Turquie et le régime de Damas, allié à la Russie. Jeudi, 33 militaires turcs ont été tués dans la région d’Idlib.
Avec : Le Monde
Le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU) s’est réuni vendredi 28 février à l’appel de nombreux pays occidentaux, inquiets des conséquences diplomatiques de la brutale escalade dans le conflit syrien avec la mort, jeudi, de 33 soldats turcs au cours d’attaques aériennes menées par le régime de Damas soutenue par la Russie dans la région d’Idlib.
Les Turcs ont d’ailleurs riposté, tuant 45 combattants syriens, selon l’Observatoire syrien des droits de l’Homme (OSDH). Dix combattants du Hezbollah libanais qui luttent, selon l’OSDH, aux côtés des forces du régime syrien, ont été tués par des frappes turques près de Saraqeb. Par ailleurs, sept civils sont morts dans des frappes attribuées à l’aviation russe.
La Russie est « prête à oeuvrer à une désescalade avec tous ceux qui le souhaitent », a déclaré vendredi l’ambassadeur russe à l’ONU, Vassily Nebenzia, lors d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité. Il a réaffirmé que Moscou « n’avait pas participé aux attaques » de jeudi.
Inquiétudes de l’OTAN et de l’UE
Dans un échange par téléphone vendredi, les présidents américain et turc, Donald Trump et Recep Tayyip Erdogan, ont appelé la Syrie et la Russie à « stopper » leur offensive militaire dans la région d’Idlib.
Comme la Maison Blanche, l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et les diplomaties européennes ont réaffirmé leur soutien à l’allié turc. Vendredi, le Royaume-Uni a condamné « la brutalité » de Damas et de la Russie, alliée du régime. La France a exprimé sa « solidarité » avec Ankara, par la voie de son chef de la diplomatie, Jean-Yves Le Drian, qui s’est entretenu avec son homologue truc.
De son côté, l’Union européenne s’est dite inquiète d’un « risque de confrontation militaire internationale majeure » en Syrie et « envisagera toutes les mesures nécessaires pour protéger ses intérêts en matière de sécurité », a annoncé vendredi le chef de sa diplomatie, Josep Borrell.
Coup de fil entre Poutine et Erdogan
L’OTAN a condamné « les frappes aveugles du régime syrien et de son allié russe ». Le secrétaire général de l’Alliance atlantique, Jens Stoltenberg, s’est entretenu avec le chef de la diplomatie turque, Mevlüt Cavusoglu. Il a appelé Damas et Moscou à « cesser leur offensive », et « exhorté toutes les parties à une désescalade de cette situation dangereuse et à éviter que ne s’aggrave davantage la situation humanitaire épouvantable dans la région ».
Une réunion d’urgence des ambassadeurs des 29 pays membres de l’OTAN doit se tenir vendredi, à la demande de la Turquie, membre de l’alliance, en vertu de l’article 4 du traité. Cet article peut être invoqué par un allié qui « estime que son intégrité territoriale, son indépendance politique ou sa sécurité est menacée », selon un communiqué de l’OTAN.
A la mi-journée, le président russe, Vladimir Poutine, et son homologue turc, Recep Tayyip Erdogan, ont discuté par téléphone. Ce coup de fil a eu lieu à l’initiative d’Ankara, a précisé le chef de la diplomatie russe, qui a présenté ses condoléances à la Turquie, assurant vouloir éviter que de « telles tragédies » ne se reproduisent et que Moscou faisait « tout pour assurer la sécurité des soldats turcs » déployés en Syrie.
« L’attaque a continué en dépit de nos avertissements »
Ankara exhorte la communauté internationale à prendre des mesures pour empêcher les avions du régime syrien et de son allié russe de mener des frappes dans le nord-ouest de la Syrie. « La communauté internationale doit prendre des mesures pour protéger les civils et mettre en place une zone d’exclusion aérienne », a déclaré vendredi le directeur de la communication de la présidence turque, Fahrettin Altun.
Par ailleurs, la présidence turque a annoncé que l’armée avait bombardé dans la nuit de jeudi à vendredi des positions du régime de Bachar Al-Assad, en représailles à la mort des soldats. « Toutes les positions connues du régime [syrien] ont été prises sous le feu de nos unités terrestres et aériennes », a affirmé Fahrettin Altun. Selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), 16 combattants du régime syrien ont été tués dans cette riposte.
Assurant que la Turquie n’avait pas communiqué la présence de ses troupes dans la zone concernée et qu’elles « n’auraient pas dû s’y trouver », le ministère de la défense russe a en outre affirmé que les forces aériennes n’avaient « pas été utilisées dans cette zone ». Une affirmation que conteste Ankara : « J’aimerais souligner qu’aucun élément armé ne se trouvait au côté de nos unités au moment de cette attaque », a déclaré le ministre de la défense turc, Hulusi Akar. « L’attaque a eu lieu alors même que les coordonnées de nos unités avaient été communiquées aux responsables russes présents sur le terrain », a poursuivi M. Akar. Et d’affirmer :
« L’attaque a continué en dépit de nos avertissements après la première frappe. Lors des bombardements aériens, des ambulances ont elles aussi été touchées. »
Fossé entre Ankara et Moscou
Un nouveau round de pourparlers entre Russes et Turcs visant à trouver une issue à la crise d’Idlib s’était achevé jeudi à Ankara sans annonce d’un résultat concluant. Les lourdes pertes essuyées par Ankara jeudi surviennent après des semaines d’escalade à Idlib entre les forces turques et celles du régime de Bachar Al-Assad, qui se sont affrontées à plusieurs reprises.
Ces bombardements meurtriers, qui portent à 53 le nombre de militaires turcs tués à Idlib en février, risquent en outre de creuser un fossé entre Ankara et Moscou, principal soutien du régime syrien. Quelques heures après la mort des 33 soldats turcs, la Russie a annoncé l’envoi en mer Méditerranée de deux frégates par le détroit du Bosphore.
Avec le soutien de l’aviation russe, Damas a déclenché en décembre 2019 une offensive pour reprendre Idlib, dernier bastion rebelle et djihadiste de Syrie. Ces dernières semaines, le régime et son allié russe ont repris plusieurs localités dans cette province frontalière de la Turquie.
Cependant, les groupes rebelles, dont certains sont appuyés par Ankara, ont contre-attaqué et repris jeudi la ville stratégique de Saraqeb, selon l’OSDH. Ils coupent ainsi de nouveau l’autoroute M5 reliant la capitale, Damas, à la métropole d’Alep (Nord).