Parole d’une déracinée azerbaïdjanaise du Haut-Karabagh
Parole d’une déracinée azerbaïdjanaise du Haut-Karabagh
article original : https://blogs.mediapart.fr/francis-belvier/blog/171120/parole-dune-deracinee-azerbaidjanaise-du-haut-karabagh
17 NOV. 2020 PAR FRANCIS BELVIER BLOG : LE BLOG DE FRANCIS BELVIER
700 000 azerbaïdjanais ont été chassés de leur terre et de leur maison entre 1990 et 1993, dans le conflit du Haut-Karabagh. Leur voix est très peu entendue dans les médias français. Tarana Allahverdieva chanteuse française d’origine azerbaïdjanaise nous a accordé une entrevue, elle est aussi une victime de ce conflit, dont l’issue a changé récemment.
Dans votre spectacle l’Esprit d’Azerbaïdjan vous évoquez le Haut-Karabagh et votre itinéraire de façon très pudique, pourquoi ce choix ?
J’ai créé ce spectacle en 2015, pour faire connaître l’Azerbaïdjan dans sa diversité, ethnique, religieuse mais aussi géographique. L’Azerbaïdjan à ce moment-là était complétement inconnu, les quelques articles évoquant le pays étaient très diabolisants et ne reflétaient pas mon Azerbaïdjan. Si j’évoque mon propre parcours, il n’est que moyen pour atteindre cet objectif.
Ma propre histoire est très dure, je ne souhaitais pas heurter frontalement le public, mais en évoquant ma grand-mère originaire de Latchine ou ma propre famille de Choucha je recherche à faire réfléchir le public à l’inciter à communiquer avec moi après le spectacle et à faire leur propre recherche sur le sujet.
C’était aussi une blessure profonde, intime et il est difficile de montrer ses blessures quand celles-ci ne sont pas guéries, aujourd’hui avec la nouvelle donne c’est différent et je vais adapter cela pour mon prochain spectacle.
Comment c’est passée votre enfance à Choucha ?
J’étais scolarisée dans une école russe mais à la maison on parlait azéri et un peu français car ma mère l’enseignait. J’étudiais également la musique au conservatoire de Choucha.
J’ai eu une belle enfance, j’étais une enfant heureuse, aimée, gâtée, c’était des années d’insouciance, de magie, je me souviens des plaines sans limite, du chant des rossignols...
A partir de 1988, j’ai compris qu’il y avait des problèmes, mon souvenir c’est le kidnapping de bergers azerbaïdjanais et c’est également les souvenirs de pierres lancées sur notre voiture quand nous allions de Choucha où nous vivions à Latchine où vivaient mes grands-parents.
Ensuite à partir des années 90, l’enfer s’est installé dans notre quotidien avec son apogée entre 1991 et 1992. J’avais 11 ans et j’ai vécu un an de bombardements et de nuits dans les sous-sols de l’immeuble où nous vivions avec mes parents et mes deux frères ainés. Début 1992 mes parents m’ont envoyé à Bakou et eux sont restés à Choucha.
Je tremblais chaque jour en regardant les informations télévisées d’apprendre un drame, à cette époque nous n’avions aucune autre moyen de communication. Le reste de mon enfance et adolescence je l’ai vécu à Bakou, déplacée de force de ma région natale. Pour faire comprendre à vos lecteurs c’est comme si du jour au lendemain vous quittez La Haute Savoie pour les faubourgs de Paris.
pour lire l’article ; https://blogs.mediapart.fr/francis-belvier/blog/171120/parole-dune-deracinee-azerbaidjanaise-du-haut-karabagh