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dimanche 24 septembre 2023

Musée de l’Uniforme, mémoire d’un passé entre la FRANCE et la TURQUIE

Publié le | par Sophie C. | Nombre de visite 2338
Musée de l'Uniforme, mémoire d'un passé entre la FRANCE et la TURQUIE

Je m’appelle Ludovic, je suis français, d’origine Corse.

Avec ma femme, à nous deux, nous avons réunis patience, tolérance, amour de la culture ottomane, de l’histoire au fil des voyages et de l’aventure et ainsi nous avons eu le projet ambitieux de créer un Musée.

Depuis deux ans maintenant le Musée de l’Uniforme de Livinhac le haut est ouvert au public.

Musée de l’Uniforme ?

Le titre est un peu maladroit je le réalise chaque jour. Loin d’être un musée militaire classique, ou un musée faisant l’apologie d’une institution ou des guerres, il s’agit plutôt avant tout d’un musée de l’aventure humaine.

Musée de l’Homme, qui à un moment de sa vie a porté volontairement ou involontairement entre 1830 et 1962 un uniforme.

Chaque uniforme , chaque objet aussi insignifiant soit-il , exposé dans notre musée nécessite des heures voir des semaines de recherches et d’archivages afin de tout connaître de la vie de l’histoire de l’âme qui à pu habiter l’homme (ou la femme) qui un jour à utilisé ce témoignage du passé, et qui , par chaque tranche de vie, chaque petites histoires personnelles mises bout à bout, reconstitue l’Histoire .

Vitrines, mannequins , mais aussi autant que possible dioramas « vivants » (scénettes reconstituées grandeur natures) sont présentés au public sur 200 m2 environ ; prés de 70 mannequins et bustes une douzaine de vitrines, 4 grandes scènes reconstituées.

Rien n’est anonyme dans ce Musée, chaque pièce historique ou humble apporte une pièce au grand puzzle de la Mémoire.

Quelle mémoire ? Quelle histoire ? C’est une des autres particularités de ce Musée…Le fil conducteur de ce Musée est ce que l’on a appelé en France durant 130 ans : « L’armée d’Afrique », est qui est en fait le résultat de la rencontre un beau jour de deux armées face à face.

L’armée française et l’armée Ottomane.

L’une sera défaite, mais laissera chez l’autre des traces si importantes, que durant 130 ans elle inspirera une armée et la création de corps parmi les plus décorés de l’armée française.

A l’origine « l’armée d’Afrique » désigna le corps expéditionnaire français qui débarqua à Sidi Feruch en pleine régence d’Alger (colonie Ottomane) après que le Dey Hussein d’Alger, vassal de la « sublimissime porte » (sultan Ottoman) ait « giflé » de son éventail le consul de France suite à un affront verbal.

L’armée française et l’armée ottomane composée de tous ses janissaires et Sipahis s’affrontèrent alors et le Dey Hussein fut démis. Rapidement des troupes importantes ottomanes composées de soldats « mercenaires » furent alors « sans emploi ». En quelques années fut alors crées des unités qui durant 130 ans se multiplièrent jusqu’à créer plusieurs dizaines de régiments d’inspirations et de traditions Ottomanes et qui aujourd’hui encore malgré leur dissolution ont laissés ces traditions dans l’armée française.

Ainsi fut crée les tirailleurs appelés « Turcos » dans le langage populaire français.

Au départ ces Tirailleurs étaient en grande majorité des Kouloughlis, métis nés de l’union entre des janissaires turcs et des femmes du pays. Cette communauté constituait un corps militaire au sein de l’armée Ottomane (prés de 5000 soldats sous les ordres de Ibrahim Aga). Il furent à la défaite de la Régence d’Alger à l’origine du corps des Tirailleurs Indigènes. On conserva la coupe de leur uniforme et on les habilla d’une tenue dite « à l’orientale » ou « a la turque » ce qui valut durant ces 130 ans , encore bien après un recrutement par la suite arabe, kabyle, français, ou français d’Afrique du Nord le surnom de « Turcos ». Ces tirailleurs indigènes prirent par la suite le nom de tirailleurs algériens , tunisiens , ou marocains selon le lieu de leur recrutement, mais jamais ils ne se séparèrent de ces traditions de cet uniforme Ottoman ni de ce surnom « Turcos » qui se couvrit de gloire sur tous les champs de bataille que la France compta alors.

De même on créa le corps des Zouaves. Le terme zouave vient du berbère zwava, ou zouaoua qui est le nom d’une tribu kabyle. Ceux-ci fournissaient des soldats aux Turcs sous la régence d’Alger et, après la prise d’Alger (1830), ils entrent au service de la France.

Leur uniforme eux aussi fut crée à « à l’orientale » ou « à la turque » mais d’une autre couleur pour les distinguer des Tirailleurs.

Un autre corps Mythique fut crée : Les Spahis

Spahi est un mot d’origine turque, dont la traduction est celle de « cavaliers ». À l’origine, les « sibahis » sont des cavaliers fournis par les tribus inféodées à l’Empire ottoman qui viennent renforcer les effectifs de Mamelouks lorsque l’ampleur des opérations le nécessite. Le dey d’Alger, destitué lors de l’arrivée des Français, dispose de « Sibahis », turcs en grande majorité. Se trouvant sans emploi, ils se rangent en 1830 sous la bannière de Yusuf qui se met au service de la France et en fait des troupes efficaces et redoutées, contribuant à la conquête de l’Algérie. Le mot, déformé par la prononciation française, devient Spahi. Ces cavaliers, commandés par le « colonel-agha » Marey et recrutés par « Youssouf » Vantini, sont d’abord appelés « chasseurs indigènes » puis « Mamelouks », avant de prendre le nom de « Spahis ».

L’uniforme de toutes ces unités ne changea pratiquement pas de 1840 à 1962, au moins pour ce qui est de la tenue de tradition adoptée pour les cérémonies et prises d’armes après 1915 (au départ il s’agissait d’une tenue de combat jusqu’en 1915 puis uniquement tenue de cérémonie).

De coupe « orientale » ou encore appelée « à la turque », il se compose pour les soldats indigènes d’une coiffe particulière dite « guennour » constituée d’une calotte rigide de forme arrondie, en gros feutre écru dedans et rouge dessus, recouverte d’un « haïck », grand chèche de coton blanc, fixé par une cordelette en poil de chameau, dite « kheït », d’une dizaine de mètres de long. Outre le « burnous » de drap garance, cette immense cape à capuchon dont la pièce de coeur est à la couleur du régiment, un second « burnous » de laine blanche est porté en dessous du premier. La « bedaïa », veste-boléro de forme arabe, en drap , parements de manches et tresses noires, est portée sur le « sédria », gilet arabe en drap à tresses noires. Le « tombô » de la veste, sorte de fausse poche dessinée par une arabesque de la tresse décorative, est à la couleur du régiment. Le pantalon arabe le « sarouel » est d’une forme très ample et sans séparation d’entre-jambe. Les français, comptant pour environ 20 % des effectifs, portent une coiffure différente, composée d’une « chéchia », calotte molle en feutre rouge terminée par un petit gland de soie frangé.

D’autres unités vinrent compléter cette armée d’Afrique : chasseurs d’Afrique, goumiers, remonte d’Afrique, tous portèrent un uniforme et des traditions à l’origine largement inspiré de l’armée ottomane.

LE « TOUG » :

Au cours de sa carrière , Youssouf, le « père des spahis », a pour monture un magnifique étalon blanc qu’il affectionne particulièrement. Lors d’un combat, l’animal est tué sous lui. Voulant garder un souvenir de ce cheval, Youssouf lui fait prélever la queue et la fait monter sur une lance qui devient son fanion de commandement : le « toug ». À partir de ce moment, une queue de cheval est ajoutée à tous les fanions de commandement des spahis. Au fil des ans, la plupart des unités de cavalerie française adopteront cette tradition qui subsiste aujourd’hui.

Le toug était déjà apparu en France depuis la campagne d’Égypte, l’étendard tricolore des Mameluks de Napoléon 1er étant escorté de quatre cavaliers porteurs de toug, d’où pendait une queue de cheval . Emprunté au nom de l’emblème de commandement des anciennes armées turques, le toug existait dans les armées ottomanes depuis plusieurs siècles sous la forme d’une demi-pique garnie d’une queue de cheval ou de yak, tradition qui trouve différentes origines dans les récits des guerres entre turcs et chrétiens avant le xvie siècle.

LE « CHAPEAU CHINOIS » de la légion étrangère et des régiments de tirailleurs

Le « chapeau chinois », pavillon de cuivre garni de clochettes, surmonté de la grenade à sept flammes ou du croissant , est d’origine turque. Progressivement abandonné au cours du XIXe siècle par la plupart des musiques militaires, il a été conservé par la Légion qui l’a alors orné de queues de cheval. Sa présence trouve son origine dans une vieille coutume ottomane adoptée par les régiments d’Afrique : la queue du cheval tué sous le guerrier était un témoignage de courage. Exposée devant la tente du chef, elle devenait le symbole du commandement. A l’occasion du renouveau des traditions au sein des unités de l’armée de Terre, le chapeau chinois a récemment été remis en service dans la musique des spahis.

Au 1er régiment de tirailleurs un chapeau chinois complète la formation de la nouba (fanfare des tirailleurs). Le chapeau chinois ne serait apparu qu’après la Grande Guerre. Après 1920 tous les régiments ont un chapeau chinois, différent d’un corps à l’autre selon le goût du chef de corps. Cet instrument de cuivre est équipé de grelots et de queues de cheval.

Tous ces corps ont étés dissous sur ordres du général de Gaulle en 1962 . A ce jour ces traditions persistent encore au sein des derniers régiments :
1er régiment de tirailleur (à Épinal) ,
1er Régiment de spahis (Valence) ,
9ème Régiment de Zouves (Givet), au sein de le légion étrangère et des régiments de cavalerie (pour les tougs et « chapeaux chinois »).

Les traditions et la culture Ottomane fut si forte au sein de l’armée française, qu’elle fut même à l’origine d’un plat servi par ordre aux soldats français à partir de la guerre de crimée…..Dont l’ordre militaire précisait même exactement la recette….

Il est à noter que tous ces régiments furent parmi les plus glorieux de l’armée française :

Rappelons :

 que le premier drapeau français décoré de la Légion d’Honneur a été celui du 2ème Zouaves à Magenta, suivi en 1863 par ceux des 3ème Zouaves et 3ème Tirailleurs et en 1902 du 3ème Zouaves.
 que sur 34 drapeaux d’Infanterie portant le ruban rouge, 15 sont de « l’Armée d’Afrique ».
- que seul de tous, dans la cavalerie française, l’étendard du 1er Chasseurs d’Afrique eut cet honneur en 1863.
 que sur 18 régiments en France qui ont droit à la fourragère rouge, 10 sont de « l’Armée d’Afrique ».

On dénombre également :
 6 régiments décorés de la croix de la Libération
 3 régiments d’Infanterie cités plus de 10 fois de 1914 à 1945 :
 Le 3ème Régiment Etranger d’Infanterie ;
 le 7ème Régiment de Tirailleurs
 le 4eme Régiment de Tirailleurs

Il faut aussi signaler, pour la guerre de 1939-1945, que sur 36 régiments d’Infanterie titulaires de la fourragère rouge (légion d’honneur) , jaune ou verte (Médaille Militaire et Croix de Guerre), 21 sont des régiments de cette « Armée d’Afrique » dont 11 de Tirailleurs qui ont été de toutes les opérations de 1942 à 1945 et que sur les 19 régiments de l’Arme Blindée et Cavalerie ayant ces fourragères, 10 sont de cette « cavalerie d’Afrique » issue de la cavalerie ottomane….

[**J’espère que ce musée pourra permettre de faire tomber de nombreux préjugés sur de nombreux aspects parmi tous les visiteurs.

Puisse t-il permettre de rapprocher ces deux grands pays la France et la Turquie qui ont par leurs armées et leur histoire fusionné à ce point leurs traditions.*].

[**Je dédie ce musée à mon trisaïeul , Félix Tonnelier, qui en 1830 débarqua à Sidi Feruch avec le corps expéditionnaire français pour combattre l’armée ottomane, qui fut 5 ans prisonnier dans cette affaire, par les turcs. Emprunt de leur culture pendant ces nombreuses années, fervent « orientaliste » fut relâché suite à un échange de prisonnier, et qui durant la guerre de Crimée combattit auprès de ses anciens « ennemis » devenus pour la circonstance ses frères d’armes….*]

Ludo