ATATÜRK par Ayten AKGÜRBÜZ

par Christopher Torchia

Quand le président américain Barack Obama a visité Sainte-Sophie à Istanbul l’année dernière, il s’est arrêté pour caresser l’un des nombreux chats installés à demeure dans l’église-mosquée byzantine, déclenchant le sourire de son compagnon de visite, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Le chat, lui, ne s’est pas laissé impressionner par l’attention du visiteur de marque, sachant bien qui était le maître des lieux...


Regard sur

Les chats, seigneurs efflanqués des rues d’Istanbul

Publié le | par Hakan | Nombre de visite 2019

Car les chats sont chez eux à Istanbul. Chats errants des rues, ils déambulent en habitués dans plusieurs des somptueuses mosquées de l’ancienne capitale ottomane, gèrent une ou deux universités, font la loi dans plusieurs musées... Ils sont approvisionnés en eau et en vivres par nombre de mains inconnues qui déposent leurs offrandes sur les trottoirs et dans les recoins.

Seigneur occulte de la ville, le chat stambouliote accède ce mois-ci à la gloire officielle : les championnats du monde de basket, qui débutent samedi, se sont choisis pour mascotte un certain "Bascat", chat blanc aux yeux vairons, l’un bleu, l’autre vert, comme cette étrange race féline originaire de Van, dans l’est de la Turquie.

Sevgin Akis Roney, professeur d’économie à l’Université du Bosphore, explique que la réputation de l’établissement est si bien établie que les gens y amènent les chats dont ils ne veulent pas, sachant qu’ils y seront bien traités. Dans cette université perchée sur une colline surplombant le Bosphore, matous et minets rôdent en toute tranquillité dans les classes. "Nous devrions apprendre à vivre avec ces animaux", note le professeur, qui ne se déplace pas sans ses croquettes pour chat affamé.

La Turquie a adopté en 2004 une loi sur la protection des animaux, la politique officielle étant d’attraper, stériliser et relâcher ou faire adopter les animaux errants. Ce qui n’empêche pas les rumeurs de campagnes d’empoisonnements menées par certaines municipalités, en général visant les chiens.

Il fut un temps où Istanbul faisait la chasse aux chiens errants, accusés de tous les maux, considérés comme sales dans la tradition musulmane. En 1910, une rafle géante fut organisée par les autorités stambouliotes : des dizaines de milliers de chiens errants furent ramassés dans les rues et emmenés sur une île de la mer de Marmara, où on les laissa mourir de faim.

Dans la deuxième moitié du XXe siècle, Istanbul connut une explosion démographique, des millions de personnes affluant des campagnes, pour s’entasser dans des habitations illégales et bon marché qui poussaient comme des champignons, les "gecekondu".

La croissance exponentielle et chaotique de la ville rendit Istanbul moins accueillante aux chats errants, mais des poches de tranquillité demeurent, où se perpétue la tradition de prendre soin des chats -une option qui a la faveur des Turcs, car elle permet d’éviter les inconvénients d’un animal à demeure.

Les chats, eux, tirent profit de leur association avec l’Islam en Turquie. Comme le dit un diction populaire : "Si vous avez tué un chat, il vous faut construire une mosquée pour être pardonné par Dieu".

Le foklore de l’Islam raconte l’histoire de ce chat qui attaqua un serpent venimeux en train de s’approcher du prophète Mahomet. Dans un autre conte, le Prophète trouvait son chat endormi sur sa veste. Plutôt que de déranger le chat, il découpa la portion de la veste sur laquelle il dormait pour l’enfiler sans le réveiller...

"Les chats sont des anarchistes fainéants", s’amuse Ozgur Kantemir, qui a huit chats et vit à Ankara, la capitale du pays. "C’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles ils s’adaptent si bien à nous dans les grandes villes".

Les chats ne sont pas toujours les bienvenus. Leurs cris, bagarres et amours perturbent le sommeil de nombre de Stambouliotes. "Si vous laissez la fenêtre ouverte, vous pouvez rentrer chez vous pour tomber sur un chat qui vous regarde, l’air de vous dire : ’qu’est-ce que tu fais là ?’", plaisante Allen Collinsworth, consultant américain.

Cette pléthore de chats stambouliotes avait déjà impressionné Sir Evelyn Wrench, rédacteur en chef du magazine britannique "The Spectator" : "Dans chaque ruelle, vous rencontrez les chats, des vieux chats émaciés, des chats borgnes, des chatons trébuchant d’un pas incertain, des chats avec des maladies de peau, des chats se grattant sans arrêt, des chats morts écrasés sur la route", écrivait-il en 1935.

Source AP


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