Lectures du mois par Silya
Turquie News donne la parole à ses lecteurs, nous partageons les " lectures du mois" de Silya
Bonjour les "ami(e)s" du net,
Ci-dessous quelques extraits de mes deux livres de ce mois-ci qui m’ont quelque part interpelés.
Bonne lecture !
Silya
https://www.facebook.com/silya.sahinoz
Extraits du livre "la domination masculine" de Pierre Bourdieu.
Les hommes (et les femmes elles-mêmes) ne peuvent qu’ignorer que c’est dans la logique du rapport de domination qui parvient à imposer et à inculquer aux femmes, au même titre que les vertus que la morale leur enjoint, toutes les propriétés négatives que la vision dominante impute à leur nature, comme la ruse ou, pour prendre un trait plus favorable, l’intuition…
On notera en passant que, si, se situant dans une perspective psychanalytique, Mary O’Brien n’a pas tort de voir dans le domination masculine le produit de l’effort des hommes pour surmonter leur disposition des moyens de reproduction de l’espèce et pour restaurer la primauté de la paternité en dissimulant le travail réel des femmes dans l’enfantement, elle omet de rapporter ce travail « idéologique » à ses véritables fondements, c’est-à-dire aux contraintes de l’économie des biens symboliques qui imposent la subordination de la reproduction biologique aux nécessités de la reproduction du capital symbolique.
La virilité, on le voit, est une notion éminemment relationnelle, construite devant et pour les autres hommes et contre la féminité, dans une sorte de peur du féminin, et d’abord en soi-même.
La virilité est à la fois un privilège et un piège.
Être féminine, c’est essentiellement éviter toutes les propriétés et les pratiques qui peuvent fonctionner comme des signes de virilité, et dire d’une femme de pouvoir qu’elle est « très féminine » n’est qu’une manière particulièrement subtile de leur dénier le droit à cet attribut proprement masculin qu’est le pouvoir.
Extraits du livre "les couilles sur la table." Victoire Tuaillon
Pour qu’il n’y ait aucune ambiguïté, à propos du cliché tenace qui veut que les féministes détestent les hommes, il me faut préciser : je ne considère pas que les hommes sont les ennemis des femmes. C’est justement parce que j’aime les hommes, que je crois en la possibilité de vivre des relations égalitaires, que je suis féministe. Ce n’est pas une guerre entre les femmes et les hommes, au contraire : en luttant contre le sexisme, le féminisme est peut-être notre seul espoir de rendre la vie ensemble vivable. Sans que personne ne domine l’autre…
Il n’y a pas de crise de la masculinité. Ce qui existe en revanche, ce sont des discours sur la crise de la masculinité : les hommes vont mal, la virilité se perd, les sociétés occidentales seraient hyper féminisées, les hommes ne sauraient plus comment être des « vrais hommes », ils seraient paumés et souffriraient beaucoup à cause des femmes, et à cause du féminisme, qui les briment, les oppriment, les castrent, les femmes auraient déjà tous les droits, l’égalité serait « déjà là », elles chercheraient à installer un matriarcat…
La plus grande association de psychologues aux Etats-Unis publiait ainsi l’an passé un rapport sans ambiguïté : la masculinité traditionnelle nuit à la santé mentale et physique des hommes. Si ses coûts sont difficilement mesurables, il faut les avoir en tête : peut-on vraiment mener une vie heureuse et épanouissante quand on est ainsi contraint, limité dans son développement psychologique, relationnel et émotionnel, quand on est dissuadé d’exprimer certaines émotions ou certains besoins ?
Un grand nombre de faits sociaux peuvent aussi être analysés en termes de coûts de la domination masculine pour les hommes Je vais en citer deux : l’alcoolisme et les accidents de la route ».
Une expression d’autorité chez un homme, qui paraîtra normale et souhaitable (c’est un vrai chef) sera critiquée chez une femme (c’est une connasse agressive) ; l’homme sera qualifié d’« ambitieux », le femme d’« arriviste » ; lui de s’« sérieux », elle d’« ennuyeuse »…
Et je me demande même, puisque la masculinité est une construction qui re (produit le privilège, l’exploitation et la violence, si l’esquive ultime ne serait pas celle à laquelle nous invite, de façon provocante, le militant John Stoltenberg : refuser d’être un homme. Pour enfin inventer autre chose, d’autres manières plus heureuses et plus justes d’habiter le monde, de vivre, et d’être en relation le un.es avec les autres. Car je suis convaincue : quel que soit notre genre, nous pouvons ensemble être des camarades de lutte contre tous les ordres de domination. Nombreux aujourd’hui sont les hommes, célèbres ou inconnus, qui par leurs actes, leurs pratiques, la façon dont ils mènent leurs vies, cherchent à devenir des alliés, des camarades, des modèles. Cela me réjouit.
Et mon souhait le plus cher est qu’ils soient de plus en plus nombreux.