PARIS — Ils ont entre 20 et 25 ans : Français d’origine arménienne, leur génération n’a pas connu les survivants des massacres de 1915-1917, et pourtant ils adhèrent à la mémoire familiale avec parfois une posture plus militante que leurs parents pour réclamer la reconnaissance du "génocide".

Sur la place de la République, à Paris, Thade Gharapetian assiste à la veillée organisée vendredi par plusieurs associations de jeunesse arménienne. Lorsqu’il était étudiant, cet ingénieur de 24 ans a milité au sein d’une de ces organisations, comme de nombreux jeunes de son âge, pour que le "génocide" arménien soit reconnu.

"Notre génération a grandi avec le sentiment qu’il y avait là une chose à défendre. On a vraiment l’impression d’avoir une histoire commune", explique-t-il à un journaliste de l’AFP. De fait, dans chaque famille, les mémoires regorgent de souvenirs douloureux et d’anecdotes transmis de génération en génération.

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Pour Aris, "il n’y a plus aucun tabou" aujourd’hui à parler en famille de cette sombre page d’histoire, alors que, dit-il, les générations précédentes "n’en parlaient pas".

Son arrière-grand-père, débarqué à Marseille, dans le quartier du Merlan, avant d’y exercer la profession de cordonnier, n’avait qu’une obsession : "que ses enfants réussissent", explique Aris, dont le grand-père était directeur de banque. La mère d’Aris sera médecin. Le jeune homme, lui, est actuellement étudiant en école de commerce à Nice.

Alors que ses aïeux semblaient vouloir enfouir les souffrances endurées ainsi qu’une partie de leur identité pour mieux s’intégrer en France, Aris affirme que le besoin de reconnaissance du "génocide" s’est renforcé au sein des jeunes générations.

Hélène Boghossian, 25 ans, reconnaît pourtant ne suivre "que d’assez loin" le débat sur la reconnaissance du "génocide". "Chez nous, on a adopté un point de vue plus historique qu’émotionnel pour en parler", explique Hélène, journaliste à Paris.

Elle raconte que sa mère "a longtemps habité avec ses deux tantes, qui n’arrêtaient pas de ressasser et parlaient sans cesse de +choses horribles+ et de +grand malheur+. Mais elle savait finalement peu de choses avant de se replonger là-dedans il y a une dizaine d’années".

Lorsque sa maman s’est mise à rechercher des photos, des témoignages, et à construire son arbre généalogique, Hélène s’intéresse elle aussi peu à peu à cette reconstitution de la mémoire.

Mais contrairement à de nombreux jeunes d’origine arménienne, elle dit se sentir "assez distante de la communauté", et "beaucoup moins radicale que certains", se considérant volontiers comme une "exception".

Ce relatif détachement ne lui fait pas pour autant oublier ses origines et son identité : "Je me sens appartenir à un peuple", dit-elle. "La culture reste, à travers la cuisine ou les jeux comme le backgammon. Mais pour moi, c’est quelque-chose de plus personnel, de plus intime."