Par Özcan Türk
La complicité entre Turcs et Coréens date des Göktürks (Les Turcs célestes) alliés du royaume coréen de Koguryo contre l’ennemi commun, les Chinois.
La Turquie revigore cette alliance historique en dépêchant pas moins de 5455 militaires -dont mon grand-père- dans la péninsule coréenne pour aider les Sud-Coréens lors de la Guerre de Corée (1950-1953). D’ailleurs, les Turcs interviennent notamment aux côtés des Français et des Belges et guerroient contre les alliés de la Corée du Nord : les Chinois et les Soviétiques.
C’est la première intervention armée turque à l’étranger depuis la Première Guerre mondiale. La brigade turque, commandée par le général Tahsin Yazıcı, brille par ses faits d’armes et parvient même à sauver les Américains à la bataille de Wawon (Kunuri Muharebeleri) en novembre 1950 en empêchant l’effondrement du flanc droit de la 8e armée suite aux contre-attaques chinoises. Malheureusement, 830 soldats turcs y laisseront la vie. Mon grand-père nous reviendra sain et sauf.
Vu la grande quantité d’enfants coréens orphelins, l’armée turque fonde, à Suwon, un orphelinat et une école primaire « Ankara okulu » pour les accueillir. L’ensemble de leurs frais : hébergement, nourriture mais aussi d’éducation en Turc, Coréen et Anglais est pris en charge par les militaires turcs. Plus de 640 enfants coréens seront accueillis dans cette école jusque dans les années 70.
Tous chantaient à tue-tête la « Marche d’Ankara » :
« Ankara, Ankara güzel Ankara,
Seni görmek ister her bahtı kara.
Senden yardım umar her düşen dara
Yetersin onlara güzel Ankara. »
En 2013, on avait recensé environ 20 Coréens, issus de cette école turque, qui étaient encore en vie.
Actuellement, le film turc nommé « AYLA » est à l’affiche dans certaines salles de cinéma en France. Je l’ai visionné hier. Ce film, tiré d’une histoire vraie, conte l’histoire d’un amour fusionnel entre un père (soldat turc) et sa fille adoptive (une Coréenne orpheline) qu’il a sauvée suite au massacre de sa famille en pleine guerre de Corée.
Les interprétations sont remarquables, tant de la petite fille coréenne que du personnage principal İsmail Hacıoğlu. Ce film exacerbe les émotions et fait couler des larmes.
Toutefois, les scènes de guerre, surtout l’affrontement au corps-à-corps entre 2 soldats turcs et un nombreux groupe de Coréens du nord le visage enturbanné, sont loupées ! C’est dommage, car le film mérite incontestablement d’être visionné, mais je crains qu’il ne puisse remporter l’Oscar pour lequel il concoure.
On notera aussi, à travers les images de ce film, l’esprit de la jeune République turque moderne et la qualité qui se dégagent de la Turquie des années 50, tant dans les bâtiments, les infrastructures que le style vestimentaire des individus où dominent l’élégance et la culture.
La Corée du Sud a érigé en 1973, sur un grand sommet, un mémorial dédié aux Turcs ayant combattu en Corée (Türk Zafer Anıtı). Le monument est représenté en illustration de la présente publication.
Lors de la Coupe du monde de football de 2002, dans le match pour la troisième place, c’est avec enchantement que l’on a pu admirer les joueurs des deux équipes venus longuement saluer le public, ensemble main dans la main, au terme de la rencontre remportée 3-2 par la Turquie. Les supporteurs coréens brandissaient le drapeau turc avec euphorie.
Bref, hommage à tous les soldats étrangers qui se sont battus, sous l’égide des Nations Unies, en Corée et notamment aux 5455 Turcs, aux 3421 Français et aux 3171 Belges.
Source : Page Facebook de Özcan Türk