Haut-Karabagh - Quand l’espace médiatique français « choisit son camp »… Préjugé ou manipulation
Haut-Karabagh - Quand l’espace médiatique français « choisit son camp »… Préjugé ou manipulation ?
(par Annabsacha - 25 octobre 2020)
Alors que la situation semblait « figée » depuis le cessez-le-feu de 1994 et que les négociations sous l’égide du Groupe de Minsk qui, rappelons-le, est co-présidé par la France, la région du Haut-Karabagh est de nouveau théâtre de violents combats depuis quelques semaines.
Á l’instar d’autres conflits contemporains, celui-ci n’échappe pas à une médiatisation tous azimuts.
À grand renfort d’images, témoignages et autres documents sonores et visuels, force est de constater que la plupart des médias français rendent compte de la situation de manière orientée, notamment en faveur de l’Arménie, ouvrant ainsi la porte aux aberrations en tout genre.
Simple méprise ou manipulation artificieuse, il n’en reste pas moins que l’opinion se forge sur cet imbroglio d’informations plus ou moins réalistes et engagées…
Les grands titres sont éloquents, tout comme le sont les contenus.
C’est à grands coups de « terre peuplée (exclusivement/historiquement) d’Arméniens » qu’est qualifié le Haut-Karabagh, rythmant ainsi d’innombrables reportages et articles où la ville de Stepanakert (capitale de la « république autoproclamée d’Artsakh ») resterait la cible privilégiée des forces armées azerbaïdjanaises.
Vu sous cet angle, et faute d’informations complémentaires, on peut effectivement être amené à comprendre que les militaires azerbaïdjanais pilonnent sans relâche et en toute impunité Stepanakert, sans même se soucier des populations civiles…
Une approche quelque peu simpliste, mais qui reste efficace pour épouser la cause arménienne.
Néanmoins, plus difficile à avaler, dès lors que l’on prend le temps de fouiller un peu dans ce sac de nœuds.
Décryptage.
« Haut-Karabagh » (azerbaïdjanais) versus « république d’Artsakh » (arménien)…
Derrière ce qui semble être une simple question de dénomination en apparence, se cache en fait une réelle intention des Arméniens à s’arroger des terres au-delà des limites du Haut-Karabagh.
En effet, cette région, faisant géographiquement partie intégrante de la Transcaucasie (ou Sud-Caucase, comprenant l’Arménie, l’Azerbaïdjan et la Géorgie), est une frange montagneuse, bardée de hauts plateaux et creusée de profonds canyons, qui s’étend du Nord-ouest au Sud-est, le long de la frontière arménienne.
Toujours est-il que le Haut-Karabagh est ancré au sein même du territoire Azerbaïdjanais, tel que reconnu à l’effondrement de l’URSS alors que les deux anciennes républiques soviétiques (Arménie et Azerbaïdjan) déclarent leur indépendance.
Mais s’ensuivent près de quatre années de conflit armé (1991-1994) qui résultent en l’annexion du Haut-Karabagh, tout comme sept autres districts adjacents, par les forces armées arméniennes.
De ces districts, en leur temps majoritairement peuplés d’Azerbaïdjanais, ce sont des centaines de milliers d’individus qui sont contraints à l’exode ! Revendiqué, aujourd’hui plus que jamais, par l’Arménie comme étant la « république d’Artsakh », ce n’est donc pas seulement le sort du Haut-Karabagh dont il est question, mais également celui des territoires limitrophes occupés.
Car depuis près de trente ans, au mépris des quatre résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU de 1993 (résolutions 822, 853, 874 et 884), requérant, entre autres, le retrait immédiat et inconditionnel des forces armées arméniennes des territoires occupés (le Haut-Karabagh et les sept districts adjacents), l’Arménie et les dirigeants de la « république autoproclamée d’Artsakh » se jouent de la communauté internationale.
En omettant très largement cet état de fait, les médias français font la part belle aux Arméniens qui ne manquent pas de s’engouffrer dans la brèche, et ce, jusque dans l’hexagone ! La diaspora arménienne veille au grain…
Á la conquête de l’espace médiatique.
Empreinte d’une fièvre patriotique retentissante, la diaspora arménienne de France entre en résistance et vole au secours de sa mère patrie.
Des cohortes de « victimes autoproclamées » défilent dans les rues de nos métropoles, scandant des slogans tous plus alarmistes les uns que les autres, sur une situation dont l’Arménie (et par extension tous les Arméniens de la planète) serait victime.
L’organisation est bien ficelée. En présence de médias cordialement conviés, le décor est planté : déploiement de punchlines, logorrhée d’injures conspuant un « Azerbaïdjan à la botte de la Turquie » (comme si l’autorité azerbaïdjanaise avait fait allégeance à la Turquie !?!), gesticulation d’automates jetant l’opprobre sur l’ennemi de toujours… Des « témoignages » s’imposent en vérité factuelle qui doit se propager dans les esprits.
Et comme il est superflu de vérifier le bien-fondé de ces propos, au prétexte que l’Arménie serait victime de son bourreau, l’Azerbaïdjan, la formule fait mouche…
Les médias diffusent. Une méthode redoutablement efficace où le règne de l’émotion supplante celui de la raison. Une véritable escroquerie intellectuelle ! Et dans cette situation d’hystérie ambiante, qui oserait donc s’interroger sur la réalité des faits ?
Une stratégie du chaos bien orchestrée…
Abreuvés par ailleurs d’analyses « parasites » de certains politiques ou « experts » nos médias font « aveu de faiblesse » et participent in fine à la mise en scène du conflit.
Car dans un sacro-saint souci républicain de répondre aux inquiétudes de leurs concitoyens (le plus souvent d’origine arménienne, voire même de nationalité arménienne), il est de bon ton d’exposer ses considérations géopolitiques et stratégiques et ses opinions sur ce sujet « si simple » qu’est le conflit du Haut-Karabagh !
Les « gentils » Arméniens protègent leur terre ancestrale et leurs biens et les « méchants » Azerbaïdjanais viennent les attaquer… Interventions répétées et parachutées qui se substituent à l’information, aux faits.
Des dizaines de documents viennent étayer ces propos, des cartes re-dessinant les frontières (pourtant internationalement reconnues depuis des dizaines d’années), des photos « arrêt sur image » sorties de leur contexte, des témoignages poignants, parfois récit rapporté tenus d’un ami lui-même tenu de la cousine du frère de la grand-mère… ! Bref, une cacophonie qui fait diversion et trouve là également son utilité, en faveur de nos « amis arméniens ».
L’alibi, consistant à se cacher derrière l’autre actualité qui met en exergue l’incompatibilité des civilisations chrétienne et musulmane, semble bel et bien acté !
Dans un contexte où, plus que jamais, l’espace médiatique français pourrait se révéler comme une vaste plateforme démocratique de mise en lumière de crises majeures, à l’image du conflit qui oppose l’Arménie à l’Azerbaïdjan, nous assistons malheureusement à une guerre médiatique donnant un avantage substantiel à l’Arménie.
Aujourd’hui, ne serait-il pas judicieux de revoir notre copie et en revenir aux fondamentaux de l’information sans avoir recours à ce que l’on pourrait qualifier de censure ?