En Turquie, le comédien Müjdat Gezen risque la prison pour « insulte » à Erdogan

Déjà emprisonné à l’époque du putsch de 1980, l’acteur et poète aujourd’hui âgé de 77 ans risque de retourner derrière les barreaux pour avoir critiqué le président turc lors d’une émission télévisée.

La décision du tribunal est attendue lundi.

Avec ; Le Figaro

Connu pour son franc-parler et sa gaieté, malgré un mal de dos chronique, Müjdat Gezen pourrait être la dernière victime de la bataille lancée par le président turc Recep Tayyip Erdogan contre ceux qu’il appelle avec dérision les « soi-disant artistes ».

Après un demi-siècle de carrière, cet homme de théâtre, comédien et écrivain turc pensait avoir tout connu : de nombreux prix, une nomination comme ambassadeur de bonne volonté des Nations unies et même un court séjour dans les geôles turques en 1980. Mais à l’âge de 77 ans, sa vie risque de connaître encore un rebondissement : jugé pour avoir « insulté » le président turc, il risque un nouvel emprisonnement.

La décision du tribunal est attendue ce lundi.

Le comédien s’est retrouvé devant un tribunal avec son confrère Metin Akpinar, âgé de 79 ans, pour des propos tenus lors d’une émission télévisée sur la chaîne d’opposition Halk TV. « Recep Tayyip Erdogan, tu ne peux pas tester notre patriotisme. Reste à ta place », a lancé Müjdat Gezen lors de l’émission. Metin Akpinar, de son côté, est allé encore plus loin en déclarant que « si nous échouons à atteindre la démocratie, (...) le leader pourrait finir pendu par les pieds ou empoisonné dans une cave, comme c’est arrivé dans tous les fascismes ».

Jusqu’à quatre ans de prison requis

Ces commentaires ont fortement déplu à Recep Tayyip Erdogan, que les défenseurs des droits humains accusent de dérive autoritaire, notamment depuis une tentative de coup d’État le visant en 2016. Un procureur a requis des peines allant jusqu’à quatre ans et huit mois de prison contre les deux comédiens septuagénaires. « Mon nom a même été banni des mots croisés », a plaisanté Müjdat Gezen lors d’un entretien téléphonique avec l’AFP.

Le lendemain de l’émission sur Halk TV, des policiers se sont rendus chez le comédien pour l’emmener dans le bureau du procureur. Voir des policiers à sa porte a ravivé de mauvais souvenirs pour Müjdat Gezen, qui a passé 20 jours en prison après le coup d’État militaire de 1980 en Turquie. Son livre sur Nazim Hikmet, poète communiste mort en exil à Moscou en 1963 et toujours vénéré comme un des plus grands noms de la poésie turque, avait été banni après le putsch. « On m’avait enchaîné pour m’emmener en prison avec une cinquantaine de criminels, dont des assassins et des contrebandiers », s’est souvenu l’écrivain.