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La Turquie, miraculeuse rescapée du groupe A, défie la Croatie, vendredi soir à Vienne. Un quart de finale qui rend fou tout le pays.
Le camion de la Fédération turque de football, installé sur la grande place de Taksim, à Istanbul, a été dévalisé dans les 24 heures qui ont suivi la victoire contre la République tchèque. « Nous sommes en rupture de stock pour les tee-shirts et les shorts », détaille Hüseyin, responsable des ventes. Depuis leur qualification surprise, samedi dernier, les Turcs voient l’avenir en rouge et blanc, les couleurs nationales. Dès le coup de sifflet final, ils étaient descendus par dizaines de milliers dans les rues, fêtant la victoire, un drapeau ou une bière à la main, et dansant au son des tambours et des clarinettes traditionnelles.
Désormais, les drapeaux flottent aux balcons, conquérants. Les tee-shirts promettent des lendemains qui chantent : « Allez Turquie, ramène-nous la Coupe ! » Toutes les publicités jouent sur la fierté nationale. « Le foot dans nos têtes, la Turquie dans nos cœurs, nous sommes nés pour ça », proclament les affiches du groupe agroalimentaire Ülker. « Nous sommes 70 millions derrière vous », s’enflamme Türkcell, opérateur de téléphonie mobile…
Car le football est une passion nationale. « Le foot, c’est ma vie », explique Murat, « fanatique de Galatasaray depuis le berceau ». Hommes, femmes, jeunes, vieillards, riches, pauvres… Chaque Turc soutient corps et âme une équipe. Galatasaray et Fenerbahçe revendiquent 20 millions de supporters chacun. « Simple amatrice », une grand-mère, tout de rouge vêtue, suit « évidemment » tous les matchs du championnat turc. Elle adore « cette adrénaline qui fait battre le cœur si fort ». La vieille dame a mis le champagne au frais en prévision de la victoire de vendredi soir. Au bar Mison, il y a quatre téléviseurs, un à chaque étage. « La salle avec l’écran géant est déjà réservée, on attend au moins trois cents personnes », précise le serveur.
Bouffée d’oxygène
Depuis les trois buts inscrits dans le dernier quart d’heure contre la République tchèque, les Turcs sont persuadés que leurs joueurs ne sont pas au bout de leurs prouesses. Vendredi soir, c’est pourtant une équipe affaiblie qui sera alignée contre les Croates. Entre les blessures et les suspensions, le sélectionneur Fatih Terim s’est désolé jeudi de n’avoir plus que « 15 joueurs de champ et 2 gardiens » à sa disposition. « Du moment qu’il y a onze Turcs sur le terrain, on va gagner », balayent Timuçin et Ilkker, deux étudiants. Avec la troisième place à la Coupe du monde 2002 et le joli parcours de Fenerbahçe, quart de finaliste cette saison en Ligue des champions, le football turc s’est enhardi sur la scène internationale.
« Avant, notre seul souci était de ne pas encaisser trop de buts, maintenant nous savons que nous pouvons en mettre », résume Burak, en remplissant sa grille chez le bookmaker du quartier. Preuve de cette confiance, il mise « 100 YTL (52 €) sur un résultat de 2 à 0 pour la Turquie en deuxième mi-temps ».
Hausse du chômage, crise politique, négociations d’adhésion à l’Union européenne au point mort… Cet Euro austro-suisse apporte aux Turcs une bouffée d’oxygène. « Nous oublions les malheurs que les Européens nous causent, déclare Ergiç, qui a célébré la qualification pour les quarts de finale en vidant une bouteille de cognac avec son amie. Notre équipe nous donne enfin un motif de fierté et notre peuple en a bien besoin . »
Source : Le Figaro
Istanbul, Laure Marchand
