19 avril 2024

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Movsès Nissanian, après avoir été condamné, persiste et signe

Publié le | par TN-pige | Nombre de visite 1395

Nous vous proposons de découvrir ce texte de Maxime Gauin reprenant la "lettre ouverte" adressée par Movsès Nissanian aux Sénateurs afin de les inciter à voter en faveur de la loi de censure déposée par les élus pro-arméniens de France.

Fidèle à la propagande des groupuscules nationalistes arméniens, le "lettre ouverte" de M. Nissanian travestit la vérité et n’est ni plus ni moins qu’une compilation de contre-vérités, de troncatures et de déformations.

M. Gauin décrypte et démonte point par point les allégations du militant anti-turc.


Movsès Nissanian, après avoir été condamné, persiste et signe

Par Maxime Gauin

Movsès Nissanian avait presque disparu du paysage depuis la plainte que j’avais déposé contre lui, en mai 2008. Fort actif auparavant, surtout entre 2006 et le début de 2008, il n’avait plus fait parler de lui, hors des questions strictement villeurbannaises, qu’en commentant ses ennuis judiciaires, et en dirigeant une micro-manifestation (une dizaine de participants) devant le siège d’Euronews, à Écully, l’an dernier.
La tentative, vouée d’avance à l’échec, d’obtenir un vote du Sénat favorable à la proposition de loi « liberticide, obscurantiste et inquisitoriale », comme l’a très bien décrite le sénateur Josselin de Rohan (j’ajouterais à cette liste : foncièrement communautariste), a donné à M. Nissanian l’occasion de revenir, par une lettre ouverte aux sénateurs. Il est déjà pour le moins paradoxal de voir quelqu’un condamné par la justice française se permettre de donner des leçons au président de la commission des lois du Sénat. Mais c’est encore plus remarquable, dans la mesure où il reprend largement l’argumentation qu’il avait utilisée pour son procès, en vain : j’y avais répondu et le président Fernand Schir avait déclaré que « le tribunal ne tranche pas entre les thèses historiques ».

Reprenons point par point ce que M. Nissanian a écrit le 2 mai :

« En effet, l’organisation du plan d’extermination systématique du peuple arménien en Arménie occidentale ainsi que dans le reste de l’Empire ottoman a été conçue bien avant le déclenchement l’année 1915.

Elle est la résultante d’une politique ottomane d’extermination systématique des Arméniens autochtones afin de s’approprier leurs biens et de régler la « question arménienne » par l’élimination physique des Arméniens de leur terre ancestrale. Elle a débuté dès le milieu du XIXème siècle par le massacre de 300.000 Arméniens. (Cf. discours de Jean Jaurès à l’Assemblée nationale française en 1897) »

Seuls quelques-uns des auteurs les plus extrémistes qualifient de génocide les évènements antérieurs à 1915. Même Yves Ternon, grand ami de la Fédération révolutionnaire arménienne Dashnaktsoutioun depuis les années 1970, rejette, d’une façon tout à fait explicite, la qualification de « génocide » pour les évènements de 1894-1896 [1].

Les activités des révolutionnaires arméniens et leur stratégie de provocation sont très bien décrites par William L. Langer, ancien directeur du département d’histoire à l’université de Harvard. Le lecteur trouvera des informations complémentaires dans R. des Coursons, La Rébellion arménienne, son origine, son but, Paris, Librairie du Service central de presse, 1895 ; Kâmuran Gürün, Le Dossier arménien, Triangle, 1984 ; Guenter Lewy, The Armenian Massacres in Ottoman Turkey, Salt Lake City, University of Utah Press, 2005, pp. 11-29 ; et Jeremy Salt, Imperialism, Evangelism, and the Ottoman Armenians. 1878-1896, Londres-Portland, Frank Cass, 1993, pp. 55-80, 92-110, 123-135 et 143-157 — pour ne citer que ceux-là.

Le chiffre de 300 000 Arméniens tués ne reposent que les estimations les plus extrêmes de la propagande des nationalistes arméniens et de certains missionnaires, qui n’avaient ni les moyens matériels ni l’honnêteté intellectuelle de faire un décompte. Turkey and the Armenian Atrocities, Londres, T. F. Uwin, 1896, qui n’est sûrement pas le pire ouvrage de la littérature missionnaire sur ce thème, compte par exemple autour de 6 000 morts à Sassoun en 1894 (p. 382), alors que le rapport des consuls britannique, français et russe en compta 265 ; plus tard, le consul britannique publia une conclusion séparée, estimant que le chiffre était vraisemblablement plus proche de 900 que de 265 (ce qui reste néanmoins inférieur au sixième de l’estimation de Turkey and the Armenian Atrocities) [2].

Les seuls décomptes fondés sur des archives, ceux de Kâmuran Gürün et Justin McCarthy, donnent 20 à 30 000 Arméniens tués en 1894-1896, y compris les guérilleros morts au combat et les victimes du terrorisme interarménien pratiqué par le Hintchak et la FRA Dashnak.

Jean Jaurès a évolué sur la question arménienne, de même qu’il avait évolué auparavant sur la Bulgarie et comme il avait aussi supprimé les références pour le moins maladroites, dans ses discours, au « capitalisme juif ». Fin 1912, Jaurès a même invité Pierre Loti à s’exprimer dans L’Humanité, pour y défendre l’Empire ottoman, ce qui fut fait.

« Cette politique d’État criminelle s’est développée, par la suite, sur une idéologie raciste basée sur le panturquisme qui voyait dans l’élimination des Arméniens de l’Empire Ottoman comme un objectif prioritaire de purification ethnique de masse. »

Le Comité Union et progrès (CUP) n’a jamais développé d’« idéologie raciste », encore moins « basée sur le panturquisme ». Qu’il y ait eu, en 1908-1918, des Turcs racistes et d’autres (pas forcément racistes, du reste) qui souhaitaient qu’à l’Empire ottoman succède un vaste empire panturc est un fait incontesté. Que ces personnes aient dicté la politique du CUP est, par contre, une affirmation dénuée de fondement.
Michael A. Reynolds, maître de conférences en histoire à l’université de Princeton, qui lit le russe aussi bien que le turc moderne et le turc ottoman, a démontré que le CUP n’a jamais développé de politique panturquiste, même en 1917-1918 [3]. Avant cette analyse minutieuse, le courant dominant pensait qu’il y avait certes une politique panturquiste, mais seulement après les révolutions russes de 1917 [4].

Je ne pense pas travestir la pensée de M. Nissanian en disant que, derrière « l’idéologie raciste basée sur le panturquisme », c’est, notamment, Ziya Gökalp (1878-1924) qu’il vise ; en effet, un de ses auteurs préférés, Vahakn N. Dadrian dresse Gökalp en une espèce d’idéologue raciste et antiarménien [5]. Le problème, c’est que ces accusations négligent de lire ce que Gökalp a réellement écrit, et qui est tout à fait l’opposé. Dans ses principaux écrits, Gökalp rejette, d’une façon de plus en plus explicite, le racisme et le chauvinisme, allant jusqu’à remettre en cause, ce qui est assez remarquable pour l’époque, jusqu’à la notion même de race. [6]

Dans son principal ouvrage, Gökalp explique que ses idées de rapprochement entre les peuples de culture turque se situent précisément sur le plan culturel et non politique ; pour sa génération du moins, il considère qu’un État panturc n’est qu’une illusion [7].

À moitié kurde, Gökalp aurait du reste eu quelques problèmes à définir la nation sur des bases racistes.

S’il faut chercher des racistes qui ont inspiré des politiques criminelles, ce sera plutôt chez les nationalistes arméniens. Mikael Varandian, idéologue de la Fédération révolutionnaire arménienne (FRA) des années 1900 à sa mort, en 1934, écrivait ainsi :

« Le contraste est absolu entre l’élément arménien et son milieu ethnographique. Un petit fragment de race indo-européenne, placé entre des peuplades primitives et nomades appartenant à la race touranienne et professant une religion toute différente. De là la grande tragédie de l’histoire arménienne. Les envahisseurs turcs, seldjoukides, mongols, osmanlis, se sont successivement établis sur le sol arménien, en hordes guerrières, qui ne savaient manier que l’épée et le cheval ; ils ont campé durant des siècles en Arménie, comme des corps étrangers, incapables de produire, d’assimiler et de gouverner, uniquement forts dans l’art de consommer, d’asservir et de détruire.

Le plus frappant exemple de cette mentalité de toute une race nous est donné par les Turcs ottomans, qui furent maîtres de la plus grande partie de l’Arménie pendant six siècles. » [8]

L’organe de la FRA en Bulgarie, Hayastan, écrivait dès son édition du 19 août 1914, soit bien avant le déplacement forcé :

« La race mongole, funeste et traîtresse [les Turcs], attaque une fois encore, mais avec plus de violence, un des peuples les plus purs et les meilleurs de la race aryenne [les Arméniens] [...]. Ces luttes qui continuent depuis des siècles sous différentes formes ne sont autre que l’assaut d’une nation restée dans les ténèbres contre une autre qui ayant déjà parcouru le cycle des progrès sociaux, s’avance vers la lumière.
Ou nous, ou eux !... Cette lutte ne date ni d’une année ni d’un siècle. La nation arménienne a toujours bravement résisté à cette race qui a eu comme ligne de conduite la trahison et le crime.
Le monde doit être débarrassé de ce fléau et, pour le repos et la tranquillité de l’univers, la nation turque doit être supprimée. Nous attendons la tête haute et armés de la foi en la victoire. »

La bibliographie sur les révoltes et les crimes de guerre des comités arméniens en 1914-1921 étant énorme, je n’en donne ici qu’un bref aperçu. L’aspect militaire est excellement décrit dans Edward J. Erickson, « The Armenians and Ottoman Military Policy », War in History, avril 2008 ; du même auteur, « Captain Larkin and the Turks : The Strategic Impact of the Operations of HMS Doris in Early 1915 », Middle Eastern Studies, janvier 2010 ; Yücel Güçlü, Armenians and the Allies in Cilicia, Salt Lake City, University of Utah Press, 2010, pp. 51-101 ; Justin McCarthy, « The Armenian Uprising and the Ottomans », Review of Armenian Studies, n° 7-8, 2005. Voir aussi Aspirations et agissements révolutionnaires des comités arméniens, avant et après la promulgation de la Constitution ottomane, Istanbul, 1917, rééd. Ankara, 1975 et 2001.

Pour les crimes de guerre arméniens, outre Aspirations..., voir Armenian Activities in the Archive Documents, Ankara, ATASE, tomes I et II, 2005 ; Documents sur les atrocités arméno-russes, Istanbul, 1917 ; Général James G. Harbord, Conditions in the Near East. Report of the American Military Mission to Armenia, Washington, Government Printing Office, 1920, p. 9 ; Guenter Lewy, op. cit., pp. 116-122 ; Justin McCarthy, « The Report of Niles and Sutherland », XI. Türk Tarih Kongresi, Ankara, TTK, 1994, tome V, pp. 1809-1852 ; Kara Schemsi, Turcs et Arméniens devant l’histoire, Genève, Imprimerie nationale, 1919 ; Lieutenant-colonel Vladimir Nikolaevitch Twerdokhleboff, Notes d’un officier supérieur russe sur les atrocités d’Erzéroum, Istanbul, 1919, rééd. 1979. La liste n’est vraiment pas exhaustive.

Voici ce qu’indique, en particulier, le rapport Niles-Sutherland retrouvé par Justin McCarthy :

« Dans toute la région [de Bitlis à Bayazid, en passant par Van], nous avons été informés des dommages et des destructions commises par les Arméniens qui, après que les Russes se sont retirés, ont occupé la région, et qui, quand l’armée turque avança, détruisirent tout ce qui appartenait aux musulmans. Par ailleurs, les Arméniens sont accusés d’avoir commis des meurtres, des viols, des pillages et d’horribles atrocités à l’encontre de la population musulmane. Au début, nous avons accueilli ces récits avec incrédulité, mais nous sommes finalement arrivés à les tenir pour vrais, car les témoignages furent absolument unanimes, et sont corroborés par des preuves matérielles. Par exemple, le seul quartier demeuré intact à Van et Bitlis, c’est le quartier arménien, comme cela peut être démontré par la présence d’églises et d’inscriptions caractéristiques sur des maisons, alors que les quartiers musulmans sont entièrement détruits. […]

Sans nous perdre dans le récit détaillé de nos enquêtes, l’un des faits les plus marquants qui ont retenu notre attention, c’est qu’en chaque lieu, de Bitlis à Trébizonde [Trabzon], dans cette région que nous avons traversé, les Arméniens commirent contre les Turcs tous les crimes et toutes les atrocités commises par des Turcs à l’encontre d’Arméniens. Au début, nous accueillîmes ces récits avec un grand scepticisme, mais l’unanimité des témoignages, […] et, surtout, les preuves matérielles nous ont convaincu de la véracité générale des faits suivants : premièrement, des Arméniens ont massacré des musulmans en grand nombre, avec bien des raffinements de cruauté ; et, deuxièmement, les Arméniens sont responsables du plus grand nombre de destructions dans les villes et les villages. »

Et les Notes d’un officier supérieur russe sur les atrocités d’Erzéroum (pp. 8-9) :

« Le lieutenant colonel Griazriof revenu d’Ilidja le 26 février, trois semaines après les massacres, raconta avoir rencontré sur les routes conduisant aux villages un grand nombre de cadavres mutilés, sur lesquels, chaque passant arménien blasphémait et crachait. Dans la cour de la mosquée, large de 12 à 15 sagènes [25 à 30 mètres], on avait entassé des cadavres jusqu’à une hauteur de deux archines [1,4 mètres]. II y avait dans le tas des vieillards, des enfants, des hommes et des femmes de tout âge. Les cadavres des femmes portaient sur elles des signes manifestes de viol, et on avait introduit dans les organes génitaux de plusieurs d’entre elles dcs cartouches de fusil. Le lieutenant-colonel Griaznof fit venir dans cette cour quelques-unes des jeunes Arméniennes qui servaient de téléphonistes dans les rangs arméniens et, en guise de reproches, leur dit, en leur montrant les cadavres, de se glorifier des exploits de leurs conationaux. Il croyait les toucher par ces paroles.

Quel ne fut pas son étonnement et son dégoût lorsqu’il vit au contraire ces jeunes filles rire de joie à ce spectacle ! »

« Les Historiens évaluent que cette politique ottomane puis du gouvernement jeuneturc à partir de 1908 a abouti au massacre systématique de plus de 2.400.000 Arméniens durant cette période (1894-1923). »

Et M. Nissanian ne cite pas un seul « historien » qui aurait défendu ce chiffre fantaisiste. Même en prenant les estimations maximalistes (300 000 morts en 1894-1896, 30 000 en 1909, 1 200 000 à 1 500 000 en 1914-1923), on est loin du compte.

J’ai déjà expliqué plus haut que, jusqu’à plus ample informé, la fourchette à retenir pour les pertes arméniennes en 1894-1896 est de 20 à 30 000. En 1909, l’estimation la plus vraisemblable, celle de Cemal Paşa, est de 17 000 Arméniens — et 1 850 Turcs. Pour la période qui va de 1914 aux environs de 1920, j’ai démontré de manière détaillée, pour le procès Gauin contre Nissanian, ainsi que dans ma réponse à Daniel Clairvaux, que les pertes totales de la population arménienne ottomane s’élèvent à environ 600/650 000 individus (sur une population d’environ 1 700/1 750 000), y compris quelque 150 000 personnes mortes de froid, de maladie et de malnutrition lors du déplacement par l’armée russe, 2 à 3 000 décédées lors du déplacement, en 1920, par l’armée française, un nombre inconnu mais sans doute considérable de morts au combat, auxquels il faut encore ajouter des dizaines de milliers de réfugiés du Caucase, morts en 1918-1919, d’épidémies et de malnutrition dans la République indépendante d’Arménie, dirigée alors par la Fédération révolutionnaire arménienne, le parti de M. Nissanian. Le déplacement par l’armée ottomane a coûté (en incluant ceux qui sont morts de malnutrition et d’épidémies dans les camps en 1916-1918) environ 300 000 vies, sur environ 600 à 700 000 personnes déplacées, selon les propres chiffres de Boghos Nubar, coprésident de la délégation arménienne à Paris. Le nombre de personnes effectivement massacrées est donc inférieur, et probablement très inférieur, vu les pertes énormes dues aux épidémies, à 300 000.

Il n’en demeure pas moins élevé, tout à fait dramatique, injustifiable, et c’est bien pourquoi Talat Pacha a veillé que ceux qui s’étaient cru tout permis soient sévèrement châtiés. Rien qu’au printemps 1916, 1 673 musulmans — pas seulement des soldats, mais aussi des civils, de diverses ethnies — ont été jugés par une cour martiale pour avoir tué, violé ou détroussé des Arméniens (les trois charges n’étant pas toujours exclusives), suite à une enquête menée par les commissions créées en septembre 1915 par le conseil des ministres ottomans, à l’initiative de Talat. Soixante-sept prévenus ont été condamnés à mort et pendus, 524 condamnés à une peine de prison, soixante-huit à d’autres peines, dont les travaux forcés (Yusuf Halaçoglu, The Story of 1915. What Happened to the Ottoman Armenians ?, Ankara, TTK, 2008, pp. 82-87).

Quant aux responsables administratifs qui s’étaient avérés incapables de tenir leur subordonnés, ils ont été mutés d’office, dans des régions où leur incompétence ne coûterait plus des milliers de vies humaines.

« Ensuite, contrairement à ce qui est dit, les notions de crimes contre l’humanité et de génocide ont été des conceptions juridiques dès l’issue de la première guerre mondiale. »

Malheureusement pour M. Nissanian et son auteur de référence, Jean-Baptiste Racine, le terme « génocide » est apparu en 1944, dans un livre de Rafael Lemkin, où le mot « Arménien » n’est pas utilisé une seule fois. Le crime de génocide a été défini en 1948, par d’autres juristes que Lemkin, qui avait entretemps changé sa définition du mot « génocide ».

La notion de crimes contre l’humanité n’a été développée qu’en 1945. Auparavant, il y avait certes des accusations de crime de « lèse-humanité », « violant les droits de l’humanité », et ce, depuis le XVIe siècle au moins, mais il s’agissait de propagande et non de droit.

« “L’association internationale des spécialistes des génocides”, présidée par le Professeur Israël Charny, directeur exécutif de l’institut de l’Holocauste à Jérusalem »

M. Nissanian nous indique aimablement que l’IAGS a cru bon de porter à sa présidence Israel Charny, retraité sans droit à l’éméritat depuis 1991, et qui n’a donc plus droit au titre de « professeur ». M. Charny est un ancien psychologue, spécialiste des divorces, qui s’est autoproclamé « expert en génocides ». L’Institut de l’Holocauste à Jérusalem ne dépend d’aucune université, grande école, ou centre de recherches de type CNRS.

Au sein de l’IAGS, seuls M. Dadrian et M. Akçam ont produit des travaux sur la question arménienne appuyés sur des recherches aux archives ; et encore ces travaux comportent-ils tant de déformations et de manipulations de sources que même plusieurs partisans, et non des moindres, de la qualification de « génocide » considèrent MM. Dadrian et Akçam comme des auteurs fort peu crédibles (voir Donald Bloxham, « Power, Politics, Prejudice, Protest and Propaganda : A Reassessment of the German Role in the Armenian Genocide of Wolrd War I », dans Hans-Lukas Kieser et Dominik Schaller [dir.] Der Völkermord an den Armenien, Zurich, Chronos, 2002, pp. 213-244 ; « Donald Bloxham Replies », History Today, n° LV-7, juillet 2005 ; Clive Foss, « Book Review of Vahakn Dadrian, German Responsabilities in the Armenian Genocide », The Institute for the Study of Genocide Newsletter, automne 1997, pp. 12-16 ; Hilmar Kaiser, « Germany and the Armenian Genocide, Part II : Reply to Vahakn N. Dadrian’s Response », Journal of the Society for Armenian Studies, IX, 1996, pp. 135-40 ; pour des critiques émanant d’auteurs qui ne retiennent pas la qualification de génocide, voir Mary Schaeffer Conroy, « Review of Vahakn N. Dadrian, Warrant for Genocide : Key Elements of Turco-Armenian Conflict », The Social Science Journal, XXXVII-3, juillet 2000, pp. 481-48 Guenter Lewy, op. cit., pp. 46-89, 94 et 160-161 ; Malcolm E. Yapp, « Book Review », Middle Eastern Studies, XXXII-4, octobre 1996, pp. 395-397 ; et les articles d’Erman Sahin, cités plus bas).

« Que les 126 plus éminents spécialistes de l’Holocauste, dont Elie Wiesel et Yehuda Bauer, en 2000 dans un appel relayé par le New York Times, ont affirmé « la réalité incontestable du Génocide de Arméniens » et la nécessité de sa reconnaissance internationale. »

Outre qu’Eberhard Jäckel, professeur émérite à l’université de Munich, qui a probablement plus contribué à l’histoire de la Shoah que la majorité de ces spécialistes réunis, ne figure pas dans la liste, et a même critiqué la qualification de « génocide arménien », être un spécialiste, même excellent, du nazisme n’aide guère à comprendre les subtilités de l’histoire ottomane.

« Les principaux textes du Droit International traitant des Génocides, comme celui de William A. Schabas « le Génocide et le Droit International » (Cambridge University Press, 2000) citent le Génocide des Arméniens comme annonciateur de l’Holocauste et valant jurisprudence pour la loi sur les crimes contre l’Humanité. »

M. Schabas fait du copier-coller de M. Dadrian dans son développement sur le « génocide arménien », ce qui le conduit à des erreurs grossières, notamment quand il prétend que les Turcs arrêtés à Malte n’ont été libérés que pour des raisons politiques, alors qu’au contraire, le procureur britannique s’était avoué incapable, au terme de deux ans d’enquête, de trouver des preuves contre un seul accusé.

J’ai par ailleurs du mal à comprendre quelle « jurisprudence » aurait pu s’établir, alors que le traité de Sèvres n’est jamais entré en vigueur, faute de ratifications, et alors que les traités de Kars, Ankara (1921) et Lausanne (1923) incluent l’amnistie des différents crimes de guerre commis pendant le premier conflit mondial et pendant la guerre d’indépendance turque.

« De nombreux procès ont eu lieu par des tribunaux militaires turcs à l’issue de la première guerre mondiale. En 1919 des cours martiales turques ont condamné à mort les responsables du Génocide des Arméniens parfois par contumace. »

Voici ce qu’indique l’annexe 2 aux conclusions de mon avocat, que j’ai écrite, et que Maître Morel a mise en forme, pour les besoins du procès :

« La défense argue que « les autorités ottomanes elles-mêmes, après la fin de la guerre, ont engagé différents procès contre les auteurs et responsables de l’extermination de la population arménienne  ». Cette fois, ce n’était plus le gouvernement jeune-turc (Comité union et progrès, CUP) qui faisait juger, c’était lui, et ses proches collaborateurs, qui se retrouvaient devant des tribunaux. Au préalable, précisons que le gouvernement CUP démissionna peu avant l’armistice, et fut remplacé, pendant l’occupation britannique d’Istanbul (1918-1922) par un gouvernement fantoche, totalement dépendant de l’occupant britannique, et pensant essentiellement à satisfaire cet occupant.

La défense indique que ces procès eurent lieu devant des « cours martiales » et que « le plus important a été mené contre les membres du conseil des ministres et les dirigeants de l’Ittihad ». Or, la Constitution ottomane prévoyait que les ministres n’étaient justiciables, pour les actes commis dans l’exercice de leurs fonctions, que devant la Haute Cour. Ces procès étaient donc entachés d’emblée de nullité juridique, en même temps que les véritables intentions des organisateurs apparaissaient comme un règlement de compte politique plutôt qu’une recherche honnête de la vérité.

L’instruction ne fut menée qu’à charge, au point que le gouvernement d’Istanbul lui-même s’émut des abus les plus criants ; pendant l’enquête, les avocats de la défense — quand les accusés avaient le droit à un avocat — ne purent jamais porter assistance à leurs clients. Lors de ces procès, les droits de la défense furent réduits, soit à fort de peu de choses, soit tout simplement à néant. Les avocats des accusés ne purent jamais interroger les témoins, ni demander une expertise indépendante des documents fournis.

Dans certains cas, les accusés des cours martiales ottomanes de 1919-1920 n’eurent même pas droit à un avocat, le droit le plus basique devant un tribunal.

Dans plusieurs cas, notamment le procès tenu du 30 juillet 1919 au 13 janvier 1920, des personnes qui n’étaient pas présentes sur les lieux furent considérées par la cour martiale comme des témoins oculaires.

Avant le 23 avril 1920, les condamnés n’étaient pas autorisés à faire appel de leur condamnation. Après, que ce droit fut accordé, tous ceux qui purent faire appel se virent relaxés de toutes les charges pesant contre eux.

Il existe au moins un cas avéré d’un président de cour martiale, Nemrut MUSTAFA PACHA, convaincu de corruption le 19 décembre 1920, peu après avoir rendu un verdict sévère.

Sur l’instruction, les procès et la moralité des magistrats de ces cours : Guenter LEWY, The Armenian Massacres in Ottoman Turkey, Salt Lake City, University of Utah Press, 2005, pp. 73-82 ; Feridun ATA, Isgal Istanbul’unda Tehcir Yargilamalari (« Les Procès de la réinstallation [des Arméniens] tenus à Istanbul »), Ankara, TTK, 2005, pp. 258-259, 281-283 et passim ; et Türkkaya ATAÖV, What Happened to the Ottoman Armenians, New York, Okey, 2006, pp. 75-81.

NB : Il ne reste plus un seul document original produit lors de ces procès, ni un seul exemplaire des minutes. Le seul matériel restant, ce sont des transcriptions des verdicts, de certains réquisitoires et certaines pièces, publiés dans la presse stambouliote de l’époque. Outre qu’il existe plusieurs discordances entre les versions des différents journaux, les rares traductions, en anglais et en allemand (il n’existe aucune version en français) sont hautement tendancieuses, changeant des mots, en ajoutant d’autres, pour tordre le sens de plusieurs passages importants [9].

Je n’ai pas grand-chose à y ajouter, sauf que :

1) Le droit à un avocat fut interdit d’avril à octobre 1920.

2) La situation s’est améliorée le 1er novembre 1920, quand il fut de nouveau possible de recourir à un avocat, et de faire appel, pour les condamnations prononcées après le 23 avril de cette année-là.

3) Le lecteur peut consulter en ligne l’article d’Erman Sahin : http://www.tc-america.org/Erman%20Sahin-Review%20Article.pdf ainsi que ces deux autres articles, du même auteur : http://www.ttk.org.tr/templates/resimler/File/Kitap%20Tahlili.pdf (en turc) et http://www.mepc.org/create-content/book-review (en anglais).

« On peut citer également le § 30 de la Commission des droits de l’Homme de l’ONU, la résolution du 18 juin 1987 du Parlement européen et bien d’autres actes encore. »

Contrairement à une légende, la sous-commission n’a pas repris à son compte le rapport Whitaker (révisé) qui utilisait la notion de génocide pour le cas arménien, elle en a seulement « pris acte » [10].

Quant au Parlement européen, il a changé de position depuis 2007.

Le Sénat a donc eu parfaitement de raison de rejeter, par une large majorité, excédant largement les rangs de l’UMP, cette proposition de loi « liberticide, obscurantiste et inquisitoriale ». S’il y a des faussaires de l’histoire en l’occurrence, il faut plutôt les chercher chez ceux qui font dire aux sources ce qu’elle ne disent pas, pour défendre la qualification erronée de « génocide arménien ».

Maxime Gauin,
Chargé de recherches à l’International Strategic Research Organization (USAK-ISRO, Ankara).


[1Yves Ternon, La Cause arménienne, Paris, Le Seuil, « Points », 1996, pp. 123-128

[2cf. Kâmuran Gürün, op. cit., p. 179 ; Jeremy Salt, op. cit., pp. 2 et 75

[3Michael Reynolds, « Buffers, not Brethren : Young Turk Military Policy and the Myth of Panturanism », Past and Present, n° 203, mai 2009, pp. 137-179

[4voir notamment David Fromkin, A Peace to End All Peace, New York, Owl Books, 2001, p. 352 ; 1re édition, 1989

[5« The Convergent Role of the State and Governmental Party in the Armenian Genocide », dans Levon Chorbajian et George Shirinian [dir.], Studies in Comparative Genocide, New York, 1999, p. 114

[6Cf. Niyazi Berkes (éd.), Turkish Nationalism and Western Civilization. Selected Essays of Ziya Gökalp, Londres, George Allen & Unwin, 1959, pp. 8, 127, 134-135, 283 et passim ; Ziya Gökalp, The Principles of Turkism, Leyde, Brill, 1968, pp. 12-13 (1re édition, Ankara, 1920 ; traduit du turc ottoman par Robert Devereux). Voir aussi Niyazi Berkes, The Development of Secularism in Turkey, Montréal, McGill University Press, 1964, pp. 145-146 ; Gotthard Jäschke, Der Turanismus der Jungtürken, Leipzig, Otto Harrasowitz, 1941, pp. 5-8 ; et Taha Parla, The Social and Political Though of Ziya Gökalp (1876-1924), Leyde, Brill, 1985, pp. 120-126 et passim.

[7Ziya Gökalp, The Principles of Turkism, op. cit., p. 17

[8L’Arménie et la Question arménienne, Laval, Imprimerie moderne, 1917, pp. 23-24.

[9Gilles VEINSTEIN, « Trois questions sur un massacre », L’Histoire, avril 1995 ; et Erman SAHIN, « Review Essay : A Scrutiny of Akçam’s Version of History and the Armenian Genocide », Journal of Muslim Minority Affairs, XXVIII-2, été 2008, pp. 305-315)

[10Türkkaya Ataöv, Ce qu’il s’est réellement passé à Genève. La vérité au sujet du « rapport Whitaker », Ankara, 1986

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