La solitude des clochers

Un triomphe pour l’extrême droite locale, contredisant les prévisions des sondeurs qui tablaient sur une large victoire de la raison, estimant jusqu’à 53% de votes contre l’interdiction de la construction des minarets. Le parti populiste de l’UDC et celui de la droite chrétienne UDF ont bâti leur campagne sur la peur de « l’autre ».

Provoquant, comme à son habitude, l’UDC avait placardé le pays d’affiches montrant une femme voilée devant le drapeau suisse couvert de minarets, dont la silhouette stylisée évoquait des missiles. Un amalgame sans ambiguïté entre islam et terrorisme. Officiellement, les deux partis opposés aux minarets ont présenté leur campagne comme une mesure « propre à maintenir la paix entre les membres des diverses communautés religieuses ».

Et c’est bien évidemment le contraire qui risque d’arriver. Les extrémistes de tous bords ne l’ignorent pas, ce genre d’initiative ne peut que renforcer les crispations et servir de catalyseur aux islamistes disposant désormais d’un argument de poids pour légitimer leurs prêches de haine à l’égard de l’Occident.

Les arguments de l’extrême droite sur « l’islamisation rampante de la société » étaient d’autant plus stupides que les musulmans pratiquants sont estimés à moins de 1% de la population suisse, soit 50000 personnes pour 7,5 millions d’habitants.
Du reste, les 450 000 musulmans présents dans le pays alpin sont souvent originaires de Turquie et des Balkans, deux régions pas franchement connues pour être des sanctuaires d’Al-Qaïda ou des talibans.
« La peur est mauvaise conseillère », avaient mis en garde les évêques catholiques, condamnant ce projet de référendum en même temps que les représentants de tous les autres cultes. Ils n’ont pas été entendus par les électeurs, pas plus que les entrepreneurs qui craignaient pour l’image de la Confédération à l’étranger et particulièrement pour les éventuels boycotts que pourraient décréter des pays musulmans à l’encontre des produits suisses.
Un argument qui ne tient pas selon l’UDC, fanfaronnant dès hier après-midi sur son site internet sur la « qualité » d’une production nationale dont même les pays musulmans ne pourront se passer.

S’il y a en tout cas des produits suisses dont personne ne devra se passer, ce sont les armes de guerre. Car en même temps qu’ils se prononçaient hier sur les minarets, les électeurs étaient aussi appelés à se positionner pour l’interdiction de l’exportation du matériel de guerre. Ils ont voté contre, à la grande satisfaction, là encore, de l’UDC, qui y voyait une menace pour l’autonomie de la défense suisse !

Mais la ministre de l’Économie, Doris Leuthard, aussi est satisfaite, elle qui s’était ardemment engagée pour le maintien de ces ventes, représentant... 0,33% des exportations du pays. La démocrate-chrétienne Doris Leuthard prendra d’ailleurs cette semaine la présidence de la Confédération. L’une de ses premières décisions devrait porter sur la protection du marché de l’emploi suisse face à l’afflux des travailleurs de l’Union européenne dont elle entend bien limiter le nombre.

Les clochers vont vraiment se sentir seuls.