Turquie : L’opposition ne veut pas amender la Constitution
Le Parti républicain du peuple (CHP), la plus importante formation de l’opposition turque, a rejeté jeudi les projets d’amendements constitutionnels censés permettre au Premier ministre Recep Tayyip Erdogan de renforcer le contrôle de l’exécutif sur l’appareil judiciaire.
Selon une dépêche de Reuters, Erdogan souhaite par ces amendements contrer un appareil judiciaire qui, selon lui, se sert d’une enquête pour corruption pour l’attaquer indirectement. Il a proposé ces amendements comme alternative à un projet de loi lui aussi destiné à renforcer le contrôle de l’Etat sur la justice.
Au coeur de la bataille lancée par Erdogan contre le système judiciaire figure le Conseil supérieur des juges et des procureur (HSYK), qui nomme les magistrats.
Le chef du gouvernement estime que le HSYK est infiltré par les partisans du dignitaire musulman turc Fethullah Gülen, lesquels, dit-il, ont mis en place un "Etat parallèle" en Turquie. Aussi Erdogan affirme-t-il que ses projets d’amendements visent à rétablir l’indépendance de la justice.
"La proposition (d’amendements constitutionnels) est inappropriée et n’est pas sincère, dans la mesure où, en parallèle, les débats sur le projet de loi sur le HSYK n’ont pas été retirés de l’ordre du jour de la commission de justice (du parlement)", a déclaré le CHP, tenant d’une opposition laïque au pouvoir islamo-conservateur.
Le projet de réforme du conseil de la magistrature suscite l’inquiétude de l’Union européenne et des investisseurs, et le vice-Premier ministre turc Ali Babacan a estimé mercredi soir que la confiance dans la justice turque était essentielle au pays pour qu’il atteigne ses objectifs de croissance à long terme.
Ali Babacan est chargé de l’économie et passe auprès des investisseurs pour un libéral au sein du parti au pouvoir, l’AKP. Selon lui, la Turquie ne pourra pas atteindre son objectif d’un revenu annuel moyen de 25.000 dollars si les investisseurs, aussi bien turcs qu’étrangers, n’ont pas confiance en la justice turque.
"Si nous ne parvenons pas à faire en sorte qu’un investisseur, tant turc qu’étranger, puisse se dire qu’il a confiance en la justice turque, l’objectif d’un revenu national de 25.000 dollars restera un voeu pieux", a-t-il dit lors d’une conférence des ambassadeurs de Turquie.
avec Reuters (Gulsen Solaker et Daren Butler ; Eric Faye pour le service français)