19 avril 2024

319 visiteurs en ce moment

100e anniverssaire de la république de Turquie

France

Turcs et Arméniens : le cri de Jean Daniel

Publié le | | Nombre de visite 345

Eh bien, par peur de finir l’année en beauté et par souci de se montrer encore moins responsables que d’ordinaire, nos représentants, aussi bien les députés que les sénateurs, aussi bien l’extrême gauche impertinente que l’extrême droite râleuse, s’y sont tous mis pour voter une loi dont les effets seront désastreux. Je veux parler de ce projet de loi interdisant que l’on puisse nier ou relativiser le “génocide“, crime des crimes contre l’humanité, effectué par les Turcs au détriment des Arméniens.

La mémoire divise, l’histoire rassemble Mes lecteurs les plus attentifs objecteront que j’ai déjà évoqué cette question, que je me suis déjà départi de ma sérénité. Mais la semaine dernière, il ne s’agissait que du conflit qui sépare la majorité des historiens du gouvernement et de l’opposition. Je rappelle, il n’est jamais trop tard, que jadis l’historien catholique René Rémond et aujourd’hui l’historien académicien - dont l’origine juive est indifférente - Pierre Nora, ont défendu une thèse dont j’ai fait ma propre cause, à savoir que la mémoire divise et que l’histoire rassemble, et que par conséquent l’Etat ne doit pas légiférer sur les divisions, et au contraire incarner l’unité.

En l’occurrence, la mémoire des massacres effectifs des Arméniens par les Turcs est un élément de division, mais l’histoire consiste à faire la preuve que ces massacres constituent un génocide exterminateur ou qu’ils ne sont que l’un des effets de la barbarie, sans doute épouvantable mais hélas habituelle, dans les conflits.

Une triste manière de célébrer la fin de l’année Mais ce débat est encore à mes yeux dépassé par des considérations fortement politiques. Nous entrons en effet cette année dans la période où vont se multiplier les manifestations pour rappeler le cinquantenaire de l’accession de l’Algérie à l’indépendance, la fin de la colonisation française et la fin de ce qui fut l’Empire français. On retiendra surtout que l’Algérie, après 120 ans de colonisation et sept années d’une guerre atroce, est devenu un Etat libre, souverain et indépendant.

Chacun a des souvenirs douloureux de cette période et la mémoire de ces douleurs provoque, comme c’est encore une fois sa caractéristique, des divisions blessantes. Il se trouve que certains représentants des autorités algériennes ont cru parfois exiger de la France une repentance et considéré les différentes répressions françaises comme un génocide. Ce n’était donc pas le moment, surtout pas, de parler de génocide dans une affaire où la France n’est aucunement partie. Le Premier ministre turc s’est jeté sur notre maladresse irresponsable pour dire que si l’on condamnait la Turquie pour crime de génocide, alors tous les musulmans et en particulier les Turcs, demanderaient que la France soit elle aussi stigmatisée, dénoncée et condamnée pour ses crimes de guerre en Algérie. Qu’il ne se soit trouvé personne, ni parmi les socialistes ni parmi les gaullistes, pour recouvrer le sens de l’Etat, c’est vraiment une triste manière de célébrer la fin de l’année.

Le sens de l’honneur, de l’histoire et de l’Etat J’ai donc rappelé que les mémoires douloureuses et compétitives sur l’Algérie s’opposaient dangereusement. Il y a eu, c’est évident, d’abord et surtout le peuple algérien colonisé, occupé, dépersonnalisé et rendu étranger dans son propre pays, mais il y a eu des millions de Français que les caprices de l’histoire avaient enracinés dans une société appelée à disparaître. Il y a eu aussi l’armée française à laquelle de Gaulle a menti, au nom de l’intérêt supérieur de la patrie ou de la conception qu’il s’en faisait. Mais il y a eu aussi des victimes de tous les côtés. Dans leur révolution, les Algériens ont été conduits à des purges effroyables, à des éliminations irresponsables. Et il y a eu parmi les victimes de la révolution, des Algériens qui ont pensé, comme de grands révolutionnaires, qu’il fallait prendre à la France ce qu’elle avait de meilleur pour lutter contre ce qu’elle avait de pire et que l’on pouvait donc rejoindre, comme les Harkis, les forces françaises.

Tout cela est confus, tourmenté, délicat, et réclame des analyses, des discours et des décisions à prendre par des hommes qui ont à la fois le sens de l’honneur, le sens de l’histoire et le sens de l’Etat. Où les trouver désormais ?

Jean Daniel - Le Nouvel Observateur

Lien/Source : tempsreel.nouvelobs.com


Lire également
Sept des meilleures villes à visiter en Turquie

Sept des meilleures villes à visiter en Turquie

16 décembre 2023

[Bibliothèque] Documents sur les Atrocités Arméno-Russes

[Bibliothèque] Documents sur les Atrocités (...)

12 août 2023

DisneyPlus sous la pression arménienne annule la programmation de la série Mustafa Kemal Atatürk

DisneyPlus sous la pression arménienne (...)

7 août 2023

La première victoire d'un État-nation contre les appétits impérialistes

La première victoire d’un État-nation contre (...)

24 juillet 2023

Disney enregistre une forte perte d'abonnés

Disney enregistre une forte perte d’abonnés

10 août 2023

Excuses de CICR concernant le transport de marchandise NON AUTORISE

Excuses de CICR concernant le transport de (...)

12 juillet 2023

Diaspora et nationalisme Arménienne

Diaspora et nationalisme Arménienne

14 novembre 2023

Une conseillère de Paris insulte des personnes d'origine Azerbaïdjan

Une conseillère de Paris insulte des personnes

17 septembre 2023