Questions à Ibrahim Erdogan, président de l’association franco-turque de Toulon
Pour les 200 familles turques de Toulon, la loi pénalisant la négation des génocides est vécue comme une offense. Le président de l’association cultuelle et culturelle franco-turque nous explique pourquoi.
Qu’inspire ce texte à la communauté turque de Toulon ?
Il y a beaucoup de colère. Ce n’est pas aux politiciens de faire l’histoire. Après la loi de 2001, les parlementaires n’avaient pas à en remettre une couche avec une loi sanction, liberticide, contraire aux valeurs de la France, pays des Lumières.
Le fait d’imposer sa façon de penser est digne d’un pays totalitaire ! À cause de cette loi, l’histoire est figée et nos enfants devront acquiescer à ce qu’on leur dira à l’école sans pouvoir s’exprimer.
On parle quand même d’événements qui ont presque un siècle...
Justement : ce n’est pas à 50 députés de s’immiscer dans l’histoire de deux pays, à 3 000 km de là et d’offenser ainsi 70 millions de gens. Mais le calendrier montre bien que le gouvernement a fait ça pour récupérer les voix des Arméniens.
Mais il y a autant de Turcs que d’Arméniens en France...
Nous sommes 500 000 dans l’Hexagone, comme les Arméniens. Sauf qu’ils ont immigré il y a cent ans et qu’ils sont tous devenus français, contrairement à nous qui sommes arrivés il y a 40 ans. Et puis l’immigration turque a essentiellement été économique, avec un niveau social moindre. On a donc plus de mal à se faire entendre. Mais j’adresse un message à nos élus : nous représenterons bientôt une force électorale importante.
Comment expliquer que le sujet est encore si sensible pour vous ?
On insulte quand même nos grands-parents. Et puis la Turquie jouit déjà d’une assez mauvaise image en France. On est mal connu, donc mal perçu. Ça ne va pas arranger les choses. Avant, on nous parlait du film Midnight Express, maintenant c’est du génocide...
Pour vous, ce n’est pas un génocide...
Il y a eu des milliers de morts et ce n’est pas un détail. Mais on pointe toujours ce qu’on fait les Turcs, jamais les crimes arméniens. Plutôt que de refermer les plaies, cette loi ne fait qu’ajouter de l’huile sur le feu.
Comment sont vos relations avec les Arméniens ?
Nos deux peuples ont vécu 500 ans ensemble. Aujourd’hui, on ne sait même plus si les baklavas (dessert traditionnel) sont turcs ou arméniens ! Ici en France, on travaille ensemble. Nos communautés ont de bonnes relations. On espère que cette loi ne changera rien à cela.
(Photo Matthieu Dalaine)
http://www.varmatin.com/article/societe/questions-a-ibrahim-erdogan-president-de-lassociation-franco-turque-de-toulon.746161.html