En quelques jours, une trentaine de journalistes ont quitté le quotidien quasi centenaire, suscitant des inquiétudes pour l’avenir de la liberté de la presse, malmenée en Turquie.
Au siège de la rédaction de Cumhuriyet, à Istanbul, des reporters pianotent sur les claviers, des photographes sirotent du thé en riant et, sur un mur, la une d’un vieux numéro proclame : "Vous n’arriverez pas à nous abattre".
Mais derrière l’apparente normalité, ce journal férocement critique du président Recep Tayyip Erdogan, qui a bravé maints procès et menaces, vient de vivre une violente bataille interne qui laisse la rédaction exsangue.
En quelques jours, une trentaine de journalistes ont quitté le quotidien quasi centenaire, suscitant des inquiétudes pour l’avenir de ce bastion de la liberté de la presse, malmenée en Turquie.
Parmi les démissionnaires figurent de grands noms de la presse turque, comme le chroniqueur Kadri Gürsel, le caricaturiste Musa Kart ou encore la journaliste Cigdem Toker.
Cette hémorragie survient après le renouvellement du conseil d’administration de la fondation propriétaire du journal, le 7 septembre, au terme d’années de lutte impitoyable entre deux clans.
À couteaux tirés
Pour Ahmet Insel, un intellectuel respecté qui écrivait une chronique dans Cumhuriyet depuis 2015, le changement de direction signe l’"échec de la tentative de créer un journal ouvert, pas sectaire".
Ainsi se referme une parenthèse libérale de cinq ans pendant laquelle Cumhuriyet aura frappé les esprits, mais aussi connu de graves ennuis.
Mais si certains voient dans ces années un "âge d’or", en interne, les gardiens de l’orthodoxie kémaliste s’inquiétaient de l’évolution éditoriale. "Ils ont introduit dans Cumhuriyet des éditorialistes qui n’avaient rien à voir avec les idées républicaines et laïques", tempête Mine Kirikkanat, membre du nouveau conseil éditorial.
La guerre entre les deux camps est loin d’être terminée. La nouvelle direction accuse la précédente d’avoir siphonné la caisse avec de lucratives ruptures de contrat avant de s’en aller, ce que les intéressés démentent vigoureusement.
Source : avec L’Orient Le Jour