La livre turque remonte après une simplification des taux
La Banque centrale turque (CRBT) a décidé, lundi 28 mai 2018, que le taux de refinancement à une semaine deviendrait, à partir du 1er juin 2018, son principal taux directeur. Jusqu’à aujourd’hui, la CRBT utilisait le taux de refinancement au jour le jour.
Cette simplification de sa politique monétaire permet à la CRBT de mieux poursuivre, après un long attentisme, le redressement de la livre turque sérieusement malmenée ces derniers jours face au dollar américain. En campagne électorale, le président Erdogan refusant toute hausse des taux. Au point que le Fonds monétaire international (FMI), vendredi 25 mai 2018, avait jugé bon de réaffirmer la nécessité de l’indépendance de la Banque centrale vis-à-vis du pouvoir.
Le taux de refinancement à une semaine s’alignera désormais, à compter du 14 juin 2018, sur celui au jour le jour, à 16,5% après que, mercredi 23 mai 2018, la Banque centrale ait augmenté ce taux de 300 points de base pour défendre la livre turque. "Le gouvernement soutient de toutes ses forces les initiatives de la Banque centrale", indique Nihat Zeybekci. Le ministre turc de l’Economie affirme espérer que "cette tendance à la baisse continuera" et annonce une discipline budgétaire combinée à des réformes structurelles après les élections du 24 juin 2018, pour "combattre les taux d’intérêt élevés."
En pleine croissance économique, la Turquie fait face à une inflation galopante et un large déficit de ses comptes courants.
FMI Inquiet
Les experts s’attendent à d’autres interventions de la Banque centrale, même si la question sur le degré de latitude de l’institution par rapport au pouvoir politique est posée.
Le fait que la CBRT ait tardé à intervenir, alors que les économistes réclamaient depuis des mois une hausse des taux d’intérêt, montre en effet à quel point le pouvoir politique interfère dans la gestion monétaire. D’autant que le président Tayyip Erdogan, qui compte être réélu lors du scrutin anticipé du 24 juin prochain, a laissé entendre qu’il pèserait davantage sur la politique monétaire en cas de victoire.
L’ingérence d’Erdogan inquiète jusqu’au FMI qui a appelé au respect de l’indépendance de la banque centrale.
Crise de confiance
Entre-temps, les investisseurs préfèrent se tenir à l’écart de la devise et des actifs liés à la Turquie.
Du fait des tensions sur la Turquie, les cours des obligations de grands groupes turcs libellés en euros ou en dollar ont baissé ces derniers jours. En corollaire, les rendements de ces obligations ont progressé, pour atteindre des niveaux très élevés par rapport au rating de ces sociétés, avec à la clef peut-être des opportunités à saisir.
C’est le cas notamment pour des émetteurs turcs comme Arcelik, Koc Holding AS, Turkcell ou encore Türk Telekomunikasyon, où les investisseurs réclament une prime de risque en raison de leur nationalité.
Arcelik, Koc Hoding, Turkcell…
ARCELIK – Le fabricant d’appareils électroménagers et de téléviseurs d’origine turque est présent avec une obligation d’une maturité égale au 16 septembre 2021 et au coupon de 3,875%. L’obligation a dégringolé de 106% du nominal début avril à 100,73%, de quoi tabler sur un rendement de 3,63%. La coupure est de 100.000 euros et le rating « BB+ » chez S&P.
Arcelik exploite un total de 18 usines, en Turquie, mais également en Roumanie, en Russie, en Chine, en Afrique du Sud, en Thaïlande et au Pakistan. L’entreprise, contrôlée par la famille Koc, a réalisé un chiffre d’affaires de 5,28 milliards de livres au premier trimestre (+/- un milliard d’euros), dont la majorité en Europe et en Afrique du Sud pour un total de 2,725 milliards (+/- 500 millions d’euros). La Turquie a représenté 1,9 milliard (+/- 300 millions).
KOC HOLDING AS – La société holding est aux mains de la famille Koc dont elle regroupe les participations détenues par l’empire familial, et notamment Arcelik. Il s’agit en fait du plus grand conglomérat diversifié dans l’industrie et les services en Turquie en termes de chiffres d’affaires, d’exportations, d’impôts ou encore de nombre d’employés (95.000 personnes). Koc Holding, qui se positionne parmi les 500 meilleures entreprises au monde selon le classement Fortune 500, a fait état d’un chiffre d’affaires de 24 milliards d’euros à la fin de l’année 2017.
Koc Holding AS a notamment émis un emprunt en dollar, d’une maturité égale au 15 mars 2023 servant un coupon de 5,25%. Il y a moyen de l’acheter à 95,95%, soit un rendement de 6,24%. La coupure de cette souche obligataire notée « BBB- » chez Standard & Poor’s est de 200.000 dollars.
TURKCELL - Le principal opérateur mobile en Turquie, Turkcell, qui a réalisé l’année dernière un chiffre d’affaires de 17,63 milliards de livres turques (+/- 3,2 milliards d’euros), sert 50 millions de clients sur son marché local mais également à l’étranger (Georgie, Moldavie, Ukraine…). Son ratio dette nette sur Ebitda était de 1,4 x fin mars, date de la clôture des résultats trimestriels.
Sur le marché obligataire, Turkcell est présent avec un emprunt libellé en dollar, à échéance 15 octobre 2025 et au coupon de 5,75%. Cette obligation rapporte actuellement 6,49% compte tenu d’un prix d’achat de 95,69% du nominal. La coupure est de 200.000 dollars et son rating « BB+ » chez Standard & Poor’s.
TURK TELEKOMUNIKASYON – Türk Telekom est un prestataire turc de services technologiques et de télécommunications offrant à ses clients une gamme complète de services mobiles, haut débit, données, TV et voix fixe. Il est notamment détenu à hauteur de 30% par les autorités turques et 15% du capital est coté en Bourse. Türk Telekom recensait 13,9 millions de lignes fixes, 10,1 millions d’accès à large bande et 19,9 millions de clients en téléphonie mobile à la fin mars.
Sur le marché obligataire, Türk Telekom a levé 500 millions de dollars, par coupures de 200.000, à échéance juin 2024 et rémunéré par un coupon de 4,875%. Le rendement de cette souche obligataire, notée « BB+ » chez Standard & Poor’s, est de 6,71%, sur base d’un prix de 91,01% du nominal.
Sources :
avec Zonebourse, LesEchos et Econostrum