19 avril 2024

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L’article de Monsieur L’Ambassadeur de Turquie envoyé au journal Le Monde

Publié le | par Engin | Nombre de visite 347
L'article de Monsieur L'Ambassadeur de Turquie envoyé au journal Le Monde

L’article de Monsieur L’Ambassadeur envoyé au journal Le Monde le 19 Octobre en demandant qu’il soit publié, en réponse à l’article consacré au nouveau livre de M. Taner Akcam.

Pour faire définitivement la lumière sur les massacres de 1915 dans l’empire ottoman :

Réunir une Commission d’historiens, turcs, arméniens, et internationaux.

En consacrant un long article au livre de l’universitaire turc Taner Akçam intitulé « Killing orders : Talat Pasha’s Telegrams and the Armenian Genocide » (« Ordres de tuer : les télégrammes de Talat Pasha et le génocide des Arméniens »), Le Monde a pris en quelque sorte le parti de l’auteur dans la controverse sur les évènements tragiques de 1915. Cependant, tant de choses ont été dites, tant de rumeurs rapportées sur un sujet historique aussi grave, qu’il apparaît nécessaire de s’en tenir rigoureusement aux faits, tels que l’on peut les connaître après une enquête qui doit être précise et méticuleuse, et dont chaque élément doit être soigneusement contrôlé. Celle à laquelle s’est livré Taner Akçam pèche d’évidence en de nombreux points, le premier et le plus important étant constitué par les doutes très sérieux qui pèsent sur l’authenticité des documents qui, seuls, soutiennent son argumentation.

Ministre de l’Intérieur du gouvernement de la Sublime Porte, Talat Pasha est présenté dans le livre de Taner Akçam comme l’instigateur principal des exactions envers les Arméniens, sur la base de de télégrammes codés qu’il aurait envoyés aux gouverneurs territoriaux de l’époque. Télégrammes dont un chercheur arménien, Aram Andonian, il y a 98 ans, se serait procuré, à défaut d’originaux, quelques copies auprès d’un certain Naim Efendi. Taner Akçam serait parvenu à déchiffrer ces messages.

Leur contenu, tel qu’il est transcrit, est d’une violence extrême, puisque Talat Pasha y donne l’ordre d’exterminer l’ensemble du peuple arménien, hommes femmes et enfants. Il s’agit, selon M. Akçam, des preuves « irréfutables » que le gouvernement turc a bien ordonné le massacre des Arméniens.

En faisant de l’auteur « l’historien du génocide », Le Monde entérine de fait à la fois cette incrimination et cette qualification, alors même que Taner Akçam évite de s’attarder sur les nombreuses lacunes historiques de sa thèse et le manque de preuves solides pour établir l’authenticité des télégrammes.

Tout d’abord, qui est ce Naim Efendi ? A-t-il vraiment existé ?

Le seul document ottoman auquel M.Akçam se réfère pour en prouver l’existence est un compte-rendu de procès concernant un Naim « Efendi », fonctionnaire qui aurait travaillé à la même époque dans la même ville que le Naim « Efendi » auteur des lettres. On n’en connait ni le nom de famille ni l’identité exacte. On peut en outre se demander comment un tel personnage poursuivi pour corruption aurait pu avoir accès à des documents classés secret défense.

Aram Andonian lui-même décrit de façon contradictoire ce fameux Naim Efendi. Il est selon les cas « une personne qui lui fournit ces documents gratuitement malgré sa situation économique difficile » ou « un alcoolique et joueur pathologique en manque d’argent qui les lui vend ».

Ensuite, dans l’impossibilité d’avoir accès aux originaux, il n’existe aucun élément extérieur qui prouverait l’authenticité de ces télégrammes. Andonian affirme bien dans une lettre de 1937 qu’elle a été approuvée par un tribunal allemand, alors que, vérification faite, celui-ci n’a même pas voulu étudier les documents.

J’ajoute qu’il est impossible de faire des tests d’authenticité, dans la mesure même où M.Akçam a travaillé sur des photographies de photographies.

En troisième lieu, les télégrammes présentés sont incompatibles avec le système de correspondance de la bureaucratie impériale ottomane.

Même en admettant, par impossible, qu’un fonctionnaire de rang subalterne comme Naim Efendi, s’il a existé, ait eu accès à des documents classés secret défense, et même en supposant par hypothèse leur authenticité, il reste encore la question de leur cohérence avec le système d’échange de télégrammes chiffrés dans l’Empire ottoman. L’Administration, changeait les codes chiffrés constamment pour éviter le piratage. Ce fut évidemment le cas au cours des année 1915-1917, auxquelles se réfèrent les documents. Il est donc étrange d’y retrouver toujours les mêmes codes pour les mêmes mots durant toute cette période. D’ailleurs, il est avéré que l’Empire a utilisé durant cette période des codes à 2, 4 et 5 chiffres, tandis que dans les documents apparaissent aussi des groupes de codes à 3 chiffres.

Curiosité supplémentaire des télégrammes en question, ils utilisent en même temps des groupes de codes formés de 2 et de 3 chiffres. Ce mélange de deux codifications n’existe pas dans les archives, car le déchiffrage de tels télégrammes aurait nécessité l’utilisation de 2 différents décrypteurs en même temps, ce qui était impossible avec les techniques de l’époque. Rappelons que les ordinateurs n’existaient pas.

Enfin, utilisant un type de papier ignoré des archives, les télégrammes ne portent pas l’en tête impériale, point sur lequel la bureaucratie ottomane était très pointilleuse.

La quatrième faille dans la thèse de Taner Akçam n’est pas la moindre : à le lire, on devrait admettre que des gouverneurs pas encore en poste auraient signé et envoyé des télégrammes à des destinataires officiels pas encore nommés.

Exemples de cette confusion, parmi d’autres : le télégramme daté du 16 septembre 1915 envoyé au Ministre de l’Intérieur par le gouverneur d’Alep Abdülhalik Bey, alors que ce dernier n’a été nommé que le 10 octobre, soit près d’un mois plus tard. Ou encore ce télégramme que le même gouverneur d’Alep, toujours pas encore nommé, aurait envoyé, toujours le 16 septembre 1915, à Abdülahad Nuri Bey, en tant que directeur de l’office des réfugiés et des tribus d’Alep, alors que le destinataire n’est lui-même ni nommé ni pressenti pour ce poste. La preuve en est que le ministre de l’Intérieur demande le 14 octobre seulement à la direction de l’office son avis pour l’éventuelle nomination d’Abdülahad Bey.

Pour couronner le tout, les signatures attribuées dans ces télégrammes au gouverneur d’Alep ne correspondent pas à celles qui figurent dans les archives.

Tels sont donc quelques-uns des éléments qui apportent un démenti aux assertions contenues dans le livre de Taner Akçam. Loin d’être un « Sherlock Holmes de l’histoire », celui-ci- fait preuve pour le moins d’un certain amateurisme, très éloigné de la démarche rigoureuse qui doit être celle d’un véritable historien.

Il est permis, dans ces conditions, de regretter que Le Monde n’ait pas mis quelques réserves dans sa présentation de l’ouvrage.

Taner Akçam accuse en outre les gouvernements successifs de la Turquie de « déni » de la réalité, quand il écrit : « Le sujet est trop profondément lié à l’identité nationale. Admettre le génocide remettrait en question ce sur quoi s’est construite la république et annihilerait le récit national. Impossible ! Le déni, la destruction de preuves et la fabrication de fausses pièces pour ériger une fausse histoire furent inscrits dans la genèse et l’idée même du génocide ».

Pour n’être pas nouvelles, ces accusations n’en sont pas moins graves. C’est parce qu’il en est conscient que le gouvernement turc a dès le 10 avril 2005 proposé publiquement la création d’une commission d’historiens et de spécialistes, turcs, arméniens, et internationaux, proposition que le Président Erdogan a réitérée. Elle n’a pas encore reçu de réponse, bien que la Turquie se soit engagée à respecter les résultats des travaux de cette commission. Quels qu’ils soient.

Ne serait-ce pas la meilleure façon d’effacer les différends, de fermer les plaies, et de travailler à la réconciliation de deux peuples qui ont une si longue histoire commune ?

Ismail Hakkı MUSA

Ambassadeur de Turquie en France


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