France - question arménienne : quand la loi sert l’obscurantisme
Le Sénat français a donc voté, hier, une loi qui détermine le caractère d’un événement passé. L’Histoire va désormais se faire dans les Parlements, et comme chacun le sait, les politiciens sont de grands humanistes, savants, neutres et absolument objectifs, ce qui devrait grandir à coup sûr la vérité historique.
En France, où l’extrême droite fait 20% dans les sondages, où la droite traditionnelle a tellement siphonné les idées et les positions du FN qu’elle ne sait plus quoi faire, hormis proposer la sortie de l’Euro, ce qu’elle ferait si cela rapportait 1 ou 2 points de sondage, où la gauche clientéliste et réactionnaire est si bancale qu’un souffle risque de la faire tomber, et où la turcophobie a le vent en poupe, il est certain que, dans un tel contexte, le vote d’hier était exempt de calcul électoraux, d’arrière-pensée xénophobe.
« Vive l’humanisme », « la patrie des droits de l’homme s’est retrouvée », « les droits de l’homme passent avant la politique », un concert de bons sentiments, sonnant creux et enrobés d’hypocrisie.
Pourquoi pas après tout, à chacun ses illusions, mais lorsque celles-ci servent à taper sur tout un peuple en instrumentalisant une tragédie, nourrissent et ravivent la xénophobie contre les Turcs alors elles doivent être rejetées.
Car ces Parlementaires « ouistes », qui se couvrent de gloire d’avoir tapé sur la Turquie et se trouvent un courage de Résistant, fuiraient à toutes enjambées, s’écrasant les uns les autres, sur une petite pression américaine, s’il s’était agi de voter les massacres des Amérindiens, par exemple.
Jack Lang qui connait assez bien le monde politique, disait clairement à propos de ces néo-héros :
« Disons-le, il faut parler clair, ceux qui ont voté ce texte l’ont fait non pas du tout par une sorte de commisération morale, non pas du tout par une sorte d’attachement à une histoire. Ils l’ont fait tout simplement, par préoccupation électorale. »
« Patrie des droits de l’homme », oui, mais hypocrite et menteur faut-il rajouter pour compléter le tableau issu du vote d’hier.
Le Président Nicolas Sarkozy, auquel l’habit de président est décidément trop grand, peut bien miser sur la démagogie anti-Turquie pour récolter des voix, lui qui a renié le gros de ses promesses de candidat, le Gouvernement peut bien utiliser une tragédie pour mettre la pression sur une Turquie qui concurrence ses aires d’influence, le Parlement, hormis des Sénateurs et Députés lucides et qu’il faut saluer avec force, peut voter les lois sur l’Histoire qu’elle veut, chacun est maître chez soi comme je l’ai dit, mais la vérité historique, elle, demeure, et ce ne sont pas des petits hommes sans envergure qui y changeront.
Voilà donc la triste réalité, la France, ce grand pays, qui a créé tant de grands génies, a perdu des milliards d’euros en Grèce, elle ferme les yeux sur les autoritarismes qui montent chez elle et en Europe, sa puissance décline, sa plus grande ambition serait donc maintenant la turcophobie scénarisée en humanisme, autant dire qu’elle s’est enfermée dans l’étroitesse du monde des ressentiments, à elle-même d’en sortir.