Nous vous proposons de découvrir la lettre ouverte adressée au Président de la République Française M. Nicolas Sarkozy, suite au vote, le 22 décembre 2011, par une cinquantaine de députés à peine, soucieux de ménager le lobby arménien en France, d’une loi liberticide visant à réprimer par de lourdes peines la contestation du "génocide arménien", Histoire Officielle instaurés par la loi -pourtant anticonstitutionnelle- du 29 janvier 2001.
Monsieur Le Président,
C’est avec indignation que nous souhaitons réagir au vote hier, de la proposition de loi sur « la lutte contre le racisme et sur la répression de la contestation de l’existence des génocides reconnus par la loi » réprimant en fait la négation du génocide arménien en France.
Partagés entre deux cultures de par nos histoires personnelles et nos éducations, nous sommes trois anciens élèves du lycée Français Pierre Loti d’Istanbul.
Actuellement étudiants à Sciences Po et McGill, nous ressentons l’ardent besoin de vous exprimer le désarroi de l’ensemble de la communauté francophone et francophile d’Istanbul. Cette lettre ne s’inscrit pas dans une logique partisane ; elle est un plaidoyer en faveur de la souveraineté de chaque pays,libre de faire face à ses maux historiques de façon indépendante.
Cette loi mémorielle est dangereuse. Elle cristalliserait les frustrations intercommunautaires plutôt que de protéger les minorités en France. En effet, nous craignons que cette loi aie des répercussions négatives sur les deux communautés qui, jusqu’à présent ont cohabité autant en France qu’en Turquie.
La France, garante des libertés fondamentales issues du Siècle des Lumières nous paraît aujourd’hui agir en totale contradiction avec ses propres valeurs. Imposer une histoire officielle est liberticide et indigne d’une démocratie.
Le concept d’histoire officielle, d’histoire dictée, d’histoire imposée n’est pas récent. En effet, nous en avons fait l’expérience sous les régimes
totalitaires du XXe siècle.
L’Histoire n’est pas un objet juridique. C’est une science sociale dédiée à l’étude du passé par des historiens ayant acquis l’expertise nécessaire pour juger en toute impartialité et de la véracité de ces faits historiques et de leurs qualifications. Par conséquent, il nous semble évident que le rôle du Législateur n’est pas d’imposer une interprétation officielle de l’Histoire. Si tel était le cas, a quoi serviraient les historiens ?
Hrant Dink ambassadeur de la cause arménienne en Turquie, au cœur de cette problématique et militant de la liberté d’expression s’opposait à l’élaboration de toute loi réduisant l’histoire à des lois punitives. Ainsi, il déclara en 2006 que si la France venait à légiférer sur la question du génocide arménien, il serait le premier à le nier sur le sol français, alors qu’il continuerait à le reconnaitre sur le sol turc ;et cela, au nom de la liberté d’expression.
C’est au nom de ce principe démocratique sacré que nous demandons à la France de ne pas y déroger.
Monsieur Le Président, nous ne comprenons pas l’immixtion du Législateur français dans cette affaire. L’implication officielle de la France constitue un acte d’ingérence hostile contre-productif et potentiellement néfaste. La question du génocide arménien ne peut pas être transformée en outil diplomatique ou, pire, électoraliste. Nous sommes persuadés que la France serait plus fidèle à ses traditions si elle offrait ses bons offices afin de stimuler le dialogue entre l’Arménie et la Turquie.
Monsieur le Président, en attirant votre attention sur cette regrettable initiative du parlement français qui nous heurte au plus au profond dans notre conscience de citoyens français ou de francophiles d’origine turque, nous vous saurons gré de bien vouloir apporter une réponse à nos questions.
Nous vous prions d’agréer, Monsieur Le Président, l’expression de nos
respectueuses salutations biculturelles.
Atassi Melisa ’Sciences Po Paris’ (Turco-syrienne)
Eyuboglu Nil ’Sciences Po Paris’ (Franco-turque)
Kesova Sinan ’McGill Montréal’ (Franco-turc)