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Erdogan fait ses emplettes en Somalie

Publié le | par Engin | Nombre de visite 552
Erdogan fait ses emplettes en Somalie

Afrique - Turquie : Erdogan fait ses emplettes en Somalie

Le président turc a inauguré un nouvel aéroport à Mogadiscio fin janvier. Avec ses nombreux investissements, la Turquie pose une stratégie de long terme.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan et le président somalien Hassan Sheik Mohamoud à Mogadiscio le 25 janvier 2015.

Par Claire Meynial

 

Sur le sable, la foule agglutinée ouvre ses bagages pour la fouille, au soleil brûlant. Plus bas, sous le préau de l’entrée, hommes et femmes attendent dans deux files séparées, triés par des gardes armés de bâton. Après le passage de la sécurité dans un couloir, l’enregistrement se fait sous des ventilateurs immobiles dont les fils pendouillent, tout comme les pancartes indiquant les noms des compagnies aériennes. Les bagages sont poussés dans un trou dans le mur.Le préhistorique aéroport de Mogadiscio, capitale de la Somalie, ne devrait bientôt plus être qu’un mauvais souvenir. En mars, un terminal flambant neuf entrera en fonction. « L’aéroport des Turcs. » Le 25 janvier, Recep Tayyip Erdogan l’inaugurait, dans une ville figée, où tous les déplacements étaient interdits. Dans la base militaire de l’Amisom (African Union Mission in Somalia), ils n’étaient autorisés qu’en véhicules blindés. Quant à l’aéroport, son accès était surveillé par des services de sécurité turcs surarmés et particulièrement nerveux. Difficile de leur en vouloir : deux jours plus tôt, un véhicule piégé par les terroristes islamistes d’Al-Shebab avait tué cinq personnes (des Somaliens) devant l’hôtel abritant la délégation turque. Quand, après trois heures d’attente, Erdogan est enfin descendu de l’avion avec sa femme, il était accueilli en héros. « Grâce à vous et à votre peuple, c’est une nouvelle ère qui s’ouvre pour la Somalie. Vous êtes les bienvenus ici, dans votre seconde patrie », affirmait Hassan Sheikh Mohamoud, le président somalien, avant de laisser son homologue turc couper le ruban « au nom d’Allah ».

Qu’allait faire Erdogan dans cette galère ?

Il l’a bien expliqué, il voulait « aider les Somaliens ». De même que pour l’hôpital et la mosquée inaugurés ensuite. Mais pas seulement. Si l’histoire d’amour entre la Somalie et la Turquie ne date pas d’hier (le pays de la Corne a fait appel à l’Empire ottoman contre le Portugal au XVIe siècle, puis contre le Royaume-Uni au XIXe), elle connaît un nouveau souffle depuis 2011. Cette année-là, la Somalie plonge dans une crise humanitaire qui tuera 260 000 personnes, résultat de la famine et de la guerre civile. En août, l’Amisom repousse les terroristes hors de Mogadiscio. Deux semaines plus tard, Erdogan y atterrit avec sa femme. C’est le premier chef d’État non africain à visiter le pays depuis 1991 et la chute du président Siad Barré qui marqua le début de plus deux décennies d’affrontements. Le Croissant Rouge est présent, la Turquie multiplie les aides : elle construit des camps pour les déplacés, des réseaux d’eau potable. Elle organise le ramassage des ordures, ouvre des écoles, des cliniques. Lors de sa visite, Erdogan annonce des bourses dans les universités turques, qui accueillent 1 200 étudiants somaliens en 2012. Il rouvre l’ambassade de Turquie à Mogadiscio, quand la plupart des pays, encore aujourd’hui, opèrent depuis Nairobi, au Kenya. Surtout, il remet la Somalie sous le feu des projecteurs. « Pour les Turcs, cette visite était l’équivalent du concert Live Aid de Bob Geldof, sur le sida. Ils ont massivement envoyé de l’aide », raconte Nicholas Kay, représentant de l’Union européenne en Somalie. En un an, les particuliers donnent 365 millions de dollars, l’État turc lui-même, 49 millions.

Pour les Somaliens, ce sont des bienfaiteurs tombés du ciel

« Regardez ça, nous n’aurions jamais osé rêver d’un tel aéroport ! » s’enthousiasme Ifrah Ahmed, militante des droits de l’homme, émerveillée. Turkish Airlines opérait cinq vols directs par semaine depuis Istanbul, elle va désormais monter à sept. Ce n’est pas tout : ce sont évidemment des Turcs, qui dirigent l’aéroport, mais aussi le port, qu’ils ont modernisé. « Ils ont refait des routes, les marquages au sol, l’éclairage public », énumère Les Lunceford, à la tête de la filiale locale de SKA Group, entreprise de services dans les pays en guerre. Pourtant, Les est loin d’être un fan : « Nous avions signé un contrat de 10 ans avec l’État somalien en 2010, pour opérer l’aéroport. Au bout de 3 ans, ils l’ont dénoncé pour mettre les Turcs à notre place. On leur a dit qu’ils n’avaient pas le droit de faire ça, mais ils s’en fichaient. » Il faut dire que SKA est un groupe anglais, basé à Dubaï. Or, les Turcs échappent à la désastreuse image des anciens colons, des États-Unis et même des Chinois, connus pour faire venir leur main-d’œuvre quand ils investissent sur le continent. La Turquie, dont les relations avec ses voisins deviennent de plus en plus difficiles, voit en l’Afrique un nouveau relais de croissance et d’influence. Elle qui comptait 5 ambassades sur le continent en 2009, fait désormais flotter le drapeau rouge sur… 39 pays.Les Turcs, à Mogadiscio, sont pourtant vus comme des héros désintéressés, volant au secours de leurs frères musulmans, ignorant les menaces des Shebab qui les accusent de vouloir séculariser le pays. « Les Somaliens sont extrêmement reconnaissants parce qu’ils ont été attaqués et ont subi des pertes, mais ça ne les a pas découragés d’investir. Aucun pays européen n’est assez courageux pour faire ça », reconnaît Nicholas Kay. Parmi les attaques les plus spectaculaires, celle du consulat, en juillet 2013 (2 morts) et surtout, en octobre 2011, celle du ministère de l’Éducation, où étaient remises les bourses d’études turques, qui avait fait plus de 100 morts parmi les étudiants.

La Turquie sur le front de la formation des imams

L’influence culturelle de la Turquie n’a rien d’anodin. En formant des imams, elle s’oppose à la montée du wahhabisme en Somalie. Et en accueillant de jeunes Somaliens dans ses universités, elle s’y assure un avenir économique et politique. La plupart acceptent de rentrer reconstruire leur pays, une fois leur diplôme obtenu, et deviendront les chefs d’entreprise, intellectuels, ingénieurs ou ministres de demain. Qui privilégieront des partenaires, clients, homologues turcs. Or, la Somalie, si elle se stabilise enfin, représente un joli marché potentiel, « avec une population de 12 millions d’habitants dont 70 % sont âgés de moins de 30 ans », souligne Nicholas Kay. Toutes les infrastructures sont à reconstruire, le marché des télécoms est en plein essor. Et surtout, celui qui exploitera les ressources de la Somalie aura sous la main sur un beau pactole : charbon, uranium, gaz naturel… et surtout, pétrole dans la région autonomiste du Puntland, dont on ne connaît pas encore la quantité. « Vous avez été les premiers ici, aujourd’hui encore, vous êtes en avance sur les autres pays », a dit Sheikh Hassan Mohamoud, le président de la Somalie, à Erdogan. Nul doute que celui-ci est fermement décidé à conserver sa place


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