28 mars 2024

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DATE ANNIVERSAIRE DU TRAITE DE SÈVRES OU « L’ASSASSINAT DU PEUPLE TURC »

Publié le | par Özcan Türk (Facebook) | Nombre de visite 721
DATE ANNIVERSAIRE DU TRAITE DE SÈVRES OU « L'ASSASSINAT DU PEUPLE TURC »

DATE ANNIVERSAIRE DU TRAITE DE SEVRES OU « L’ASSASSINAT DU PEUPLE TURC »

Il y a 99 ans, le , une délégation envoyée par le sultan Vahdettin signait l’infâme traité de Sèvres visant purement et simplement à effacer l’identité turque d’Anatolie. La 1è photo en illustration montre un état cartographié du contenu que prévoyaient les 433 articles de ce traité anti-turc.

Les frontières redessinées par le traité de Sèvres
Les frontières redessinées par le traité
Un état cartographié que prévoyaient les 433 articles de ce traité anti-turc

La seconde photo en illustration, prise sur un bâtiment de guerre ennemi, montre la délégation ottomane qui part à la Conférence de paix de Paris pour signer l’ignoble traité de Sèvres. Le Grand Vizir Damat Ferid Pacha porte un fez. A sa droite se tient Rıza Tevfik Bölükbaşı, président du Conseil d’Etat et à sa gauche, Mehmed Hadi Pasha, ministre de l’Education puis Reşat Halis Bey, l’ambassadeur ottoman à Berne.

Rıza Tevfik, Damat Ferid Paşa, Hadi Paşa, Reşid Halis un bâtiment de guerre ennemi, montre la délégation ottomane qui part à la Conférence de paix de Paris pour signer l'ignoble traité de Sèvres.
Rıza Tevfik Bölükbaşı
Rıza Tevfik Bölükbaşı (le premier à gauche), ici en 1920, parmi les signataires ottomans du traité de Sèvres : Rıza Tevfik, Damat Ferid Paşa (grand vizir), Hadi Paşa (ministre de l’Éducation) et Reşid Halis (ambassadeur).

Heureusement, Atatürk qui avait qualifié ce traité : « L’assassinat du peuple turc », réussira à mobiliser les forces vives de la nation, vaincra l’ennemi occupant le territoire turc et fera signer le traité de Lausanne en faisant annuler le traité de Sèvres.

Ironie de l’histoire, Damat Ferid est mort le jour où le traité de Lausanne fut ratifié par l’Assemblée nationale turque.


Je vous soumets, ci-dessous, la traduction de l’éclairage de l’historien Sinan Meydan rapporté par le journaliste Gökmen ULU le .

A la fin de ce texte, je vous communique un lien sur une explication vidéo de Sinan Meydan.


TRADUCTION

***Comment en sommes-nous arrivés aux propos d’Erdoğan qui estime : « Ils nous ont montré Sèvres et nous ont convaincus avec le traité de Lausanne » ?

 La responsabilité de notre soumission à l’infâme traité de Sèvres incombe totalement aux dirigeants ottomans qui ont collaboré avec l’occupant impérialiste, le sultan Vahdettin, Mehmet VI et le Grand vizir Damat Ferit. N’oublions pas que c’est avec l’accord du Padischah Vahdettin que le traité de Sèvres a été signé par l’Empire ottoman. La délégation ottomane ayant signé Sèvres le se composait de Mehmed Hadi Pasha, ministre de l’Education, de Reşat Halis Bey, l’ambassadeur ottoman à Berne et de Rıza Tevfik Bölükbaşı, président du Conseil d’Etat. La Grande Assemblée nationale de Turquie a refusé de reconnaître ce traité et a décrété que les signataires ottomans étaient des traîtres à la patrie. Le sultan Mehmet VI et Damat Ferit, en collaboration avec l’ennemi britannique, ont alors commencé à tirer à boulets rouges sur Mustafa Kemal et les indépendantistes turcs d’Anatolie afin de faire ratifier le traité de Sèvres par la Grande Assemblée nationale de Turquie. Le courroux impérial s’est de suite abattu sur la rébellion turque menée par Mustafa Kemal citons entre autres, la milice ottomane nommée « l’Armée du Calife », les délégations de conseillers « Heyeti Nasiha » exhortant la population turque à ne pas s’opposer à l’occupant, des firmans pour l’exécution immédiate de Mustafa Kemal, nombres de soulèvements obscurantistes, tout cela fomenté par Mehmet VI et son grand vizir Damat Ferit pour faire vivre le traité de Sèvres. A tel point que le , lors de la réunion du Conseil impérial, Damat Ferit estime que signer le traité de Sèvres est insuffisant et pour le faire appliquer, il est impérieux d’abattre le soulèvement indépendantiste de Mustafa Kemal. Ceux qui ont validé l’arrêt de mort de la Turquie par le traité de Sèvres ne sont pas Mustafa Kemal et ses camarades d’armes mais bien Mehmet VI et sa cour.

***Quel est le contenu exact du traité de Sèvres ? Quelle était sa finalité ?

 Pour comprendre l’accord de Sèvres, il faut comprendre la question d’Orient. L’objectif ultime de la question d’Orient était d’expulser les Turcs d’abord de l’Europe, puis des Balkans et enfin d’Anatolie. A l’issue de la Première Guerre mondiale, les Turcs ont été refoulés d’Europe occidentale et des Balkans. Il restait à les jeter hors d’Anatolie. C’est dans cette logique que les forces impérialistes ambitionnaient de ponctuer ce processus d’élimination à Sèvres le . Pas moins de 102 réunions ont été organisées en Europe occidentale à cet objet entre et . Ainsi est née une sentence de mort de 161 pages contenant 433 articles, on l’a nommé traité de Sèvres. Le but réel était de gommer l’entité turque en morcelant le territoire turc, en le réduisant en miettes puis, par étapes, en effaçant les Turcs d’Anatolie. Sèvres prévoyait une autorité régionale britannique, française et italienne et Istanbul était tout uniment détaché de la Turquie et condamné à un statut international. Izmir et sa région entraient dans le giron grec et ses populations turques se voyaient offrir le statut de « minorités ». A l’est, les ennemis prévoyaient la création d’une grande Arménie et d’un Kurdistan dans le sud anatolien. Quant à la Turquie, elle se trouvait confinée à quelques provinces au milieu de l’Anatolie. Mais, Sèvres avait également prévu une place pour le sultan calife qui allait continuer d’occuper un siège à Istanbul.

***Est-ce que c’est la Turquie qui a été convaincue de signer Lausanne ou bien l’inverse, la Turquie victorieuse de la Guerre d’indépendance a-t-elle convaincu les pays belligérants de conclure le traité de Lausanne ?

 Les puissances impérialistes de l’époque voulaient convaincre la Turquie de signer le traité de Sèvres. Au final, le sultan Mehmet VI et le grand vizir Damat Ferid en tête, les dirigeants ottomans ont ratifié Sèvres. Qui plus est, afin que Sèvres soit pleinement effectif, ils ont déployé tous les efforts possibles en devenant les sous-traitants bénévoles de l’occupant britannique. Lausanne est tout autre, il représente la paix arrachée par le sang de la guerre d’indépendance menée par le peuple turc sous le commandement de Mustafa Kemal avec les cris de détermination ultimes : « soit l’indépendance, soit la mort ! ». C’est ainsi, avec leur honneur et leur fierté, que les Turcs ont convaincu les ennemis de négocier un nouvel accord, le traité de paix de Lausanne. Pourtant, lors de la conférence de Lausanne, les pays belligérants ont tenté de faire accepter une version édulcorée du traité de Sèvres (ébauche du ) mais İsmet Inönü a refusé allant jusqu’à claquer la porte avec les instructions d’Ankara et en rentrant au pays. Comprenez bien que les négociateurs turcs ont refusé catégoriquement que l’ennemi leur dicte des conditions inacceptables. Et pourtant, lors des négociations, les bâtiments de guerre ennemis étaient amarrés aux ports d’Istanbul et d’Izmir. La menace armée n’avait pas quitté le pays, à l’inverse, elle grondait. Malgré cela, les Turcs ont dit non. Et ce n’est qu’après le traité de Lausanne que l’occupant a définitivement quitté notre pays. Les Turcs, à Lausanne, ont réalisé le « Serment national » (Misak-i Milli), cette déclaration d’indépendance en 6 articles qui avait été adoptée dès . Ils ont ainsi acquis un pays libre et indépendant aux frontières clairement établies. Disons aussi que l’un des plus brillants succès obtenus à Lausanne est sans nul doute l’abrogation des traités de Capitulations octroyés par les sultans ottomans aux puissances étrangères. Ces accords offraient aux étrangers des droits et des privilèges impensables et donc constituaient une ingérence légale dans les affaires du pays. Citons aussi la fin du système juridique pluriel (selon la confession), la disparition de la différenciation musulmans-minorités, ainsi que l’avortement de l’idée de création d’une grande Arménie et d’un Kurdistan. Toutes ces avancées ont permis de fonder le socle d’une Turquie libre et indépendante.

***Comment avons-nous perdu les îles de la mer Egée ? Ont-elles été cédées à Lausanne ?

 Cette allégation fait partie des mensonges les plus répandues. En effet, lors des guerres balkaniques durant l’Empire ottoman, les îles de la mer Egée ont été envahies par les Grecs. Le pouvoir ottoman en ratifiant le traité de Londres le et le traité d’Athènes le a abandonné à la Grèce ses îles en mer Egée. De la même façon, à la fin de la Guerre de Tripolitaine (guerre turco-italienne), l’archipel des îles du Dodécanèse (12 Adalar), à quelques encablures de la côte turque juste en face de Bodrum, a été cédé aux Italiens par le traité d’Ouchy le . A Lausanne, la Turquie n’a perdu aucune île à l’exception de Megisti. A l’inverse, les négociateurs turcs ont même réussi à récupérer des îles comme Gökçeada (Imbros), Bozcaada (Ténédos), Tavşan adası (Néandre) ainsi que toutes les îles, îlots et rochers distants de moins de 3 milles marins du littoral turc.

***Pourquoi n’avons-nous pas pu conserver Moussoul et Kirkouk ?

 Tout d’abord, Moussoul n’a pas été perdu avec Lausanne. Cette région est passée sous occupation britannique dès le . A Lausanne, comme aucun accord n’a été trouvé pour Moussoul, la question a été reportée à une date ultérieure par les parties. Après Lausanne, les Britanniques ont œuvré avec perfidie. Ils ont ouvertement soutenu et obtenu la révolte des Nestoriens en et sournoisement la révolte armée obscurantiste et féodale de Cheik Sait en contre la jeune République turque. Ces deux soulèvements kurdistes ont affaibli la main turque à propos de Moussoul. Les Britanniques occupaient également Chypre et en Irak, la Royal Air Force possédait une grande base militaire. Dans ces conditions, les exigences turques n’avaient plus aucune force.

***Y-a-t-il des accords secrets conclus à Lausanne ?

 On peut aisément consulter le texte intégral et les annexes du traité de Lausanne. Il n’est pas secret. Le traité est un accord international qui se compose de 17 annexes , 5 parties, 5 accords, 5 protocoles et 5 déclarations, comportant au total 143 articles. (pour le consulter, cliquez ici).
Cet accord a été conclu et signé par de nombreux pays. Le traité est multipartite et non bipartite. Imaginer des « accords secrets » est clairement impossible sur le plan juridique. C’est contraire au bon sens ! Comme je l’ai dit, c’est un accord multipartite, par exemple comment des accords qui seraient convenus avec les seuls Britanniques auraient pu être validés par les autres parties ? En conclusion, le traité de Lausanne ne contient absolument aucun document secret. C’est une pure légende inventée par l’historien au fez, Kadir Mısıroğlu.

***Est-ce que l’accord de Lausanne nous interdit d’exploiter nos richesses souterraines comme le pétrole ou les métaux précieux ?

 Il n’y a rien de tel dans le traité de Lausanne. A l’inverse, Lausanne a définitivement mis fin aux traités de Capitulations octroyés lors de la période ottomane. Ainsi, les étrangers ont perdu tout privilège et la République de Turquie est devenue l’unique propriétaire de son sol et de son sous-sol ainsi que de tout ce qui s’y trouve notamment pétrole, minéraux et métaux.

***Est-ce que la validité du traité de Lausanne est de 100 ans ? Arrive-t-il à terme en 2023 ?

 C’est là, la plus risible des désinformations. Nulle part dans le traité ou ses annexes ne figure une date d’expiration. Le traité de Lausanne est le titre de propriété de la République de Turquie. Tant que la République existera, le traité existera.

***Quelle est l’opinion d’Atatürk à propos du traité de Lausanne ?

 Dans son livre « Nutuk » (Discours), Atatürk, en référence au traité de Lausanne et à celui de Sèvres estime : « Je pense qu’il est inutile de comparer encore plus les dispositions du traité de paix de Lausanne avec celui de Sèvres. Cet accord éradique l’infâme tentative d’élimination du peuple turc que certains avaient planifié de ponctuer avec le traité de Sèvres. C’est là, un succès contractuel jamais obtenu dans l’histoire ottomane. »

***Et İsmet İnönü, le second Président de la République, que pense-t-il du traité de Lausanne ?

 Dans ses « Mémoires », İsmet İnönü écrit : « Nous avons fondé un Etat en partant d’un ‘homme malade’. Le traité de Lausanne constitue l’acte politique fondateur du nouvel Etat turc. Cet Etat-nation contemporain est pleinement indépendant et jouit entièrement de ses droits. Le traité de Lausanne ratifie et consacre cette réalité. Qu’a-t-il coûté en temps ? Alors que tous les pays se sont battus durant 4 ans lors de la Grande Guerre mondiale, les Turcs ont guerroyé 4 ans de plus, soit 8 ans face aux ennemis qui avaient envahi les 4 coins du pays. Les combattants turcs ont sauvé leur pays l’arme à la main et ont fait accepter ce traité. »

Gökmen ULU
1 octobre 2016

Vidéo explicative de l’historien Sinan Meydan : https://www.facebook.com/watch/?v=522172618590331


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