29 mars 2024

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Europe

Plaidoyer pour une Turquie européenne

Publié le | par TN-pige | Nombre de visite 132

par Franck Debié, directeur du centre de géostratégie de l’ENS


L’idée de suspendre les négociations avec la Turquie sur son adhésion à l’Union européenne est dans l’air. Est-elle en train de devenir l’exigence qui différenciera la droite européenne d’une gauche qui n’ose pas dire non, mais ne milite pas pour l’adhésion ? Trois thématiques mobilisent le camp des opposants à l’adhésion : la défense d’une identité « chrétienne » de l’Europe face à l’islam et à l’Islam politique ; le réalisme budgétaire alors que l’Europe sera plus vieille et plus pauvre que prévu en 2020, et, enfin, l’intégrité institutionnelle de l’Union, menacée aux yeux des fédéralistes. Ceux-ci craignent que l’adhésion turque ne renforce la « dérive intergouvernementale ». Au plan des idées, on le voit, le refus de l’adhésion mobilise large.

Si, en dépit de la raison, le refus de la Turquie marque des points, c’est que les arguments des partisans de l’adhésion sont mal affûtés. On brandit le respect des engagements ou les risques d’une non-adhésion turque. Mais cela ne convainc plus. Il n’est pourtant pas si difficile d’imaginer d’autres discours en faveur de cette adhésion à partir d’un projet de puissance européenne globale, à la fois plus attentive à sa géopolitique et plus communautaire dans son fonctionnement.

L’économie de l’Europe a besoin de la jeunesse, de la vitalité et de la puissance de la Turquie. Les citoyens de l’Europe ont besoin de pouvoir continuer, en Turquie et à partir de la Turquie, le combat pour la liberté et la démocratie, car une Europe qui ne se bat plus pour ses valeurs finira par les oublier. Nous avons besoin aussi d’un grand pays qui puisse déranger les compromis ficelés d’avance entre les grands pays de l’Union. Nous avons besoin d’une Union où soient possibles d’autres équilibres, d’autres alliances que le « franco-allemand », cet euphémisme qui masque mal le poids légitime et prépondérant de l’Allemagne sur les décisions européennes. Nous avons besoin enfin de renforcer la capacité de l’Union à intervenir dans la zone géographique d’où viennent les opportunités et les dangers les plus importants pour elle, c’est-à-dire le Moyen-Orient.

Comment y parvenir en se passant de la Turquie et des Turcs ? Nous avons besoin de faire de l’Union une puissance acceptée du monde musulman. Elle en a les moyens, car elle demeure la société la plus ouverte, la plus progressiste du monde globalisé, comme la plus capable d’intégrer l’autre. Nous avons sans doute besoin de la Turquie pour éviter à l’Europe de vieillir et de renoncer au monde.

Source : L’Expansion, 1er Septembre 2009


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